INVESTIR, EN 1780

 Le bail à cheptel est très fréquent dans les archives notariales du XVIII° siècle.  Dans ce document un bourgeois loue du bétail à un paysan et pour cela passe un acte devant notaire pour éviter les fraudes.

 Les loueurs sont Jean Barget, un bourgeois de Linards qui a le titre de notaire et sa femme Léonarde Chaussade, parente du notaire qui rédige l’acte. Ils ont acheté deux vaches il y a trois ans à la foire de Châteauneuf pour 215 livres.
 Ils placent ces vaches ainsi que leurs deux veaux ( un veau mâle et une velle ) chez Guillaume Samarut qui habite à Fégenie où il est laboureur à bras, c’est à dire qu’il possède une petite propriété mais qu’il n’a certainement pas de bestiaux.

 Le contrat précise les droits et les charges de chacun selon la coutume limousine.
 Samarut prend les animaux pour les faire travailler sur les terres qu’il occupe et doit entretenir correctement ce bétail.
 Il devra partager le croît et profit avec Barget. On appelle le croît la possibilité d’avoir des veaux, l’accroissement du troupeau et le profit, l’augmentation de la valeur des vaches soit par engraissement soit par cherté du bétail au moment de la vente.
 Dans le bail à cheptel simple le preneur garde pour lui les laitages, le fumier et le travail des animaux pour les labours ou le transport.

 Samarut ne pourra pas vendre les bestiaux sans le consentement de Barget et ne pourra sortir du contrat (l’exeat) qu’en mai ou juin, donc dans un moment où les vaches ne sont plus à l’étable mais dans les prairies, bien nourries.
 Par contre Barget pourra reprendre ses vaches à tout moment ce qui lui permettra par exemple de vendre à la hausse des prix.
 A la fin du bail Samarut s’engage à rendre ces vaches et veaux ou d’autres bestiaux pour au moins la même valeur qu’à l’achat à Châteauneuf.

 Samarut est déjà débiteur de 40 livres à Barget, qu’il devra rendre dans les six mois à venir. Il est donc en compte habituellement avec le notable.
 Samarut a mis ses biens comme garantie au respect du contrat. Ce type d’acte permet à Barget d’assurer ou d’augmenter son capital et en cas de défaillance de l’emprunteur d’acquérir de la terre.

 Par contre Samarut, nanti de ce bétail, peut mettre en culture, bonifier ses terres et espérer faire un profit à l’issu du contrat.
 

Transcription du bail à cheptel du 27 décembre 1780 (ADHV 4 E 43)

Aujourd’hui vingt sept du mois de décembre mil sept cent quatre vingt, avant midi, au bourg de Linards, Haut Limousin, par-devant nous, m° Jean Louis Chaussade, notaire royal héréditaire, présents les témoins bas nommés, a été présent, Guillaume Samarut, laboureur à bras demeurant au village de Fégenie présente paroisse. Lequel, de son bon gré et a volonté, a déclaré reconnu et confessé avoir dans son étable, garde, puissance et tenir à commun croît et cheptel suivant l’usage ..... du présent pays du Limousin, de m° Jean Barget notaire, et de sa permission et autorité demoiselle Léonarde Chaussade son épouse, demeurant ensemble au présent bourg, ici présents et acceptants. Savoir est deux vaches à suitée l’une d’un veau mâle et l’autre d’une velle poil rouge et fauvet, achetées et payées par lesdits srs. conjoints en foire il y a trois ans depuis le mois de mai dernier, un jour de foire à Châteauneuf, pour le prix et somme de deux cent quinze livres. Lesquelles vaches et suites, ledit Samarut a promis gouverner et héberger en bon père de famille et […] profit en provenant, en donner fidèlement la part et moitié auxdits conjoints. Et ne pourra ledit Samarut amener lesdites vaches et suites à foire ni marché, troquer ni échanger, sans le congé et permission desdits sieur et demoiselle conjoints, auxquels il sera permis de venir à exeat quand bon leur semblera. Et ledit exeat ne pourra arriver, de la part dudit Samarut, qu’au mois de mai ou de juin de l’année qu’il voudra les remettre. Et lors dudit exeat s’est obligé ledit Samarut faire valoir lesdites vaches et suite ladite somme de deux cent quinze livres, ou d’autres les représentant.
De plus a déclaré ledit Samarut devoir bien et légitimement audit sieur Barget et demoiselle Chaussade, aussi acceptant, la somme de quarante livres, à cause et pour raison d’argent prêté et de compte fait verbalement entre les parties ce jourd’hui, ainsi que ledit Samarut l’a déclaré, s’en est contenté, avec promesse faite par ledit Samarut de payer la somme de quarante livres auxdits  srs conjoints d’aujourd’hui à six mois en un seul paiement. A quoi faire tenir ledit Samarut a obligé ses biens et meubles, et du tout les parties m’ont requis acte que leur ai concédé en présence de Léonard Lécure, laboureur du village de Sautour le Petit et de Léonard Reliat aussi laboureur du village du Grand Bueix, le tout même paroisse de Linards, témoins connus à ce requis et appelés, lesquels avec ledit Samarut ont déclaré ne savoir signer de ce enquis après lecture faite et lesdits sieur et demoiselle ont signé.
Signé Chaussade, Barget, Chaussade

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