CONSTRUIRE UNE MAISON, EN 1777

Les plus anciennes maisons des campagnes limousines datent, sauf exception, de la fin du XVIII° siècle.

François Duberger, laboureur au village de Begogne, paroisse de Roziers-St-Georges, décide ainsi de se faire construire une maison neuve à l'automne 1777.
Il s'adresse pour ce faire, comme de nos jours, à un entrepreneur qui supervisera le travail des divers corps de métier.
Il s'agit de Pierre Faucher, maître charpentier et entrepreneur d'ouvrages, résidant au village du Buisson, paroisse de Linards, qui établit devant notaire un marché, c'est à dire un devis détaillé pour un prix global.

La transaction est réalisée dans l'auberge de Léonard Perpillou, au bourg d'Aigueperse. Ce village est alors une paroisse à part entière, avec son église aujourd'hui disparue. L'aubergiste sera témoin, en compagnie du sieur Claude Estier.

Le devis comprend  la description de la maison, très modeste : elle mesurera 22 pieds (7 mètres) de long sur 18 pieds de côté (6 mètres) et 13 pieds de hauteur (4 mètres).
Les murs extérieurs seront en pierre brute avec mortier de Loire, dûment solides et sans aucun crépissage.
Il y aura un four (à pain) en pierre brute à mortier de terre avec la voûte en brique et une cheminée à manteau de bois en maçonnerie de pierre brute.
La maison n'aura que deux pièces séparées par une cloison en torchis : une cuisine et une chambre. Sous la chambre sera creusée une cave ; seule cette chambre aura donc un plancher. Au-dessus des deux pièces sera un plafond en planches de chêne (de bois vert) seulement jointes et non assemblées à languette.
La couverture sera à tuiles courbes, qui commencent à remplacer la paille.

L'acheteur participe aux travaux : il fournira les matériaux, toute la pierre, terre et eau nécessaires, creusera la cave. Il fournira les pelles et ferrures des portes et fenêtres et aussi les chevrons avec un chêne qu'il a acheté de Jean Delatour dit Nebouty du village de La Tour. Il devra donner la soupe à tous les ouvriers.
Le délai de construction est très court, car la maison doit être finie le 15 novembre, soit deux mois seulement après la signature du devis.

Le prix des travaux est de 250 livres (environ un an de revenus de l'acheteur), payables en 5 tranches annuelles de 50 livres chacune, sans intérêt : un crédit gratuit.
Cependant l'entrepreneur a une garantie : comme de nos jours, un tiers se porte caution pour François Duberger : c'est Nicolas Maumot, meunier du moulin de Soumagnas, paroisse de Roziers.
Aucun des contractants ou témoins ne sait signer.

Transcription du marché du 7 septembre 1777 (ADHV 4 E 43)

Par devant nous m° Jean-Louis Chaussade notaire royal héréditaire en la sénéchaussée de Limoges soussigné, en présence des témoins bas-nommés, le septième jour de septembre mil sept cent soixante dix sept après midi, au bourg paroissial d’Aigueperse Haut Limousin dans la maison de Léonard Perpillou aubergiste, furent présents Pierre Faucher m° charpentier et entrepreneur d’ouvrages demeurant actuellement au village du Buisson paroisse de Linards faisant pour lui et les siens d’une part, et François Duberger laboureur demeurant au village de Begogne paroisse de Roziers-St-George faisant aussi pour lui et les siens d’autre part, lesquelles parties ont volontairement fait marché et convention de ce qui suit
Premièrement que ledit Faucher présent s’oblige par ces présentes d’édifier bâtir et construire d’ici au quinze du mois de novembre prochain sur le sol qui lui sera désigné par ledit Duberger audit village de Begogne susdite paroisse une maison de vingt deux pieds de façade  sur dix huit pieds de pignon et largeur et treize pieds d’hauteur aux coins, le tout mesuré en dehors, de plus de faire les murs de ladite maison en pierre brute ou moellons à mortier de Loire, bien et dûment solides sans aucun crépissage, de faire faire un four en brique en pierre brute à mortier de terre avec la voûte en brique, de fournir les briques, faire une cheminée à manteau de bois en maçonnerie de pierre brute à mortier de terre, d’y faire faire les portes et fenêtres [...] en bois, diviser ladite maison en deux pièces, dont une n’aura qu’environ six pieds du devant de la cloison de séparation qui sera en torchis jusqu’au pignon, faire faire les murs assez profonds pour pouvoir creuser sous ladite chambre de six pieds un cellier ou cave de la même largeur, et de séparer dans la cuisine par un petit mur de refend en moellon jusqu’au plancher de ladite chambre, poser les poutres ou solives pour plancher ladite chambre, fournir et poser toutes les planches nécessaires pour les deux planchers, lesquelles planches ledit Faucher ne sera tenu que de fournir vertes mais de bois de chêne, seulement jointes et non assemblées à languette, et sera aussi tenu de faire la charpente de la couverture en bon bois et bien et dûment solide, fournir toutes les lattes, clous et tuiles nécessaires pour la couverture qui sera à tuile courbe, faire et fournir toutes les portes nécessaires, les clouer, faire les degrés de la chambre et du grenier ainsi que les portes d’icelles,
ledit marché ainsi fait par ledit Faucher en ce que ledit Duberger fournira toute la pierre, terre et eau nécessaires et conduira le tout sur place, creusera ledit cellier ou cave et en sortira les terres inutiles, fournira tous les chevrons nécessaires avec un chêne qu’il a acheté de Jean Delatour dit Nebouty du village de La Tour, et non aucuns autres bois qui seront à la charge dudit Faucher, et en outre moyennant la somme de deux cent cinquante livres et à la charge de donner la soupe à tous les ouvriers travaillant à ladite bâtisse, et de fournir toutes les pelles et ferrures des portes et fenêtres, pour le paiement de laquelle somme de deux cent cinquante livres est intervenu aux présentes Nicolas Maumot meunier au moulin de Soumagnas paroisse de Roziers-St-George, lequel s’est volontairement rendu et constitué caution, principal débiteur et répondant solidaire avec ledit Duberger envers ledit Faucher acceptant, auquel tant icelui Maumot que ledit Duberger s’obligent conjointement et solidairement l’un pour l’autre et un seul pour le tout sous les renonciations au bénéfice de division, discussion et  ordre de payer ladite somme de deux cent cinquante livres en cinq parts égaux [sic] dont le premier à la Toussaint prochaine, le second ledit jour un an après, et ainsi successivement sans accumulation de parts et sans intérêt jusqu’àprès leur échéance, et dans le cas où ledit Maumot ferait [...] ledit paiement audit Faucher, ledit Duberger sera tenu de le rembourser au même temps sous les peines de droit, et pour l’entretien et entière exécution des présentes lesdites parties ont obligé tous leurs biens meubles et immeubles présents et futurs, et du tout nous ont requis acte concédé en présence de Sr Claude Estier, huissier aux tailles de l’élection de Limoges y demeurant rue Manigne paroisse de St-Pierre, et Léonard Perpillou aubergiste demeurant en la présente maison, témoins connus requis et appelés. Lesdites parties et ledit Perpillou ont dit ne savoir signer de ce interpellés lecture faite.
Signé CHAUSSADE

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