Neuf ans après son mariage, Pierre Rigou (voir panneau précédent)
fait son testament nuncupatif, c’est à dire écrit par le
notaire sous sa dictée.
Il partage ses biens entre sa femme et ses trois filles mineures.
Le testament de Pierre Rigou est un acte civil mais aussi religieux.
Toujours domestique au château de Lajaumont, il veut se
mettre en règle avec sa conscience et fera dire des messes et distribuer
des aumônes pour 210 livres.
Le curé de Linards recevra durant l’année de son
décès 180 livres pour faire 50 services (offices qu’on célèbre
pour les morts) et des messes basses (qui se disent sans chant), puis 30
livres l’année suivante pour d’autres messes basses.
Le prêtre recevra également 30 livres à distribuer
aux pauvres de la paroisse.
Il répartit ensuite son « entière hérédité
» (sa succession) entre ses 3 filles.
A défaut de fils aîné, il institue sa fille
aînée son héritière universelle : c’est elle
qui recueille tous les biens du défunt.
Ses filles n’étant bien entendu pas mariées, elles n’ont pas reçu leur part successorale sous forme de dot et rentrent donc dans la succession. Les deux plus jeunes, ses héritières particulières, ne recevront qu’une partie des biens, chacune 1200 livres en trois fois lorsqu’elles seront majeures ou mariées.
Si par la suite un enfant naissait de sa femme, mais déjà
conçu au moment de son décès (un posthume), celui-ci
recevrait aussi 1200 livres dans les mêmes conditions que ses soeurs.
Pour éviter toute contestation il prévoit le cas
où viendrait à décéder l’héritière
universelle sans enfant légitime (sans hoir). Elle serait remplacée
par sa deuxième fille, puis la plus jeune, sa soeur et enfin son
neveu.
Sa femme qui n’est pas héritière reçoit l’usufruit
de ses biens.
Mais le mariage de l’héritière universelle mettra
fin à cet usufruit. En attendant elle devra nourrir ses enfants
et payer les charges dues sur ces biens.
Il lui lègue également 120 livres si elle reste veuve (gardant la viduité).
Un enrichissement certain :
A leur mariage, Pierre Rigou et son épouse héritaient
théoriquement de 1350 livres, valeur du domaine des parents de Pierre
et de la dot.
Par son testament il dispose d’au moins 2830 livres (héritages
et dons). A cette somme il faut ajouter les biens qui reviendront à
l’héritière universelle et qui sont au moins équivalents
aux 1200 livres données à ses deux soeurs.
On peut estimer sa succession à environ 4000 livres.
Transcription du testament du 23 décembre 1782 (ADHV 4 E 43)
Par devant nous m° Jean Louis Chaussade, notaire royal héréditaire
en la sénéchaussée de Limoges, soussigné en
présence des témoins bas nommés, le vingt cinquième
décembre mil sept cent quatre vingt deux, environ les deux heures
après midi au château noble de Lajaumont, paroisse de Linards
Haut Limousin, dans une chambre basse dudit château fut présent
Pierre Rigou, domestique au présent château. Lequel volontairement
en vue de la mort étant malade de corps mais sain d’esprit et en
ses bons sens, mémoire et entendement a fait daté et ordonné
son testament nuncupatif et disposé de ses biens comme s’en suit:
Premièrement le testateur veut qu’il soit pris de ses biens
la somme de cent quatre vingt livres pour la rétribution de cinquante
services et le restant en messes basses à son intention. Le tout
dit et célébré dans l’an de son décès
par Mr le prieur de Linards et à lui payable audit temps. Plus veut
qu’il soit pris de ses biens la somme (de) trente livres aussi en messes
basses à son intention pour être dites l’année ensuite
et qu’il soit distribué par Mondit, Sr curé de Linards, pareille
somme de trente livres que le testateur donne et lègue aux pauvres
les plus nécessiteux de ladite paroisse, payable dans l’an de son
décès.
Le testateur déclare être marié avec Léonarde
Raineix et que dudit mariage il y a trois filles nommées Marguerite,
autre Marguerite et Anne Rigou ses filles et de ladite Raineix. Auxquelles
Marguerite, seconde du nom et Anne Rigou, ses filles, à chacune
d’elles le testateur donne et lègue, pour tous droits, la somme
de douze cents livres, payables à chacune d’elles en six pactes
égaux dont le premier à établissement ou majorité,
le second un an après et ainsi s’ensuivant et sans intérêts
qu’après l’échéance de chaque pacte. Mais jusqu’ici
veut que ses filles soient nourries logées et entretenues dans les
biens de son hérédité en travaillant de son pouvoir
au profit de son héritière bas nommée, au moyen de
quoi le testateur institue lesdites Marguerite et Anne Rigou, ses filles
puînées, chacune ses héritières particulières
et avec ce, veut qu’elles n’aient rien plus en ses biens et hérédité.
Le testateur donne et lègue aux posthumes dont sa femme peut
être enceinte, à chacun la somme de douze cents livres, payables
aussi en six parties égaux de deux cents livres chacun, aux mêmes
termes, parties, clauses et conditions que les legs faits à ses
filles, au moyen de quoi le testateur institue lesdits posthumes chacun
ses héritiers particuliers et avec ce, veut qu’ils n’aient rien
plus en ses biens.
Le testateur donne et lègue à ladite Raineix, sa femme,
la somme de cent vingt livres, payables à sa volonté et l’usufruit
et jouissance et revenu de tous ses biens de lui testateur en meubles et
immeubles, jusqu’au mariage de son héritière bas nommée,
en payant les charges annuelles et nourrissant lesdites filles et posthumes
et en par elle gardant la viduité et non autrement et au cas où
elle convolerait à révoquer les legs.
Et au restant de tous ses biens meubles et immeubles droits, voix,
noms, raisons et actions, le testateur a fait créé, institué
et de sa bouche nommé, comme nomme et institue, pour son héritière
universelle, seule et pour le tout, ladite Marguerite Rigou, sa fille aînée,
pour avoir et recueillir son entière hérédité
en propriété au décès du testateur et ses usufruits
après la jouissance de sa dite mère en payant et acquittant
les charges de son hérédité et autres de son testament.
Et au cas où ladite Marguerite Rigou héritière universelle
viendrait à décéder sans hoirs légitimes, le
testateur veut que son entière hérédité cède
et revienne au profit de ladite Marguerite, sa seconde fille. Et encore
en ladite Marguerite Rigou, sa fille cadette, viendrait à décéder
aussi sans hoirs le temps légitime. Et veut également que
ladite entière hérédité cède et revienne
à ladite Anne Rigou, plus jeune. Et celle-ci venant à décéder,
il veut au surplus que ladite hérédité revienne et
cède au profit d’Anne Rigou, sa soeur, veuve Perpillou où
à son défaut à Pierre Perpillou, son fils, demeurant
à Sivergnat paroisse de St Bonnet. Le testateur casse, révoque
et annule tous autres testaments, codicilles et autres dispositions antérieures
adhérant à celui-ci son présent testament qu’il veut
lui servir de disposition de dernière volonté, voulant que
s’il ne peut valoir par sa forme il tienne et vaille comme codicille et
autrement en la meilleure forme duquel lui avons fait lecture a dit être
son intention, y persiste et nous en a requis acte. Concédé
en présence de M° Jacques Degay de Vernon prêtre, prieur
curé de Linards, Léonard Dunouhaud, artisan, demeurant au
bourg et paroisse de Linards, Léonard Pijou, Léonard Arfonssou,
Jean Reillat et François Ruaud, laboureurs au lieu de Chazelas,
même paroisse. Témoins connus requis et appelés qui
avec ledit testateur dit ne savoir signer de ce interpellés lecture
faite.
Signé : De Gay de Vernon prieur de Linards, Dunouhaud, Chaussade