Le bail à cheptel est très fréquent dans les archives notariales du XVIII° siècle. Dans ce document un bourgeois loue du bétail à un paysan et pour cela passe un acte devant notaire pour éviter les fraudes.
Les loueurs sont Jean Barget, un bourgeois de Linards qui a le
titre de notaire et sa femme Léonarde Chaussade, parente du notaire
qui rédige l’acte. Ils ont acheté deux vaches il y a trois
ans à la foire de Châteauneuf pour 215 livres.
Ils placent ces vaches ainsi que leurs deux veaux ( un veau mâle
et une velle ) chez Guillaume Samarut qui habite à Fégenie
où il est laboureur à bras, c’est à dire qu’il possède
une petite propriété mais qu’il n’a certainement pas de bestiaux.
Le contrat précise les droits et les charges de chacun
selon la coutume limousine.
Samarut prend les animaux pour les faire travailler sur les terres
qu’il occupe et doit entretenir correctement ce bétail.
Il devra partager le croît et profit avec Barget. On appelle
le croît la possibilité d’avoir des veaux, l’accroissement
du troupeau et le profit, l’augmentation de la valeur des vaches soit par
engraissement soit par cherté du bétail au moment de la vente.
Dans le bail à cheptel simple le preneur garde pour lui
les laitages, le fumier et le travail des animaux pour les labours ou le
transport.
Samarut ne pourra pas vendre les bestiaux sans le consentement
de Barget et ne pourra sortir du contrat (l’exeat) qu’en mai ou juin, donc
dans un moment où les vaches ne sont plus à l’étable
mais dans les prairies, bien nourries.
Par contre Barget pourra reprendre ses vaches à tout moment
ce qui lui permettra par exemple de vendre à la hausse des prix.
A la fin du bail Samarut s’engage à rendre ces vaches
et veaux ou d’autres bestiaux pour au moins la même valeur qu’à
l’achat à Châteauneuf.
Samarut est déjà débiteur de 40 livres à
Barget, qu’il devra rendre dans les six mois à venir. Il est donc
en compte habituellement avec le notable.
Samarut a mis ses biens comme garantie au respect du contrat.
Ce type d’acte permet à Barget d’assurer ou d’augmenter son capital
et en cas de défaillance de l’emprunteur d’acquérir de la
terre.
Par contre Samarut, nanti de ce bétail, peut mettre en
culture, bonifier ses terres et espérer faire un profit à
l’issu du contrat.
Aujourd’hui vingt sept du mois de décembre mil sept cent quatre
vingt, avant midi, au bourg de Linards, Haut Limousin, par-devant nous,
m° Jean Louis Chaussade, notaire royal héréditaire, présents
les témoins bas nommés, a été présent,
Guillaume Samarut, laboureur à bras demeurant au village de Fégenie
présente paroisse. Lequel, de son bon gré et a volonté,
a déclaré reconnu et confessé avoir dans son étable,
garde, puissance et tenir à commun croît et cheptel suivant
l’usage ..... du présent pays du Limousin, de m° Jean Barget
notaire, et de sa permission et autorité demoiselle Léonarde
Chaussade son épouse, demeurant ensemble au présent bourg,
ici présents et acceptants. Savoir est deux vaches à suitée
l’une d’un veau mâle et l’autre d’une velle poil rouge et fauvet,
achetées et payées par lesdits srs. conjoints en foire il
y a trois ans depuis le mois de mai dernier, un jour de foire à
Châteauneuf, pour le prix et somme de deux cent quinze livres. Lesquelles
vaches et suites, ledit Samarut a promis gouverner et héberger en
bon père de famille et […] profit en provenant, en donner fidèlement
la part et moitié auxdits conjoints. Et ne pourra ledit Samarut
amener lesdites vaches et suites à foire ni marché, troquer
ni échanger, sans le congé et permission desdits sieur et
demoiselle conjoints, auxquels il sera permis de venir à exeat quand
bon leur semblera. Et ledit exeat ne pourra arriver, de la part dudit Samarut,
qu’au mois de mai ou de juin de l’année qu’il voudra les remettre.
Et lors dudit exeat s’est obligé ledit Samarut faire valoir lesdites
vaches et suite ladite somme de deux cent quinze livres, ou d’autres les
représentant.
De plus a déclaré ledit Samarut devoir bien et légitimement
audit sieur Barget et demoiselle Chaussade, aussi acceptant, la somme de
quarante livres, à cause et pour raison d’argent prêté
et de compte fait verbalement entre les parties ce jourd’hui, ainsi que
ledit Samarut l’a déclaré, s’en est contenté, avec
promesse faite par ledit Samarut de payer la somme de quarante livres auxdits
srs conjoints d’aujourd’hui à six mois en un seul paiement. A quoi
faire tenir ledit Samarut a obligé ses biens et meubles, et du tout
les parties m’ont requis acte que leur ai concédé en présence
de Léonard Lécure, laboureur du village de Sautour le Petit
et de Léonard Reliat aussi laboureur du village du Grand Bueix,
le tout même paroisse de Linards, témoins connus à
ce requis et appelés, lesquels avec ledit Samarut ont déclaré
ne savoir signer de ce enquis après lecture faite et lesdits sieur
et demoiselle ont signé.
Signé Chaussade, Barget, Chaussade