Vol du 25 février 1868 par Auguste Sautour

Sources

 

Auguste Sautour est né à Mazermaud en 1867

Identité : renseignements fournis par Auguste Sautour

Sautour, Auguste

25 ans

garçon boulanger

né le 21 décembre 1842

de Jean Sautour et Anna Flacard

à Mazermaud, commune de Linards canton de Châteauneuf

demeurant à Limoges, rue des Petites Maisons n°17 chez le sieur Téty, gérant de la boulangerie

Marié avec Marie Bouty à la Geneytouse le 8 novembre 1867

Un enfant

Sait lire et écrire imparfaitement

Sans condamnation antérieure

Le 26 février 1868 le commissaire de police de St-Léonard est appelé à la Croix-Ferrée pour constater un vol commis la veille chez le boulanger Demerliac

Constat de vol 26 février 1868

Aujourd’hui vingt six février 1868 nous … commissaire de police du canton de Saint Léonard … informé qu’un vol avait été commis hier soir au préjudice du sieur Demerliac Pierre, boulanger à la Croix-Ferrée … nous nous sommes rendu sur les lieux … Là nous avons constaté que l’auteur de la soustraction avait pénétré dans la maison en montant sur un petit bâtiment adossé à ladite maison, qu’il avait cassé un carreau d’une croisée éclairant le premier étage, qu’il avait ouvert cette croisée et s’était ainsi introduit dans le bâtiment, qu’étant au premier, le voleur était descendu par l’escalier au rez-de-chaussée, que trouvant la porte de la cuisine fermée et ne pouvant l’ouvrir, il était passé par la boulangerie qui n’était pas fermée à clef, avait forcé une petite lucarne qui donne accès sur le four et sur la cave, que là il avait soulevé une trappe qui conduit dans la cave pour se rendre dans la cuisine où se trouve une commode contenant au moment du vol une somme d’environ tris cent francs, composée de 20 pièces de 5 fr en argent, le reste en petite monnaie et en billon, le tout rangé dans le tiroir de droite de cette commode. Ce tiroir a eu la serrure fracturée et a été ouvert au moyen de plusieurs pesées faites à l’aide d’un instrument aigu en fer dont était mini le voleur. Cet instrument a été laissé dans la cuisine et nous l’avons saisi. L’autre tiroir de la commode n’était pas fermé à clef, il contenait un revolver qui a été pris. Les portes de la commode ont dû être ouvertes après que les deux tiroirs ont été ôtés. Dans la commode il a été enlevé trois mouchoirs blancs en fil et six mouchoirs de couleur aussi en fil, tous marqués P.D. et portant chacun un numéro. Il a été aussi volé dans la cuisine deux paires de souliers d’homme. le voleur partant de la cuisine s’est dirigé dans une chambre du premier où couche le nommé Bourriquet Léonard, domestique de Demerliac ; là le voleur a ouvert la malle du sieur Bourriquet, a pris trois mouchoirs et une pièce de toile coton contenant douze mètres. Ces trois mouchoirs et la …

Le boulanger reconstitue la méthode du voleur et suspecte son ancien ouvrier Auguste Sautour

Demerliac Pierre

Pierre Demerliac fils, âgé de trente cinq ans, maître boulanger et marchand de vin en gros, demeurant au village de la Croix-Ferrée, commune de la Geneytouse … dépose :

Le vingt cinq février dernier, jour du mardi gras, je suis allé avec tous les membres de ma famille, ainsi que mes domestiques, dîner chez mon père dont l’habitation est située à une distance d’environ quatre vingt mètres de la mienne ; il était à ce moment environ cinq heures et demie ou six heures et comme il ne restait personne à la maison, j’en fermai la porte extérieure à clef.

Vers huit heures et demie ma femme revint avec le domestique et la servante pour faire coucher ses enfants, elle ouvrit la serrure mais lorsqu’elle voulut faire jouer le loquet elle ne put y parvenir et crut d’abord qu’il y avait à l’intérieur quelqu’un qui poussait la porte. Mon domestique ayant frappé à plusieurs reprises sur le loquet, parvint à le faire mouvoir et à ouvrir la porte et il découvrit à l’intérieur que l’obstacle provenait d’un morceau de fer disposé de manière à empêcher le jeu du battant dans le crampon qui l’assujettit sur la porte.

Lorsque ma femme fut arrivée dans la cuisine, elle remarqua de suite qu’une commode qui nous sert de comptoir était ouverte et que le tiroir dans lequel nous plaçons la recette et qui était fermé à clef, avait été forcé. Je fus immédiatement prévenu, je me rendis chez moi et après avoir fait une rapide inspection dans la maison, j’acquis la conviction qu’un voleur s’y était introduit par escalade et qu’il avait commis différents vols.

Je vais vous indiquer rapidement la disposition intérieure de ma maison afin que vous puissiez comprendre les divers procédés employés par le voleur afin d’arriver à ses fins : le rez-de-chaussée se compose de trois appartements, savoir une cuisine, un magasin à farine et une boulangerie. Le magasin à farine est séparé de la cuisine par un corridor dans lequel se trouve l’escalier qui conduit au premier étage. Ces trois pièces qui sont éclairées sur la cour communiquent entre elles par des portes intérieures. Sur la façade de derrière se trouve adossé un petit bâtiment en forme d’appentis dans lequel se trouve une cave (régnant sur la longueur de la cuisine et du magasin à farine) et un four. La cave communique de plein pied avec la cuisine par une porte. Au-dessus de la cave et du four règne un grenier dont la toiture en tuiles courbes n’est distante du sol que d’une hauteur de quatre vingt centimètres environ et dont le sommet vient aboutir à une fenêtre située au premier étage, éclairant une chambre à coucher. Pour pénétrer dans le grenier il existe deux ouvertures, l’une pratiquée dans le plafond de la cave et fermée avec une trappe, et la seconde placée dans la boulangerie à droite de la bouche du four et fermée avec une petite croisée dépourvue de carreaux et sur laquelle on avait collé du papier pour se garantir du froid. Il n’existe du reste à l’extérieur aucune ouverture donnant accès dans ce grenier.

Le premier étage se compose également de trois appartements, savoir : 1° notre chambre à coucher, située immédiatement au-dessus de la cuisine, éclairée par deux fenêtres ouvrant l’une du côté de la cour et l’autre sur la toiture du petit bâtiment en appentis dont je viens de parler ; 2° la chambre du domestique placée au-dessus du magasin à farine ; 3° enfin une autre chambre correspondant à la boulangerie et louée à la veuve Deschamps qui était absente depuis quatre ou cinq jours au moment du vol.

Le voleur a escaladé le petit bâtiment adossé à la maison, il a atteint ainsi la fenêtre du premier étage, a brisé un carreau, puis a fait jouer l’espagnolette qui la fermait ; une fois introduit dans notre chambre à coucher, il est descendu au rez-de-chaussée, a essayé d’ouvrir la porte de la cuisine sur laquelle on remarque l’empreinte de trois ou quatre pesées et ne pouvant y parvenir, il a traversé le magasin à farine, la boulangerie, puis a ouvert la petite fenêtre qui donne accès au grenier (qui règne au-dessus du four), l’a suivi dans toute sa longueur jusqu’à la trappe, s’est servi d’un tonneau placé au-dessous pour descendre dans la cave et de là est enfin parvenu à la cuisine par la porte qui existe entre ces deux pièces. Le voleur s’est alors attaqué à la commode, formant comptoir, dont la partie supérieure est occupée par deux tiroirs et dont la partie inférieure est fermée par une porte à deux battants;  le tiroir de droite qui était fermé à clef renfermait une somme dont je ne puis préciser exactement le chiffre, car elle se composait de la recette journalière provenant de la vente du pain, mais qui devait s’élever à deux cent cinquante ou trois cent francs. Cette somme se composait de vingt pièces de cinq francs en argent et pour le surplus de pièces d’argent de moindre valeur et de monnaie de billon. Pour ouvrir ce tiroir le voleur s’est servi d’un instrument en fer à extrémité pointue avec lequel il a exercé plusieurs pesées dont une sur le côté gauche et les autres à la partie supérieure, il est parvenu à soulever la planche formant le dessus du comptoir et à faire sortir le pêne de la serrure de la gâche dans laquelle il était engagé, puis il a enlevé tout l’argent qui s’y trouvait contenu. Le tiroir de gauche n’était pas fermé, il contenait un revolver à six coups qui a été également soustrait.

La porte de commode qui était fermée à clef a été ouverte sans effraction de la manière suivante : le voleur a dû sortir un des tiroirs du dessus, introduire sa main à l’intérieur pour faire jouer le crochet qui fixait le battant de gauche, puis il a imprimé une poussée du dedans au dehors qui a fait dégager le pêne de la serrure, de sa gauche il a enlevé de cette commode trois mouchoirs blancs en fil et six mouchoirs de couleur, aussi en fil, tous marqués des lettres P.D. ainsi que d’un numéro d’ordre, plus un coupon de cretonne blanche mesurant deux mètres. J’ai aussi constaté dans cet appartement la disparition de deux paires de souliers m’appartenant dont l’une était en cuir verni et l’autre en veau et j’ai découvert sous le lit de la servante qui s’y trouve placé, au-dessous de l’escalier, le morceau de fer dont le voleur s’est servi pour fracturer la commode. Cet instrument sert aux faucheurs pour battre leurs faulx. Il a une extrémité pointue qui se fixe dans la terre et l’autre bout sert d’enclume, il ne m’appartient pas et le voleur a dû le porter de l’extérieur avec lui.

De la cuisine, le voleur est remonté au premier étage, est entré dans la chambre de mon domestique Léonard Bourriquet et a pris dans une malle non fermée trois mouchoirs de couleur et une pièce de toile coton mesurant douze mètres, puis il est sorti de la maison par la fenêtre donnant sur le petit bâtiment en appentis, c’est à dire par la voie qu’il avait déjà suivie pour y pénétrer. J’ai retrouvé sur l’appui de cette fenêtre la pièce de toile dont je viens de parler, un parapluie de la servante, une paire de bottines m’appartenant. le voleur avait abandonné ces objets qu’il trouvait sans doute trop embarrassants.

Les diverses circonstances que je viens de rapporter démontraient que le vol dont j’étais victime n’avaient pu être commis que par un individu connaissant parfaitement les aîtres de ma maison et c’est pour cela que mes soupçons se sont portés sur le sieur Auguste Sautour qui, à trois reprises différentes, a travaillé chez moi comme garçon boulanger pendant près de trois ans.

J’oubliais de vous indiquer que j’avais aussi trouvé sur la toiture du petit bâtiment qui a été escaladé par le voleur un bâton de sureau fraîchement coupé, et qu’en faisant des recherches j’ai découvert sur la route de Limoges à un kilomètres de ma maison le pied de sureau dont il avait été détaché.

Il existait aussi auprès du petit bâtiment les empreintes de pas faites avec des chaussures dont le talon était ferré avec de petites chevilles et dont la semelle était unie et sans clou.

En ce moment nous représentons au témoin les brodequins saisis au domicile de l’inculpé, il déclare que ces chaussures lui paraissent devoir s’appatronner exactement aux empreintes dont il vient de parler.

Représentation faite au témoin des autres pièces à conviction saisies au domicile de l’inculpé, il déclare les reconnaître en faisant observer que les trois mouchoirs de couleur qui ne portent pas de marque appartiennent à son domestique, le sr. Bourriquet et qu’il ne retrouve pas la paire de souliers en veau ni tous les mouchoirs de poche marqués à ses initiales.

D. Quelle a été la conduite de l’inculpé pendant qu’il a été à votre service ?

R. J’étais content de lui surtout dans les premiers temps de son apprentissage, je n’ai aucuns reproches sérieux à formuler contre lui.

Lecture faite … a signé DEMERLIAC

La boulangère son épouse confirme son récit :

Epouse Demerliac

Anna Augusta Alphonsout, femme de Pierre Demerliac fils, âgée de vingt sept ans, marchande boulangère et de vins en gros, demeurant au village de la Croix-Ferrée, commune de la Geneytouse … dépose :

Le vingt cinq février dernier, je dînai avec toute ma famille chez mon beau-père et ne suis revenue chez moi qu’entre huit et neuf heures du soir, afin de coucher mes enfants. J’étais accompagnée de mon domestique et de ma servante. Nus avons vainement essayé d’ouvrir la porte bien que la clef fonctionnât régulièrement dans la serrure, le domestique fut obligé de frapper à plusieurs reprises avec un morceau de fer sur le loquet pour le faire céder et lorsque nous eûmes pénétré à l’intérieur, nous reconnûmes que le voleur avait arrêté le jeu du loquet en plaçant un morceau de ressort de voiture dans le crampon du battant.

Les objets qui m’ont été soustraits consistent en trois mouchoirs de fil blanc à liteaux jaunes et six mouchoirs de fil à carreaux écossais, plus un mouchoir blanc uni et un coupon de toile cretonne de deux mètres de longueur.

Représentation faite au témoin des objets saisis, Mme Demerliac déclare les reconnaître comme lui appartenant et signale l’absence de trois mouchoirs à carreaux semblables aux trois qui ont été saisis.

Elle ajoute qu’il e st possible que l’inculpé les ait perdus dans sa fuite car on a retrouvé dans une terre contiguë à la maison deux mouchoirs blancs à liteau jaune, semblables aux trois qui se trouvent parmi les pièces à conviction.

D. Pouvez-vous préciser le chiffre de la somme qui vous a été volée ?

R. Il y avait dans le tiroir une pile de vingt pièces de cinq francs en argent qui était placée dans un coin, une petite boîte en carton qui était pleine de menues pièces d’argent et enfin une boîte en acajou qui contenait de la monnaie de billon. La boîte en carton renfermait environ cent cinquante francs et celle en acajou trente à trente cinq francs. Je crois pouvoir dire que l’importance du vol dont nous avons été victimes est de deux cent cinquante à deux cent quatre vingt francs. Trois ou quatre jours après le vingt cinq février, une bergère a retrouvé dans une châtaigneraie située à quelque distance de la Croix-Ferrée la boîte en acajou ainsi que celle en carton, mais cette dernière était complètement détériorée par la pluie.

Avant de quitter la maison pour aller dîner chez mon beau-père, je pris dans le tiroir de la commode un porte-monnaie qui contenait une somme assez importante et j’eux la pensée, pendant un instant, de prendre la pile d’écus mais je réfléchis que le poids de cet argent me gênerait beaucoup et je la laissai en place.

D. Lorsque l’inculpé était à votre service, avez-vous vu en sa possession la montre en or que nous vous représentons ?

R. Il n’avait qu’une montre en argent.

L’inculpé, confronté avec le témoin, persiste à dire que la somme volée par lui ne doit pas dépasser cent cinquante francs.

D. A Sautour : la boîte en acajou que vous avez enlevée contenait de la monnaie de billon pour une valeur d’au moins trente francs ; qu’avez-vous fait de cette monnaie ?

R. Je l’ignore, il est possible que j’ai perdu une partie de l’argent que j’avais pris car je n’ai pas fait d’autres dépenses que celles qui ont eu lieu au Pont de Noblat ;

D. Possédiez-vous la montre en or lorsque vous avez travaillé en dernier lieu chez M. Demerliac ?

R. Oui monsieur, mais je ne m’en servais pas, elle était déposée dans ma malle et je ne portais que ma montre en argent.

Lecture faite … ont signé

AUGUSTA DEMERLIAC

AUGUSTE SAUTOUR

Sur ces indications le commissaire de police de Limoges perquisitionne chez Auguste Sautour qui avoue le vol lorsque le butin est découvert dans sa malle

Arrestation d’Auguste Sautour 28 février 1868

Nous … Desgranges Jean Baptiste, commissaire de police de la ville de Limoges …

Avons fait des recherches afin de découvrir la boulangerie où travaillait le nommé Sautour Auguste … à la société de consommation rue des Petites Maisons n° 17. Nous nous y sommes transportés accompagné du brigadier de police Brumerie. A notre arrivée nous avons sommé le nommé Sautour Auguste de nous accompagner dans la chambre où il couchait ; ayant obtempéré à notre sommation, il nous a accompagné dans une chambre située au premier étage donnant sur la cour où nous avons fait une perquisition très minutieuse dans les lits, dans les paillasses et dans les habits placés aux portes manteaux. Jusque là nos recherches étaient restées infructueuses. Il restait à visiter une malle fermée à l’aide d’un cadenas. Sautour interpellé par nous a d’abord déclaré que cette malle appartenait à un garçon boulanger qui avait quitté la maison depuis quelques temps. Afin de nous assurer de sa déclaration, nous avons interpellé le sieur Téty qui nous a déclaré que le sieur Sautour faisait un mensonge et a affirmé que la malle lui appartenait. Procédant par suite de cette déclaration nous avons sommé le nommé Sautour d’ouvrir sa malle, lui déclarant que faute par lui d’obéir à notre sommation, nous allions faire briser le cadenas et ouvrir sa malle. A ce moment son attitude a changé et il a pris la clef du cadenas et l’a ouvert en tremblant. Une fois ouverte nous avons visité avec beaucoup de soin ce qu’elle contenait et y avons trouvé les objets ci-après détaillés :

  1. un revolver à six coups
  2. une paire de souliers vernis
  3. quatre mouchoirs de poche blancs en fil, dont deux ayant des tours jaunes marqués des initiales PD et un coupon de toile coton de deux mètres de longueur
  4. six mouchoirs de couleur en fil
  5. une mauvaise serviette en toile coton ayant des raies rouges
  6. une montre en or avec sa chaîne dit giletière en cuivre

Dans un mouchoir de poche placé au fond de la malle nous y avons trouvé les pièces de monnaie ci-après :

  1. dix huit pièces de cinq francs chacune en argent qui forment la somme de 90 fr.
  2. quatre pièces de chacune deux francs, au total 8 fr.
  3. vingt neuf pièces de un franc, au total 29 fr.
  4. quarante et une pièces de 50 centimes, au total 20,50 fr.
  5. onze pièces de vingt centimes, au total 2,20 fr.
  6. sept pièces de dix centimes, au total 0,70 fr.
  7. sept pièces de cinq centimes, au total 0,35 fr.
  8. quatre pièces de deux centimes, au total 0,08 fr.

au total 150,83 fr.

Sous une table nous avons trouvé une paire de bottines qui ressemblaient en tout point au signalement donné dans le procès verbal constatant le vol commis le vingt cinq de ce mois au préjudice du sieur Demerliac Pierre, boulanger à la Croix-Ferrée … Le nommé Téty, interpellé par nous a déclaré que Sautour Auguste avait quitté sa boulangerie le vingt cinq de ce mois à midi et n’était rentré que le vingt sept au matin.

Après avoir donné connaissance de toutes ces constatations, nous avons demandé au sieur Sautour d’où lui provenait l’argent et les objets trouvés dans sa malle et lui avons demandé en outre de nous faire connaître l’emploi de son temps du vingt cinq à midi au vingt sept de ce mois vers dix heures. Sautour Auguste nous a fait la déclaration suivante :

" En présence des charges qui m’accablent, je ne puis me disculper ; c’est moi qui suis l’auteur du vol commis au préjudice du sieur Demerliac Pierre, boulanger à la Croix-Ferrée … Me trouvant sans argent, poussé par la misère, en passant devant la maison de Demerliac entre sept et huit heures du soir, le vingt cinq de ce mois, j’ai frappé à la porte. Personne ne m’a répondu, j’ai eu la fatale idée de faire le tour de la maison ; près des lieux, j’ai trouvé une barre de fer avec laquelle j’ai brisé un carreau de la fenêtre et suis entré dans la maison. Une fois entré j’ai fracturé la commode qui se trouvait dans la cuisine à l’aide de la même barre de fer et y ai pris l’argent que vous avez saisi. J’ai aussi pris dans la cuisine la paire de souliers que vous avez saisi. Je reconnais aussi être entré dans la chambre où couchait les garçons mais je n’y ai rien pris. La montre en or que vous avez saisi m’appartient, je l’ai acheté il y a environ deux ans moyennant trente francs, de madame veuve Retouret, marchande bijoutière demeurant rue Bas-Lanscaud [Lansecot]. Les deux mètres de toile coton je les ai pris aussi dans la commode. "

Lecture faite … a signé

Liste des pièces à conviction saisies le :

29 février 1868 :

un revolver à six coups, une paire de souliers vernis, quatre mouchoirs de poche blancs en fil, un coupon de toile coton, six mouchoirs de couleur en fil, une serviette de toile coton, une montre en or avec chaîne en cuivre, une somme de cent cinquante francs 83 centimes.

25 mars :

une forge à battre les faulx.

Devant le juge d’instruction, Auguste Sautour admet le vol mais nie la préméditation et conteste le montant de la somme dérobée

Interrogatoire Sautour 1° mars 1868

Sautour Auguste, âgé de vingt-cinq ans, époux de Marie Bouty, garçon boulanger, né à Mazermaud, commune de Linards … demeurant à Limoges des Petites-Maisons, n° 17, chez le sr. Teyty, gérant de la boulangerie " la consommation ".

D. Vous êtes inculpé d’avoir, le vingt cinq février dernier, au lieu de la Croix-Ferrée, commune de la Geneytouse, soustrait frauduleusement au préjudice du sr. Demerliac, une somme de trois cent francs et divers objets mobiliers ?

R. je reconnais que j’ai accompli le vol qui m’est imputé mais je n’ai pris qu’une somme de cent quarante francs. Le sr. Demerliac se trompe s’il prétend que le tiroir de sa commode contenait une somme plus élevée.

D. Ce vol a été exécuté par vous dans les circonstances les plus graves et avec une audace extraordinaire. Vous vous êtes introduit la nuit dans une maison habitée à l’aide d’escalade et d’effraction extérieure, puis vous avez fracturé le tiroir d’une commode fermée à clef pour vous emparer de l’argent qu’il contenait ?

R. Je ne conteste pas ces diverses circonstances mais j’observe que j’étais ivre et qu j’ai cédé à une mauvaise inspiration.

D. A quelle heure êtes-vous parti de Limoges le vingt cinq du courant et quelles sommes possédiez-vous à ce moment.

R. Il était midi environ lorsque je suis sorti de la boulangerie du sr. Teyti mon patron, qui m’avait donné dix francs dans la matinée pour me permettre de me rendre chez mon père à Linards, chez lequel je me proposais de faire le carnaval.

D. Qu’avez-vous fait depuis votre départ de Limoges jusqu’à votre arrivée à la Croix-Ferrée ?

R. Je suis arrivé vers six heures du soir dans l’auberge du sr. Galey, située sur la route d’Eymoutiers, à peu de distance de l’embranchement de celle de Saint-Paul. Là j’ai fait une dépense de trois francs environ, ouis j’ai continué ma route vers la Croix-Ferrée et il était environ huit heures du soir lorsque j’ai atteint ce lieu.

D. Vous connaissiez parfaitement les habitudes du sr. Demerliac chez lequel vous avez servi à plusieurs reprises en qualité de garçon boulanger ; vous saviez qu’il dîne ordinairement chez son père avec toute sa famille le jour du carnaval, et vous avez pris vos dispositions de manière à arriver à son domicile à nuit close pour exécuter le vol que vous aviez prémédité ?

R. Je ne pensais nullement à accomplir ce vol lorsque j’ai quitté Limoges et la preuve c’est qu’en arrivant à la maison de Demerliac j’ai frappé à la porte avec l’intention d’entrer pour lui souhaiter le bonjour, comme j’avais l’habitude de le faire lorsque je me rendais à Linards.

D. Vous venez de nous dire qu’étant parti de Limoges à midi, vous n’êtes arrivé à l’auberge Galey qu’à six heures du soir ; comment expliquez-vous que vous ayez employé six heures à parcourir une distance de dix kilomètres à peine ?

R. Je n’étais pas pressé parce que j’avais tout le temps nécessaire pour me rendre à Linards et je marchais lentement.

D. Votre explication n’est pas heureuse car vous nous avez dit précédemment que vous vous rendiez chez votre père à Linards pour faire carnaval et vous aviez besoin au contraire de hâter le pas afin de parcourir avant la nuit les trente trois kilomètres qui séparent cette localité de Limoges ?

R. Je me suis arrêté plus longtemps que je ne l’avais projeté dans l’auberge Galey et voyant alors qu’il était trop tard pour me rendre à Linards, je formai le projet de coucher à la Croix-Ferrée et c’est dans cette intention que j’ai frappé chez Demerliac.

D. le véritable motif de la lenteur vraiment extraordinaire que vous avez mise à vous rendre à l’auberge Galey, c’est, nous vous le répétons, que vous étiez résolu de n’arriver à la Croix-Ferrée que la nuit close, afin de n’être pas aperçu et de pouvoir exécuter le vol qui vous est imputé

R. Je persiste à dire qu’il n’y a pas eu de préméditation de ma part.

D. Où avez-vous passé la nuit du 25 au 26 février dernier ?

R. En sortant de la maison Demerliac, je me suis rendu dans une châtaigneraie appartenant à mon ancien patron et située à environ deux cent mètres du village et j’y ai passé la nuit.

D. Comment avez-vous employé la journée du vingt-six février ?

R. e me suis rendu le matin à Saint Léonard en suivant la route qui aboutit au Pont de Noblat, je me suis arrêté dans une auberge située au-delà du vieux pont, puis j’ai passé le surplus de la journée et la nuit suivante dans une autre auberge située de l’autre côté de la rivière et dans laquelle il y avait un grand concours de personnes occupées à danser. Je suis rentré chez mon patron le vingt sept à midi.

D. Quelle somme avez-vous dépensé dans les journées des vingt six et vingt sept février dernier ?

R. Environ trois francs.

Lecture faite … a signé AUGUSTE SAUTOUR

 

 

 

Les témoignages de plusieurs témoins indiquent pourtant la préméditation :

Léonard Bourriquet indique que l’outil utilisé par le voleur a dû être apporté par lui à dessein

Bourriquet Léonard – 23 mars 1868

Bourriquet Léonard, âgé de 41 ans, domestique demeurant chez M. Demerliac, boulanger à la Croix-Ferrée, commune de la Geneytouse …

D. Reconnaissez-vous comme vous appartenant les trois mouchoirs en coton à carreaux que nous vous représentons ?

R. Ces objets sont à moi et ils ont été volés dans une malle placée dans ma chambre à coucher, ainsi qu’une pièce de toile coton qui a été retrouvée sur l’appui de la fenêtre par laquelle le voleur s’est introduit dans la maison. La malle n’était pas fermée à clef.

D. Etiez-vous au service de M. Demerliac lorsque l’inculpé Sautour y travaillait en qualité de garçon boulanger ?

R. Je n’ai habité avec lui que pendant deux ou trois jours.

D. Avez-vous vu en sa possession la montre en or que nous vous représentons ?

R. Non monsieur.

D. Le morceau de fer dont l’inculpé s’est servi pour fracturer la commode, appartient-il à quelqu’un des habitants de la Croix-Ferrée ?

R. Cet instrument qui est connu dans la campagne sous le nom de forge pour battre les faulx, a été vu par tous les habitants de la Croix-Ferrée et aucun d’eux ne l’a réclamé comme lui appartenant.

L’inculpé étant introduit dans notre cabinet, le témoin reproduit devant lui la déposition qu’il vient de faire.

D. A Sautour : Vous ne pouvez plus prétendre que vous n’aviez rien volé dans la malle de M. Bourriquet ?

R. J’étais ivre et je ne me rappelais pas tout ce que j’avais fait.

D. Vous ne pouvez également persister à soutenir que vous avez trouvé aux alentours de la maison Demerliac la forge à battre les faulx qui vous a servi à fracturer la commode ?

R. je ne me rappelle pas l’endroit où j’ai trouvé ce morceau de fer.

Lecture faite … ont signé

BOURRIQUET

AUGUSTE SAUTOUR

Le patron de l’accusé se souvient qu’il avait du ressentiment envers la victime ; il l’a vu partir de Limoges le jour du vol à midi

Téty François 11 mars 1868

François Téty, âgé de trente un ans, boulanger demeurant à Limoges rue des Petites-Maisons n°17 … dépose :

Le huit décembre dernier, le sr. Sautour est entré chez moi en qualité de garçon boulanger auxiliaire pour remplacer un de mes ouvriers qui était malade ; je l’ai employé jusqu’au vingt janvier dernier et j’ai été très content de son travail car il était laborieux et très rangé. A cette date du vingt janvier mon ouvrier étant guéri je dus renvoyer Sautour, mais comme il me convenait beaucoup, je profitai d’une occasion pour renvoyer un de mes ouvriers dont la conduite ne me satisfaisait pas et je repris Sautour en qualité d’ouvrier aux appointements de cent francs par mois. Il a commencé ce service le douze février dernier et l’a continué sans interruption jusqu’au vingt cinq du même mois ; ce jour-là il me demanda la permission d’aller faire son carnaval chez son père à Linards. Je lui avançai dix francs et il partit dans l’après-midi sans que je puisse préciser l’heure car j’étais occupé à faire ma tournée lorsqu’il a quitté la maison.

D. Vous avez déclaré à M. le commissaire de police Desgranges que Sautour avait quitté votre boulangerie le vingt cinq février dernier à midi ; pourquoi n’êtes vous pas aussi précis aujourd’hui ?

R. Je commence ma tournée à onze heures et je ne rentre chez moi qu’à une heure ou une heure et demie, je sais qu’à mon retour le vingt cinq février dernier Sautour n’était plus dans la maison, mais je ne puis dire s’il est parti à midi précis ; M. le commissaire de police aura mal compris ma réponse.

D. Lorsque Sautour est revenu chez vous le vingt sept au matin, avez-vous remarqué quelque chose d’anormal dans sa conduite ? A-t-il montré de l’argent ou quelques-uns des effets qui ont été saisis le lendemain dans sa malle ?

R. Il est rentré entre neuf et dix heures du matin et m’a accompagné lors de la première tournée que j’ai faite en ville ; en descendant pour parler à une pratique, il a laissé tomber de sa poche quelques pièces de cinq francs et cette circonstance ne m’a pas fait avoir de soupçons contre lui, parce que je pensais qu’il avait reçu cet argent dans sa famille. Je n’ai vu du reste en sa possession dans la journée du vingt sept aucun des objets qui ont été saisis par M. le commissaire de police.

D. L’inculpé vous a-t-il parlé quelques fois du sr. Demerliac, boulanger à la Croix-Ferrée, chez lequel il a travaillé pendant plusieurs années ?

R. Je l’ai entendu se plaindre de son ancien patron, il lui reprochait d’être cause de la rupture survenue entre lui et sa femme, il prétendait que Demerliac avait dénaturé, en les lisant, des lettres qui lui étaient écrites par cette dernière.

Lecture faite … a signé F. TETY

Les tenanciers de l’auberge Galet témoignent du passage tardif d’Auguste Sautour, qui a donc retardé sa marche en vue d’arriver la nuit chez sa victime

Galet Jeanne épouse Lamande

Galet Jeanne, femme de Jean Lamande, âgée de trente un ans, aubergiste demeurant au lieu du Petit Bois La Mangeat (sur la route de Limoges à Eymoutiers), commune d’Aureil … dépose :

Le vingt-cinq février dernier, jour du mardi gras, l’inculpé qui est actuellement en ma présence dans votre cabinet, est entré dans mon auberge vers trois heures de l’après-midi, il y a séjourné environ une heure et a fait une dépense de un franc quatre vingt dix centimes.

D. Avez-vous remarqué si l’inculpé avait une montre en or ?

R. Je n’y ai pas fait attention.

D. Quelle est la distance qui existe entre votre maison et la Croix-Ferrée ?

R. Neuf kilomètres.

D. L’inculpé, lorsqu’il est entré dans votre auberge, était-il porteur du morceau de fer que nous vous représentons ?

R. Je ne lui ai pas vu cet instrument.

Lecture faite … ne sait signer.

Lamande Jean

Jean Lamande, âgé de trente ans, aubergiste (successeur du sr. Galet), demeurant au Petit-Bois-La-Mangeat, commune d’Aureil … dépose :

Le vingt cinq février dernier, j’ai gardé le lit pendant tout l’après-midi et je n’ai pas vu les personnes qui ont pu fréquenter mon auberge. Ma femme m’a raconté qu’elle avait servi à boire et à manger à un jeune homme qui était arrivé chez nous vers trois heures et demie et qui avait séjourné environ une heure, mais je ne puis vous dire si cet individu est le même que celui que vous poursuivez à raison du vol commis à la Croix-Ferrée. Je ne puis vous fixer sur le chiffre de la dépense qu’il a faite chez moi.

Lecture faite …a signé LAMANDE

Auguste Sautour maintient sa version et accuse son ivresse au moment du vol

Interrogatoire Sautour

Sautour Auguste, âgé de 25 ans, célibataire, garçon boulanger, né à Mazermaud (Linards) demeurant à Limoges rue des Petites-Maisons n°17

D. Reconnaissez-vous le morceau de fer que nous vous représentons comme étant l’instrument à l’aide duquel vous avez fracturé le tiroir de la commode de Demerliac ?

R. Je ne le reconnais pas.

D. Ce morceau de fer a été trouvé dans la cuisine de Demerliac, sous le lit de la servante e comme le témoin a déclaré que cet instrument ne lui appartenait pas, il faut bien que ce soit vous qui l’ayez apporté dans cette maison pour exécuter le vol que vous aviez médité ?

R. J’ai déclaré dans mon premier interrogatoire que j’avais trouvé aux alentours de la maison Demerliac un morceau de fer dont je m’étais servi pour fracturer la commode, mais comme j’étais ivre, je ne me souviens pas de la forme qu’il pouvait avoir.

D. Il n’est pas possible d’admettre que votre mémoire vous fasse défaut sur ce point, car l’instrument que nous vous représentons a une forme très caractérisée et très connue des habitants de la campagne puisqu’il sert à battre les faulx ; il est évident que vous ne l’avez pas trouvé au lieu que vous indiquez.

R. Je persiste dans ma déclaration.

D. Quoi qu’il en soit il est certain que c’est à l’aide de cet instrument que vous opéré l’effraction car il a été constaté que les pesées avaient été faites avec un instrument pointu et nous remarquons que l’extrémité de celui-ci a la même forme et qu’elle a été tordue ?

R. Il est possible que je me sois servi de cet instrument mais je ne puis l’affirmer, car ma mémoire me fait complètement défaut à ce sujet.

D. Comment avez-vous fait pour ouvrir la porte de la commode qui était fermée à clef et sur laquelle on n’a pas retrouvé de traces d’effraction ?

R. Je pense que cette porte s’est ouverte d’elle-même à la suite des pesées que j’ai exercées sur le tiroir qui est au dessus.

D. Les choses n’ont pas pu se passer ainsi, vous avez sorti le tiroir de ses coulisses, puis avez introduit votre main dans l’intérieur de la commode pour tirer le crochet qui maintenait en place le battant de gauche et à l’aide d’une poussée vous êtes parvenu à ouvrir la porte ?

R. Je ne me rappelle pas du tout le moyen que j’ai pu employer.

D. Où avez-vous pris le revolver que nous vous représentons ?

R. dans le tiroir de gauche de la commode.

D. D’après la déclaration du sr. Demerliac, il lui a été volé six mouchoirs de couleur portant les initiales P.D. et conformes aux trois qui ont été saisis dans votre malle et que nous vous représentons ; qu’avez-vous fait des autres ?

R. Je ne me rappelle pas si j’ai pris les six mouchoirs qui sont réclamés par Demerliac. Peut-être en ai-je perdu quelques-uns en route. Dans tous les cas je n’ai rapporté à Limoges que ceux qui ont été trouvés dans ma malle.

D. Reconnaissez-vous les trois mouchoirs de poche de couleur que nous vous représentons comme ayant été soustraits par vous de la malle du sr. Bourriquet, domestique de Demerliac ?

R. Je ne crois pas avoir pris quelque chose dans la chambre du sr. Bourriquet.

D. Outre ces mouchoirs, vous aviez encore volé dans cette malle une pièce de toile coton ayant douze mètres de longueur, que vous avez ensuite abandonnée avec un parapluie appartenant à la servante et une paire de bottines du sr. Demerliac sur l’appui de la fenêtre par laquelle vous vous êtes introduit dans la maison.

R. Je ne me rappelle pas ces circonstances parce que j’étais ivre.

D. On a retrouvé sur la toiture du petit bâtiment que vous avez escaladé un bâton de sureau que vous aviez coupé dans une haie à peu de distance de la Croix-Ferrée ; vous vouliez évidemment vous en servir comme d’un levier pour opérer les effractions que vous méditiez ?

R. J’ai dû couper ce bâton pour faciliter ma marche.

D. Le sr. Demerliac affirme que le tiroir que vous avez fracturé contenait au moins deux cent cinquante francs ; il n’a été retrouvé en votre possession que celle de cent cinquante. Qu’avez-vous fait du surplus ?

R. Demerliac se trompe sur l’importance de la somme qu’il possédait.

D. Quel est le mobile qui a pu vous pousser à commettre un vol aussi audacieux, ce n’est pas le besoin car vous gagnez cent francs par mois chez le sr. Téty et vous aviez reçu le matin une somme de dix francs pour vous rendre à Linards ?

R. J’étais ivre et je suis entré dans la maison de Demerliac en escaladant la fenêtre sans me rendre compte de ce que je faisais ; arrivé dans la cuisine, j’ai trouvé une bouteille de vin à moitié pleine et je l’ai vidée, ce qui a achevé de me faire perdre la raison.

Lecture faite … a signé AUGUSTE SAUTOUR

Interrogatoire Sautour 24 mars 1868

Sautour Auguste, âgé de vingt-cinq ans, célibataire, garçon boulanger, né à Mazermaud, commune de Linards … demeurant à Limoges des Petites-Maisons, n° 17

D. Comment avez-vous fait pour vous introduire le vingt cinq février dernier dans la maison du sr. Demerliac située au village de la Croix-Ferrée ?

R. J’ai escaladé un petit bâtiment adossé à la maison, j’ai ainsi atteint une fenêtre du premier étage dont j’ai cassé un carreau, puis j’ai fait jouer l’espagnolette avec ma main et, la fenêtre ouverte, j’ai sauté dans l’intérieur, je suis alors descendu au rez-de-chaussée.

D. Vous vous êtes d’abord attaqué à la porte de la cuisine, vous avez, à l’aide de l’instrument en fer dont vous étiez muni, exercé plusieurs pesées pour essayer de l’ouvrir ?

R. Je ne me rappelle pas si j’ai fait usage de cet instrument, quoi qu’il en soit, ne pouvant ouvrir la porte j’ai songé à m’introduire dans la cuisine su côté de la cave avec laquelle elle communique ; pour cela j’ai traversé le magasin à farine et la boulangerie, j’ai ouvert une petite fenêtre qui donne accès au grenier (qui règne sur toute la longueur du petit bâtiment adossé à la maison), j’ai atteint une trappe ouvrant au dessus de la cave, dans laquelle je suis descendu et je suis enfin parvenu à la cuisine.

D. Vous saviez que Demerliac plaçait ordinairement son argent dans le tiroir d’une commode formant comptoir, vous avez soulevé la tablette de ce meuble à l’aide d’un instrument en fer dont vous étiez muni et vous êtes parvenu à faire sortir le pêne d la serrure de la gorge dans laquelle il était engagé ?

R. Je le reconnais.

D. L’argent que vous avez enlevé se composait 1° d’une pile de vingt pièces de cinq francs en argent, 2° d’une somme de cent cinquante francs environ composée de menues pièces d’argent placées dans une boîte en carton et enfin d’une somme de trente francs environ représentée par de la monnaie de billon déposée dans une boîte en acajou ?

R. Je ne me suis pas rendu compte sur le moment de l’importance de la somme que j’ai prise, mais le lendemain j’ai compté l’argent que je possédais, je n’ai trouvé qu’une somme de cent quarante cinq francs environ.

D. Nous avions pensé d’abord que vous aviez employé une partie de l’argent volé à acheter la montre en or dont vous étiez porteur au moment de votre arrestation, mais votre patron Téty ayant déclaré que vous la possédiez au mois de décembre dernier, vous avez dû faire un autre emploi d’une partie de la somme soustraite à Demerliac ?

R. Je persiste à dire que je n’ai dépensé qu’une somme de huit à dix francs au Pont de Noblat ; j’ai fait changer à l’auberge Dardaud la monnaie de billon dont j’étais porteur, elle représentait une somme de sept francs environ.

Madame Demerliac se trompe lorsqu’elle dit que la boîte en carton était remplie de menues pièces d’argent, on a retrouvé en ma possession des pièces d’argent formant une valeur de cent francs, je n’en avais dépensé aucune.

D. En résumé vous êtes inculpé d’avoir, le vingt cinq février dernier, au lieu de la Croix-Ferrée, commune de la Geneytouse, soustrait frauduleusement au préjudice du sr. Demerliac, la somme de deux cent cinquante francs environ, un revolver et divers effets d’habillement avec les circonstances aggravantes que ce vol a été commis la nuit dans une maison habitée, à l’aide d’escalade et avec effraction extérieure et intérieure.

R. Je reconnais les diverses circonstances … mais je persiste à dire que la somme que j’ai prise ne dépasse pas cent quarante francs car j’avais reçu dix francs de mon patron en quittant Limoges.

D. Vous êtes en outre inculpé d’avoir, le même jour et au même lieu, soustrait frauduleusement au préjudice de la domestique du sr. Demerliac, trois mouchoirs de poche avec les circonstances aggravantes …

R. Je l’avoue et je regrette vivement de m’être laissé entraîner par l’excitation du vin à commettre ces divers vols.

D. Nous ne pouvons admettre que vous fussiez en état d’ivresse, car vous n’auriez pu déployer l’adresse et l’agilité avec lesquelles vous avez escaladé une toiture et parcouru au travers d’un grenier et d’une cave un chemin difficile pour aboutir à la cuisine ?

R. Je n’étais pas complètement ivre de manière à ne pouvoir conserver mon équilibre, mais je subissais l’influence d’une grande surexcitation.

Lecture faite … a signé AUGUSTE SAUTOUR

Interrogatoire Sautour 29 avril 1868

Auguste Sautour, garçon boulanger, âgé de 25 ans, né à Mazermaud commune de Linards, demeurant à Limoges

D. Persistez-vous dans les aveux que vous avez fait devant M. le juge d’instruction ?

R. Oui

L’enquête s’attache ensuite à élucider la différence entre le montant du vol déclaré par la victime et la somme retrouvée chez le voleur ; on cherche d’abord s’il l’aurait dépensé en festivités après le vol dans les auberges de St-Léonard

Enquête à St-Léonard 4 mars 1868

Le commissaire de police de St-Léonard …

Un individu se rapportant au signalement de Sautour s’est présenté le 25 février vers 10 heures ½ du soir chez le sieur Couturier Léonard, aubergiste au Pont de Noblat commune de Saint Léonard, demandant à souper et à coucher ; madame Couturier lui répondit qu’elle le ferait souper mais non coucher, et il partit aussitôt.

A quelques minutes de là un individu frappa à la porte de Mme Descubes, aubergiste audit Pont, demandant également à manger et à coucher, madame Descubes étant au lit fit répondre par sa servante qu’elle ne recevait plus personne.

Vers onze heures du soir, même jour 25, un individu qui ne peut être que le même se présente chez le sieur Dardaud, aubergiste audit Pont de Noblat. Il soupa chez cet aubergiste, y passa une partie de la nuit à danser avec différentes personnes, laissant échapper en dansant de la monnaie d’argent et de billon, enfin se coucha vers les cinq heures du matin. Il passa chez Dardaud toute la journée du 26, y coucha la nuit du 26 au 27 et partit le matin du jeudi 27. Il fit une dépense de 7 à 8 fr. chez Dardaud, donna quelque petite somme au musicien qui faisait danser pendant la nuit du 25 au 26. Il a aussi payé le montant de sa place dans la voiture de St-Léonard à Limoges. Il s’est fait inscrire, chez Dardaud, sous le nom de Henri Maumot.

Veuillez agréer …

Le commissaire de police.

Dardaud Pierre

Pierre Dardaud, âgé de quarante sept ans, aubergiste demeurant au Pont de Noblat commune de St-Léonard … dé pose :

Le vingt cinq février dernier, vers onze heures du soir, un jeune homme de taille élevée s’est présenté chez moi et a demandé à souper et à coucher ; après avoir pris son repas, il s’est mis à danser avec différentes personnes qui se trouvaient chez moi et ne s’est couché que vers cinq heures du matin. Pendant qu’il dansait, il a laissé échapper de ses poches une somme de quarante ou cinquante francs en pièces de cinq francs en argent. Il a passé chez moi toute la journée du vingt six ainsi que la nuit suivante et n’est parti que le jeudi matin entre six heures et demie et sept heures. La dépense qu’il a faite dans mon auberge depuis son arrivée jusqu’à son départ s’élève à environ huit francs.

Confrontation faite de l’inculpé avec le témoin, celui-ci déclare le reconnaître pour être le jeune homme dont il a parlé.

L’inculpé s’est fait inscrire sur le registre tenu par le témoin en qualité d’aubergiste, sous le nom de Henri Momon, âgé de vingt quatre ans, boulanger, originaire de St-Bonnet.

Lecture faite … a signé PIERRE DARDAUD

Cette faible dépense n’expliquant pas la somme manquante, on pense que Sautour a pu s’en servir pour acheter une montre en or qu’il assure pourtant posséder depuis longtemps

Commission rogatoire pour rechercher la montre en or - 20 mars 1868

Le juge d’instruction …

Attendu que la dame veuve Retouret déclare formellement qu’elle n’a pas vendu à l’inculpé la montre en or portant les N° 16463 et 1889 que celui-ci prétend avoir acheté chez elle il y a environ deux ans, qu’il est donc possible que l’inculpé ait acheté cette montre postérieurement au vol accompli par lui le 25 février dernier au préjudice du sr. Demerliac et avec une partie de l’argent soustrait à ce dernier et qu’il y a lieu de la faire représenter aux divers horlogers de Limoges afin de vérifier q’ils la reconnaissent,

Donnons commission rogatoire à monsieur le commissaire central de Limoges …

Commissaire central de Limoges 21 mars 1868

L’an 1868 et le 21 mars,

Nous, … commissaire central de police à Limoges … (sur l’ordre du juge d’instruction ) de représenter … à tous les horlogers et bijoutiers de ladite ville (de Limoges) … une montre en or … pour leur demander si cette montre a été vendue par l’un d’eux, et de faire préciser la date, le prix de la vente et s’il est possible le nom de l’acquéreur dans le cas où ils la reconnaîtraient.

Nous avons fait en conséquence représenter ladite montre à tous les industriels sus indiqués, qui ont formellement déclaré qu’elle était neuve, qu’elle avait dû être achetée depuis moins de deux ans, à en juger par la netteté du guillochage, que cependant elle avait été donnée à réparer, ainsi que l’indique le n° 17,346 tracé à la pointe sur la même cavette, qu’aucun d’eux ne l’a vendue ni n’en a fait la réparation, lesquelles ventes ou réparations ne sont pas inscrites sur leurs livres.

De quoi nous avons rédigé le présent procès verbal …

La bijoutière citée par Sautour, ni son ancien patron de lui ont pourtant vendu ou vu cette montre

Bijoutière Retouret

Prudhomme Marguerite, veuve de Joseph Retouret, âgée de 58 ans, propriétaire, ancienne bijoutière, demeurant à Limoges, cours Gay-Lussac (ancienne maison Lesme) …

D. Reconnaissez-vous la montre que nous vous représentons comme ayant été vendue par vous, il y a environ deux ans, au nommé Sautour, garçon boulanger ?

Le témoin, après avoir examiné attentivement la montre saisie eu domicile de l’inculpé, fait la réponse suivante :

Il m’est impossible de dire en ce moment si cette montre est sortie de mon magasin, car je n’avais pas l’habitude, lorsque j’étais dans le commerce, d’appliquer une marque particulière sur les objets que je vendais. Je viens de prendre note des n° 16463 et 1889 qui sont frappés sur la partie interne de la boîte et je vérifierai sur mes registres si je puis les retrouver. L’individu qui dit avoir acheté cette montre chez moi a dû au surplus recevoir une facture de garantie.

En ce moment nous faisons introduire dans notre cabinet l’inculpé.

Le témoin, après l’avoir examiné, déclare qu’il ne se rappelle pas avoir vu ce jeune homme dans son magasin.

D. A Sautour : Lorsque vous avez acheté la montre trouvé en votre possession, ne vous a-t-il pas été donné une facture ?

R. J’ai payé comptant la somme de cent trente francs, je n’ai pas demandé de facture.

D. Chez qui travailliez-vous à l’époque de cette acquisition ?

R. J’étais employé chez le sr  Firmin Desfossés, boulanger rue Jauvion à Limoges. J’ai acheté la montre dans les mois d’avril ou mai 1866.

D. Ne possédez-vous pas aussi une montre en argent que vous avez donnée à la dame Guitard en garantie de la pension que vous lui deviez ?

R. La montre dont vous me parlez a été achetée par moi à St-Germain-les-Belles, d’un de mes camarades dont j’ignore le nom, moyennant la somme de quarante francs.

D. A Mme Retouret : La montre que nous vous représentons peut-elle avoir deux années de service ?

R. cela est possible, car on remarque auprès du remontoir plusieurs rayures faites par la clef.

D. le chiffre de cent quarante francs indiqué par l’inculpé représente-t-il la valeur marchande de la montre ?

R. Oui monsieur.

Lecture faite … ont signé

VVE RETOURET

AUGUSTE SAUTOUR

Firmin Dufossé

Firmin Dufossé, âgé de cinquante trois ans, maître boulanger, demeurant à Limoges, rue Jauvion n°5 … dépose :

L’inculpé a travaillé chez moi à deux reprises différentes, mais durant de courts intervalles, savoir du trois octobre au trente novembre 1864 et du vingt cinq novembre 1866 au douze décembre suivant.

J’ai été très content de son travail et n’ai aucun reproche à lui faire sous le rapport de la probité.

Je n’ai pas eu connaissance qu’il ait acheté une montre en or chez madame veuve Retouret et n’ai pas vu en sa possession celle que vous me représentez.

Lecture faite … a signé DUFOSSE

Cependant son dernier patron reconnaît qu’il avait sa montre avant le vol

Téty François

Téty François, âgé de trente et un ans, boulanger, demeurant à Limoges rue des Petites-Maisons n°17 …

D. Lorsque l’inculpé Sautour a commencé à travailler pour vous au mois de décembre dernier, avait-il en sa possession la montre en or que nous vous représentons ?

R. Oui monsieur, je la reconnais à la chaîne qui s’y trouve attachée et Sautour me l’avait remise afin que je la serre dans ma chambre, de peur qu’elle ne lui fut volée, parce que j’avais à ce moment chez moi un ouvrier qui était poursuivi par M. le procureur impérial d’Aubusson sous l’inculpation de vol.

Lecture faite … a signé F. TETY

 

Le procureur conclue à la culpabilité et la préméditation d’Auguste Sautour

Acte d’accusation – 24 avril 1868

Auguste Sautour, né à Mazermaud commune de Linards le 21 décembre 1842, fils de Jean Sautour et de Anne Flacard, garçon boulanger demeurant à Limoges, rue de Petites Maisons numéro dix-sept, prévenu de vol.

Un vol relativement considérable fut commis dans la soirée du 25 février dernier, au préjudice du nomme Demerliac Pierre, boulanger à la Croix-Ferrée, commune de la Geneytouse … : une somme qu’il évalue à 250 ou 300 fr. fut soustraite dans le tiroir d’une commode dont on força la serrure ; on lui enleva un revolver, des souliers, du linge et un coupon de toile mesurant deux mètres. Trois mouchoirs furent pris dans une malle non fermée, appartenant au domestique. On retrouva sur l’appui d’une fenêtre par laquelle l’auteur de ces vols avait pénétré dans la maison et par laquelle il en était sorti, une pièce de toile mesurant douze mètres, un parapluie appartenant à la servante et une paire de bottines appartenant à Demerliac.

Demerliac était allé vers les six heures du soir, avec sa famille et ses domestiques, dîner chez son père dont l’habitation est située à une distance d’environ 80 mètres de la sienne, et c’est lorsque vers les huit heures ½ du soir, sa femme rentra à son domicile avec ses enfants et ses domestiques qu’on constata l’invasion dont il avait été l’objet durant leur absence.

Il fallait que le voleur eut la connaissance parfaite des habitudes de la famille Demerliac, selon lesquelles elle allait chaque année dîner le jour du mardi-gras chez le père de Demerliac, et celle de l’intérieur de la maison, pour s’y présenter à cette heure avec la presque certitude de la trouver déserte, et arriver jusqu’à la cuisine, où se trouvait la caisse des recettes, à travers les diverses pièces qui précédaient cette cuisine, et les obstacles qu’il a rencontré.

Aussi, Demerliac n’hésita pas à communiquer au commissaire de police de St-Léonard les soupçons qu’il avait à l’endroit d’un de des anciens garçons, le nommé Sautour (Auguste), employé alors chez un boulanger de Limoges, rue des Petites Maisons.

Sur cette indication, l’un des commissaires de Limoges se transporta à la boulangerie désignée et y trouva en effet Auguste Sautour. Il y apprit que celui-ci avait demandé à son patron la permission d’aller faire son Carnaval chez son père, qu’il était parti en effet le 25 février après-midi avec dix francs qu’il s’était fait avancer et n’était rentré chez son maître que dans la matinée du 27.

Sautour expliqua par le même motif son voyage à Linards.

Une perquisition fut faite immédiatement dans sa chambre et rien de suspect n’y fut découvert, mais une malle qui s’y trouvait et qui était fermée à cadenas fur désavouée par Sautour pour lui appartenir. Sur l’assertion contraire du sieur Téty, il fut obligé de l’ouvrir et alors on y trouva une somme de 150 fr. composée en partie de la même [monnaie] que Demerliac avait signalé dans sa plainte. On y retrouva le revolver et les autres objets également dénoncés.

En présence de ces constatations, Sautour fut contraint à reconnaître qu’il était l’auteur du vol commis à la Croix-Ferrée, au préjudice de Demerliac. Ses aveux furent des plus prompts.

Il déclara qu’il s’était introduit entre 7 et 8 heures du soir dans la maison de Demerliac, en escaladant un petit bâtiment adossé à cette maison, qu’il avait ainsi atteint une fenêtre du 1° étage dont il avait cassé un carreau, qu’il avait fait jouer l’espagnolette et, la fenêtre ouverte, avait sauté dans l’intérieur, il était descendu au rez-de-chaussée, que n’ayant pu ouvrir la porte de la cuisine, il était descendu dans la cave et qu’avec la connaissance qu’il avait des lieux, il avait fini par arriver à la cuisine en passant par cette cave qui lui est contiguë. Enfin, à l’aide d’un instrument en fer dont il s’était muni, il était parvenu à faire sortir le pêne de la serrure du meuble où était l’argent.

Il déclara qu’il n’avait pas compté la somme prise par lui, mais qu’il y avait exagération de la part de Demerliac.

Sautour n’a pu, pour amoindrir ce que cette soustraction présentait d’audace dans son accomplissement, qu’alléguer son ivresse qui, sans aucun projet formé à l’avance et au moment où il ne s’arrêtait devant la maison de Demerliac son ancien patron que pour le visiter, l’avait poussé au crime qu’il regrette aujourd’hui.

Cette explication ne saurait être admise.

En conséquence, Auguste Sautour est accusé d’avoir, le 25 février 1868 à la Croix-Ferrée, commune de la Geneytouse, au domicile et au préjudice de Demerliac, soustrait frauduleusement une certaine somme d’argent et divers objets mobiliers.

Avec les circonstances aggravantes : 1° que cette soustraction frauduleuse a été commise la nuit. 2° dans une maison habitée. 3° que pour s’introduire dans ledit bâtiment il a grimpé sur un autre petit bâtiment qui y est adossé et passé par la fenêtre qui est à une certaine hauteur au dessus du sol 4° que pour s’introduire dans ledit bâtiment il a brisé un des carreaux de la fenêtre servant à fermer le passage et fait passer ensuite l’espagnolette avec la main par l’ouverture ainsi pratiquée. 5° qu’après son introduction dans ledit bâtiment et à l’aide d’un instrument en fer, il a forcé et fait sortir le pêne de la serrure de la commode fermée où se trouvait les objets soustraits.

2° pour avoir dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, soustrait frauduleusement trois mouchoirs de poche au préjudice du Sr. Demerliac.

Avec les circonstances aggravantes 1° que cette soustraction frauduleuse a été commise la nuit. 2° dans une maison habitée. 3° que pour s’introduire dans ledit bâtiment il a brisé un des carreaux de la fenêtre servant à fermer le passage et fait passer ensuite l’espagnolette avec la main par l’ouverture ainsi pratiquée.

Crime prévu et puni par les articles … du code pénal.

Fait au parquet de la cour impériale de Limoges le 24 avril 1868

Le procureur impérial ..

Exposé des faits – 28 mars 1868

(Identique à l’acte d’accusation)

Auguste Sautour, né à Mazermaud commune de Linards le 21 décembre 1842, fils de Jean Sautour et de Anne Flacard, garçon boulanger demeurant à Limoges, rue de Petites Maisons numéro dix-sept, prévenu de vol.

Un vol relativement considérable fut commis dans la soirée du 25 février dernier, au préjudice du nomme Demerliac Pierre, boulanger à la Croix-Ferrée, commune de la Geneytouse … : une somme qu’il évalue à 250 ou 300 fr. fut soustraite dans le tiroir d’une commode dont on força la serrure ; on lui enleva un revolver, des souliers, du linge et un coupon de toile mesurant deux mètres. Trois mouchoirs furent pris dans une malle non fermée, appartenant au domestique. On retrouva sur l’appui d’une fenêtre par laquelle l’auteur de ces vols avait pénétré dans la maison et par laquelle il en était sorti, une pièce de toile mesurant douze mètres, un parapluie appartenant à la servante et une paire de bottines appartenant à Demerliac.

Demerliac était allé vers les six heures du soir, avec sa famille et ses domestiques, dîner chez son père dont l’habitation est située à une distance d’environ 80 mètres de la sienne, et c’est lorsque vers les huit heures ½ du soir, sa femme rentra à son domicile avec ses enfants et ses domestiques qu’on constata l’invasion dont il avait été l’objet durant leur absence.

Il fallait que le voleur eut la connaissance parfaite des habitudes de la famille Demerliac, selon lesquelles elle allait chaque année dîner le jour du mardi-gras chez le père de Demerliac, et celle de l’intérieur de la maison, pour s’y présenter à cette heure avec la presque certitude de la trouver déserte, et arriver jusqu’à la cuisine, où se trouvait la caisse des recettes, à travers les diverses pièces qui précédaient cette cuisine, et les obstacles qu’il a rencontré.

Aussi, Demerliac n’hésita pas à communiquer au commissaire de police de St-Léonard les soupçons qu’il avait à l’endroit d’un de des anciens garçons, le nommé Sautour (Auguste), employé alors chez un boulanger de Limoges, rue des Petites Maisons.

Sur cette indication, l’un des commissaires de Limoges se transporta à la boulangerie désignée et y trouva en effet Auguste Sautour. Il y apprit que celui-ci avait demandé à son patron la permission d’aller faire son Carnaval chez son père, qu’il était parti en effet le 25 février après-midi avec dix francs qu’il s’était fait avancer et n’était rentré chez son maître que dans la matinée du 27.

Sautour expliqua par le même motif son voyage à Linards.

Une perquisition fut faite immédiatement dans sa chambre et rien de suspect n’y fut découvert, mais une malle qui s’y trouvait et qui était fermée à cadenas fur désavouée par Sautour pour lui appartenir. Sur l’assertion contraire du sieur Cety, il fut obligé de l’ouvrir et alors on y trouva une somme de 150 fr. composée en partie de la même (monnaie] que Demerliac avait signalé dans sa plainte. On y retrouva le revolver et les autres objets également dénoncés.

En présence de ces constatations, Sautour fut contraint à reconnaître qu’il était l’auteur du vol commis à la Croix-Ferrée, au préjudice de Demerliac. Ses aveux furent des plus prompts.

Il déclara qu’il s’était introduit entre 7 et 8 heures du soir dans la maison de Demerliac, en escaladant un petit bâtiment adossé à cette maison, qu’il avait ainsi atteint une fenêtre du 1° étage dont il avait cassé un carreau, qu’il avait fait jouer l’espagnolette et, la fenêtre ouverte, avait sauté dans l’intérieur, il était descendu au rez-de-chaussée, que n’ayant pu ouvrir la porte de la cuisine, il était descendu dans la cave et qu’avec la connaissance qu’il avait des lieux, il avait fini par arriver à la cuisine en passant par cette cave qui lui est contiguë. Enfin, à l’aide d’un instrument en fer dont il s’était muni, il était parvenu à faire sortir le pêne de la serrure du meuble où était l’argent.

Il déclara qu’il n’avait pas compté la somme prise par lui, mais qu’il y avait exagération de la part de Demerliac.

Sautour n’a pu, pour amoindrir ce que cette soustraction présentait d’audace dans son accomplissement, qu’alléguer son ivresse qui, sans aucun projet formé à l’avance et au moment où il ne s’arrêtait devant la maison de Demerliac son ancien patron que pour le visiter, l’avait poussé au crime qu’il regrette aujourd’hui.

Cette explication ne saurait être admise.

En conséquence …

Fait au parquet de la cour impériale de Limoges le 24 avril 1868

Le substitut …

Auguste Sautour est condamné à trois ans de prison pour vol avec circonstances atténuantes par les assises du 8 mai 1868 ; son défenseur m° Chaussade débute avec lui sa carrière judiciaire et politique, salué par le Courrier du Centre.

De sa prison Sautour réclame au procureur la montre et les bottines qu’on lui avait saisi

Billet de Sautour 17 mai 1868

Monsieur le procureur général,

Je viens vous demander s’il m’était possible d’avoir la montre que l’on m’a saisi, car elle m’appartient parfaitement, et puis aussi une paire de bottines en peau de chèvre. Je pense, Monsieur le procureur, que vous voudrais bien adhérer à ma demande.

Croyez à ma reconnaissance absolue et agréez, monsieur le procureur, tous les remerciements sincères.

Je vous salue respectueusement,

AUGUSTE SAUTOUR

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