Suite à l’élection municipale du 30 juillet 1848, le dimanche 3 Août, jour de foire à Linards, trente électeurs illettrés et mécontents font rédiger par l’ancien maire Rougier une réclamation en annulation des élections municipales. Ils accusent les vainqueurs d’avoir falsifié leurs bulletins : plus de 80% des électeurs étant analphabètes, ils doivent donc faire confiance à un notable ou un artisan instruit pour lui faire choisir ou remplir leurs bulletins. Certains auraient profité de l’ignorance de leurs concitoyens.
Voici le texte de cette réclamation :
" Trente électeurs de la commune de Linards, prétendant en représenter 150, protestent contre l'illégalité des élections des conseillers municipaux des 30 et 31 juillet dernier. Leur protestation repose sur ce que plusieurs des électeurs sachant lire et écrire, en recevant le vote des illettrés ont inscrit plusieurs vœux des illettrés sans tenir compte de ce qu'ils disaient et en inscrivant des noms qu'ils n'indiquaient pas, en les remplaçant par ceux qui leur plaisaient. Que le bureau lors du dépouillement s'est permis fort légèrement d'annuler plusieurs votes qui n'auraient pas dû l'être. C'est de tout quoi ils offrent de faire preuve si besoin est. Et d'après ces motifs voir annuler les élections qui ont été faites les 30 et 31 derniers. De tout quoi ils ont requis l'inscription sur le procès-verbal des dites élections et ont déclaré ne savoir ni lire ni écrire.
Arnaud L. du Buisson, Gardias, Tourniérou Etienne, Dunouhaud fils, Castenot L. jeune, Jeandillou L., Jacquet fils, Bourissou L. père, Denis cadet, Delanne Antoine, Jaye Jean, Dejeanpetit Fr., Fr. Valade, Jacques Rivet, Jean Cluzaud aîné, Simonet L., Denardou L., Lapaquette Jean, Guilme. Bonnefond, Jean Jayout, Marsaly Paul, Demarty L., Vergne Jean, L. Flacard, Sautour L., Pierre Sély, Pierre Romanet, L. Valade.
Monsieur Rougier, propriétaire et ex-maire de
cette commune, rédacteur de cette pétition, a refusé
de la signer en prétendant que ça ne le regardait pas. "
LE POINT DE VUE DU MAIRE
Une lettre du maire Faucher au préfet, le 7 août 1848, nous éclaire sur l’ambiance tendue qui semble régner dans la commune :
" Citoyen Préfet,
Je me bornerai à vous dire que cette protestation n'est autre chose que l'expression du mécontentement de 25 ou 26 candidats qui n'ont pu être élus ; du reste ce qui le prouve d'une manière évidente, c'est que le rédacteur, M. Rougier, ex-maire, a refusé de la signer, et bien certainement s'il avait pensé qu'elle fut fondée il y aurait apposé son seing. S'il est nécessaire de vous fournir des renseignements à ce sujet, veuillez me les réclamer, je serai exact à vous les transmettre. Cependant avant de terminer il faut que je vous apprenne que cette protestation n'a eu lieu que parce qu'il y avait foire à Linards le 3 de ce mois, circonstance qui a permis aux mécontents de ce concerter et d'exciter d'autres électeurs à suivre leur exemple ; et que l'annulation des votes faite par le bureau, conformément à l'instruction sur la tenue des assemblées communales de 1846, à laquelle vous aviez dit devoir recourir, et dont on se plaint si amèrement, a atteint notamment plusieurs électeurs élus ; pour ma part elle m'a privé de 40 à 45 voix.
A l'instant je viens d'appendre que les mécontents cherchaient à s'entourer de quelques tapageurs pour se présenter ensuite à la mairie pour me contraindre à leur remettre le procès-verbal des élections ou m'obliger à vous écrire pour que vous eussiez à ordonner de faire procéder à de nouvelles élections en annulant les 1ères. Je dois vous prévenir que je ne suis pas disposé à supporter toutes ces choses et que même si quelqu'un des perturbateurs a le courage de se porter sur moi, je suis bien décidé à le repousser par la violence. Voici longtemps que je me suis aperçu qu'on cherchait à me faire un mauvais parti, surtout lors de la promulgation de l'impôt des 45c. Hé bien ! cela commence à m'ennuyer fortement. L'on s'imagine que je tiens beaucoup à la mairie (et on la convoitise), on a grand tort, car j'ai formé la résolution de donner ma démission immédiatement après ma réélection, si elle a lieu. Je l'aurais fait primitivement, j'ai été même sur le point de vous la remettre ; mais mes amis politiques de Limoges m'en ont constamment empêché, en me disant qu'il y aurait lâcheté de ma part ; et que du reste je me devais à la cause démocratique.
J'oubliais de vous dire que je dois attribuer au parti réactionnaire tous les désagréments que j'éprouve. Avant le 23 Juin il était presque anéanti ; mais il en est autrement aujourd'hui : réellement à voir son attitude, on dirait que le dessus que nous avons eu sur l'insurrection, lui a remis ses anciennes prérogatives et lui donne le droit d'insolence sur les hommes sincèrement républicains. C'est vraiment incroyable; mais enfin il faut bien supporter et souffrir ce qu'on ne peut éviter. "