Attentats à la pudeur contre Nannette Lagrange – Janvier et février 188

Sources

Le 20 février 1881 après-midi, Léonard Lagrange, cultivateur aux Courbes, commune de Linards, revient du bourg quand il rencontre son épouse en pleurs ; elle a été témoin d’une tentative de viol contre sa fille. Ils décident d’avertir le maire.

Léonard Lagrange 21 février 1881

Léonard Lagrange, âgé de quarante trois ans, cultivateur demeurant aux Courbes commune de Linards …

Hier vingt courant vers les trois heures du soir, en rentrant de Linards où j’étais allé le matin, et avant d’arriver chez moi, je trouvai ma femme qui venait m’attendre, elle pleurait, je lui en demandai la cause, elle me dit " J’étais dans le pré lorsque j’ai vu arriver Gourserol, je n’ai pas changé de position dans ce moment, mais le voyant sortir et rentrer aussitôt, je suis arrivée à la maison où j’ai trouvé Gourserol tenant notre fille en pleurs sur la huche. " Ma femme toujours en pleurs, nous décidâmes ensemble d’aller en prévenir M. le maire, c’est ce que je fis aussitôt. Ma fille ne m’a jamais rien dit de ce qui s’est passé entre Gourserol et elle. J’ai remarqué que depuis un mois environ elle marchait difficilement, je ne lui en ai pas demandé d’explications.

Lecture faite … ne sait signer.

Le maire de Linards charge le garde champêtre, assisté de deux citoyens, d’interpeller le suspect Léonard Gourceirol et de le conduire à la gendarmerie de Châteauneuf la Forêt.

Jean Barnagaud 21 février 1881

Jean Barnagaud, âgé de quarante deux ans, forgeron demeurant à Linards …

Hier soir, vers les huit heures, je fus requis par M. le maire de Linards de conduire à Châteauneuf avec Deschamps et le garde champêtre, Léonard Gourserol, inculpé de viol. Chemin faisant, nous le questionnâmes à tour de rôle pour lui faire avouer ce qui s’était passé, mais il disait toujours qu’il n’était pas coupable de ce qu’on l’accusait. Il raconta seulement que quand il était entré chez Lagrange, il a vu la mère Lagrange assise à côté de la porte sur un morceau de bois, que la fille Lagrange était à écrire avec un crayon, qu’il lui avait pris le crayon des mains pour faire des zéros, puis que la fille Lagrange s’était levée et lui avait porté sous le nez un pot de pommade, qu’il avait voulu le prendre, qu’elle avait alors essayé de le cacher entre ses jambes et qu’il y avait porté la main pour l’avoir, que dans ce moment la mère était entrée. Je ne me rappelle pas qu’il m’ait dit que la femme Lagrange lui ait fait la moindre observation quand elle est entrée.

Lecture faite …ne sait signer.

Jean Deschamps 21 février 1881

Jean Deschamps, âgé de trente cinq ans, scieur de long demeurant à Linards …

Hier soir, j’ai été requis par M. le maire de Linards d’aider à conduire à la brigade de Châteauneuf Léonard Gourserol, inculpé de viol ; en route, et sur les questions que nous lui faisions Barnagaud et moi, au sujet du viol dont il est inculpé, il nous dit " Je fus hier chez Lagrange vers les dix heures du matin ou quoiqu’il en soit le matin. Je trouvai la femme Lagrange qui était assise près la maison. Etant entré, j’ai trouvé la petite occupée à écrire avec un crayon, je le lui pris des mains et je fis des zéros. Je sentis l’odeur de pommade sur elle et lui en demandai. Elle cacha le pot sous ses vêtements, j’y portai alors la main pour le prendre. Il nous dit encore qu’il avait en se rendant à la foire de La Croisille avec Lagrange père, prêté à ce dernier son porte-monnaie contenant un louis de vingt francs, une pièce de un franc et cinq centimes, que c’était pour serrer l’argent de Lagrange qui depuis avait gardé ce porte-monnaie qu’il n’avait pas réclamé.

Lecture faite … ne sait signer

Le lendemain, le juge de paix, assisté de deux gendarmes et du médecin de Châteauneuf, se rend au domicile des plaignants ; il emmènent également le suspect. Tout d’abord le médecin examine la victime Anne Lagrange, 13 ans, puis l’accusé. Il conclut à une tentative de viol infructueuse.

Médecin de Châteauneuf 21 février 1881

Nous soussigné, docteur en médecine de la faculté de Paris, sur la réquisition de monsieur le juge de paix, nous sommes transporté, ce jourd’hui 21 février 1881, à onze heures du matin, dans la commune de Linards, au lieu des Courbes et au domicile du sieur Lagrange, après avoir préalablement prêté serment de faire notre rapport et de donner notre avis en notre honneur et conscience.

A notre arrivée nous avons été introduit dans un appartement au rez-de-chaussée, servant de cuisine, et nous avons trouvé couchée dans un lit Annette Lagrange, âgée de treize ans, qu’on soupçonne avoir été violée par Léonard Gourseirol.

Cette fille, d’un tempérament lymphatique, d’une taille ordinaire, n’est pas encore réglée. Elle prétend que le 8 janvier dernier Gourserol, la sachant seule dans sa maison, a exercé sur elle des violences qui se rapportaient à l’action du coït, mais sans pouvoir préciser si cette action a été complète.

Hier dimanche 20 février entre 10 et 11 heures du matin, le même Gourserol aurait fait, dit-elle, une tentative pour recommencer ses coupables manœuvres, il a été surpris par la mère au moment où il cherchait à exciter Annette.

Nous avons procédé à l’examen du corps de la plaignante.

La face, la poitrine, l’abdomen, les membres supérieurs et inférieurs ne portent la trace d’aucune égratignure, plaie ou contusion.

La chemise est propre à l’exception de quelques taches d’un mucus persistant qui se voient sur les parties antérieure et postérieure.

Les grandes lèvres recouvrent les petites lèvres, en les écartant elles présentent à leur surface interne une coloration légèrement rosée, parsemée de gerçures. Les téguments, depuis l’anus jusqu’au vagin, sont rouges, inflammés et gercés avec une très légères tuméfaction.

Les petites lèvres sont d’un rose pâle, un léger enduit sébacé recouvre leur surface externe.

L’entrée du vagin mise à découvert par l’écartement des petites lèvres laisse voir une membrane très rouge, violacée, d’une grande sensibilité, qui présente à sa partie supérieure une ouverture d’un centimètre de diamètre environ ; voulant introduire une sonde de femme dans cette ouverture, pour mieux en déterminer les dimensions, la petite Annette a accusé de vives douleurs et ne nous a pas permis une exploration plus minutieuse.

Il s’écoule du vagin un mucus purulent très abondant, à en juger par la chemise que la malade portait la semaine dernière.

La miction de l’urine est douloureuse, cette sensibilité est probablement provoquée par le contact du liquide avec les gerçures des grandes lèvres.

Annette Lagrange m’a déclaré que le 8 janvier, à la suite des manœuvres exercées sur elle par Gourserol, elle avait senti sa chemise mouillée, qu’elle en avait changé le soir, qu’elle avait lavé cette chemise le lendemain matin, mais qu’elle n’avait remarqué aucune trace de sang.

Nous avons passé à l’examen de Gourserol.

Gourserol Léonard, âgé de 40 ans, cultivateur, demeure à Paugnat, commune de Linards. Il n’a été ni égratigné ni contusionné par sa victime. Ses parties sexuelles ne nous ont offert aucune trace de maladie vénérienne. Le canal de l’urèthre, fortement comprimé d’arrière en avant, ne laisse suinter aucun liquide. Sa chemise est propre, et celle qui nous a été présentée et qu’il devait porter depuis hier matin, n’est pas tachée de sperme. Elle laisse voir deux très petites plaques semblables à du mucopus desséché.

Des faits qui précèdent, nous sommes porté à conclure qu’il y a eu, de la part de Gourserol, tentative de viol sur la personne d’Annette Lagrange, sans introduction complète de la verge dans le vagin.

Châteauneuf la Forêt, le 21 février 1881

C. DUTEILLET

Un médecin de Limoges confirmera son avis trois jours plus tard.

Médecin de Limoges 24 février 1881

Je soussigné docteur en médecine … certifie

Avoir, aujourd’hui 24 février 1881, visité la fille Annette Lagrange, âgé de 13 ans, habitant la commune de Linards, canton de Châteauneuf, laquelle aurait été victime d’outrages à la pudeur ou de tentative de viol, essayés à plusieurs époques, notamment vers le 18 janvier dernier.

Cette enfant est assez grande, bien constituée, assez intelligente.

Elle n’est pas pubère. Le pubis n’est pas revêtu de poils. Les organes génitaux sont remarquablement petits, très peu développés, extérieurement et dans la cavité vulvaire.

L’ouverture des organes génitaux est étroite, sans déformation. Les grandes et petites lèvres sont bien peu développées, se remarque le repli de la fourchette, et ne présentent aucune trace de déchirure ou altération ancienne ou récente.

La cavité vulvaire admet à peine l’extrémité du doigt ; au fond et à peu de distance de l’orifice, la membrane hymen est entière ; son limbe n’offre aucune trace d’entamage, et cette membrane ne paraît pas déprimée en arrière. L’orifice admet très difficilement l’introduction de l’extrémité du petit doigt.

Si ces partie sont exemptes de déchirure ou altération, elles offrent tous les caractères d’une vive inflammation. Le sillon des grandes lèvres, rougeur, tuméfaction, écoulement mucuso purulent, saignement au contact, qui est très douloureux, gêne dans la marche et dans la miction.

Rien vers l’anus.

Nulle trace de lésion sur les cuisses, l’abdomen, la face.

Et attendu que la constitution de cette enfant ne me paraît pas pouvoir attribuer l’inflammation des organes génitaux internes et externes à quelque vice dans la santé générale.

Nous estimons que cet état peut très bien être la conséquence de froissements, pressions exercés sur ces parties.

Dans tous les cas, cette enfant n’a pas été déflorée, et s’il y a eu tentative d’introduction de corps étranger dans les parties, cette tentative n’a pas pu être efficace, vu l’étroitesse de l’organe et l’absence de lésion traumatique sur les tissus.

Limoges, 24 février 1881

N…

Le juge de paix reçoit ensuite la déposition de la victime, qui accuse son voisin Léonard Gourceirol d’avoir tenté de la violer un mois plus tôt, et d’avoir récidivé la veille.

Information du juge de paix 21 février 1881

Nous Jean Baptiste Emile Delassis, juge de paix du canton de Châteauneuf la Forêt …

Informés ce matin qu’au lieu des Courbes, commune de Linards, un viol ou une tentative de viol aurait été commis sur la personne de Annette Lagrange par un nommé Gourcerol, les huit janvier dernier et hier vingt courant,

Nous nous sommes immédiatement transporté audit lieu des Courbes, au domicile des père et mère de la victime, accompagné de M. Camille Dutheillet, docteur en médecine par nous requis et de MM. Riché et Mordant, gendarmes à Châteauneuf, où étant nous avons trouvé couchée dans son lit la victime Annette Lagrange, âgée de treize ans, fille mineure de Léonard Lagrange et Anne Degeorges, cultivateur audit lieu ; sur notre invitation, M. le docteur Dutheillet, après avoir prêté en nos mains le serment préalable, a procédé à la visite de la victime, et nous a déclaré qu’il ne reconnaissait pas sur la personne de cette dernière des traces de violence, et a promis de nous remettre son rapport qui demeurera ci-annexé et a signé. C. DUTHEILLET

Nous avons aussitôt après la visite du docteur, reçu de la victime la déclaration suivante :

Je me nomme Annette Lagrange, âgée de treize ans, fille de Léonard Lagrange et de Anne Degeorges, cultivateurs demeurant avec eux au lieu des Courbes, commune de Linards.

Le huit janvier dernier à dix heures du matin, Léonard Gourcerol de Paugnat vint me trouver chez nous où j’étais seule, mon père et ma mère étaient allés à La Valade commune de St Méard, il savait bien qu’il me trouverait seule, car il devait lui aussi avec mon père qui lui avait proposé de les accompagner, il se rendait à Linards pour faire arranger un soc de charrue ; lorsqu’il entra j’étais assise près du feu, il vint auprès de moi. Au bout d’un moment il me prit sur ses genoux, m’embrassa deux fois ; je me levai alors en disant que je voulais boire, c’était pour me sauver. Il me poursuivit et m’attrapa près de la porte par mes jupons, me prit à bras le corps et me porta sur le lit où je suis. Après avoir fait tomber mes sabots, il m’y coucha, me releva les jupons et se coucha sur moi en me tenant les jambes écartées avec les siennes, et s’était déboutonné ; je sentis pendant quelques minutes l’introduction de son membre dans mon corps. Je m défendais de mon mieux et je criais, mais il me menaça de me battre si je criais. Il resta plus d’une demi-heure avec moi sur le lit en faisant des attouchements. Je faisais toujours mon possible pour me débarrasser de lui en l’appelant vieux sale, et il me disait " n’aie pas peur, je ne te ferai pas de mal ". Quand il fut descendu, je sentis que j’étais toute mouillée et ma chemise aussi, mais sans que j’ai remarqué aucune trace de sang. Je ne quittai ma chemise que vers les trois heures et je la portai le lendemain matin dans la pêcherie, afin que ma mère ne s’en aperçut pas. Avant de partir, comme je pleurais, Gourserol m’a dit " Si tu as le malheur de dire quelque chose, je te battrai quand je te trouverai. Depuis le huit janvier, il est venu plusieurs fois chez nous, mais il ne m’a jamais trouvée seule et ne m’a rien dit ; je suis allée deux fois chez lui seulement, mais sa femme et ses enfants s’y trouvaient, aussi ne m’a-t-il rien dit. Jamais il ne m’a donné de rendez-vous.

Hier matin vers les dix heures, mon père était allé à la messe à Linards, ma mère était à peu de distance de la maison. J’aperçus Gourserol qui venait et regardait de tous côtés s’il voyait personne. Il entra et me demanda où allait ma mère, je répondis qu’elle était au soleil, il me dit " Ca n’est pas vrai ", en même temps il m’a attrapé à bras le corps, en voulant me porter sur le lit, mais j’ai fait la morte et alors il m’a appuyée contre la huche en me relavant les jupons et il s’est déboutonné tout à fait ; pendant ce temps-là, j’ai rabaissé mes jupons en croisant les jambes, et pleurant ; à ce moment ma mère est arrivée ; en entrant elle a dit " Que faites-vous là, Léonard ? " " Nous ne faisons personne ", a-t-il répondu. En même temps je l’ai vu se boutonner un bouton et prendre un crayon sur la table pour lui servir de contenance, sa main tremblait. Il dit à ma mère " Je voulais avoir le pot de pommade qu’Annette avait à la main " et il s’est ensuite retiré. Après son départ j’ai raconté à ma mère ce qui s’était passé, en ajoutant que Léonard Gourserol était déjà venu pendant qu’elle était à La Valade avec mon père.

Nous étions sur le point de clore la déclaration de ladite Annette Lagrange, lorsque nous avons été informé que le dix-huit courant à la foire de La Croisille, elle aurait soustrait d’un marchand ambulant un petit fichu ; interpellée sur ce fait, elle a déclaré qu’elle avait acheté ce jour-là pour vingt centimes de plumes métalliques et a fait l’aveu de la soustraction qui lui est imputée, ajoutant que Amélie Gourserol, qui était avec elle avait aussi volé un pot de pommade.

Lecture faite … ne sait signer.

Nous avons ensuite fait appeler devant nous tous les témoins … chacun a fait sa déclaration … au nombre de cinq … nous avons procédé à l’interrogatoire de l’inculpé Gourserol …

Le juge de paix fera plus tard un croquis de la maison, lieu du crime.

Enquête du juge de paix de Châteauneuf 25 mars 1881

Nous Jean-Baptiste Emile Delassis, juge de paix …

Procédant en exécution de la commission rogatoire du vingt trois courant …

Nous sommes transportés au lieu des Courbes commune de Linards, au domicile des époux Lagrange, où étant avons d’abord fait pour être annexé au présent le croquis des lieux et avons ensuite fait le constat ainsi qu’il suit :

Sur le bord du chemin qui conduit de Linards au lieu de Paugnat et à environ cinq cents mètres avant d’arriver à ce village, et à droite du chemin se trouve la maison desdits époux Lagrange. Elle est complètement isolée et située au lieu-dit des Courbes. Elle confronte d’un côté par le haut au chemin auquel elle touche d’un côté, par le bas au près des époux Lagrange, par derrière encore au pré et par devant aux airages, ces derniers confrontant aussi au chemin, duquel ils sont séparés par une clôture dans laquelle, près de la maison, se trouve leur entrée. La façade de la maison ainsi que les airages sont dans la direction du village de Paugnat. La maison se compose d’une cuisine et d’une chambre. Elle a sa porte d’entrée sur les airages, cette porte est à six mètres de distance du chemin public, elle donne accès à la cuisine qui est éclairée par deux croisées, l’une à côté de la porte donnant sur les airages, l’autre au fond en face à peu près de la porte et donnant sur le pré et à la distance de huit mètres du point du chemin public où l’on peut très bien voir le lit dont il va être parlé. Au fond, à l’angle de la cuisine et touchant le montant de la croisée se trouve le lit qui est à trois mètres vingt centimètres de la porte d’entrée. la cheminée est placée en face du lit auquel est opposée. Entre la cheminée et la croisée et touchant au mur est la huche à pain. A côté de la cheminée existe une porte qui donne entrée dans une chambre éclairée par une croisée donnant sur les airages. Cette croisée est à deux mètres de distance de la porte et extérieurement à un mètre cinquante centimètres du chemin public. La huche à pain qui est au fond de la cuisine est à la distance de cinq mètres de la porte d’entrée à laquelle elle fait face.

Il n’est pas possible de voir par la croisée de la chambre dans le chemin public, pas plus que par la porte d’entrée, ce qui se passe dans la cuisine, à moins d’entrer dans les airages, qui n’étaient pas clos dans ce moment-là. Si du chemin public par la croisée qui est à côté du lit on peut comme il est dit voir ce dernier et ce qui peut s’y passer, c’est à la condition toutefois que la fenêtre soit ouverte. Etant fermée, on ne distingue que très vaguement le lit et les objets à côté ; mais en se rapprochant de la fenêtre, qu’elle soit ouverte ou non, ainsi que la porte, on peut parfaitement distinguer tout ce qui se passe dans la cuisine.

Ce constat ainsi fait et terminé, et le croquis des lieux dressé, nous avons entendu Annette Lagrange, ainsi qu’il résulte du procès verbal que nous avons dressé de sa déposition et qui demeurera annexée.

Les époux Lagrange étant absents et ne pouvant ainsi recevoir la déposition de la femme Lagrange, nous avons fait et clos le présent procès verbal …

A nouveau entendue à deux reprises, Anne Lagrange réitère ses accusations sans contradiction.

Anne Lagrange 24 février 1881

Lagrange Anne, âgée de 13 ans, née à Beaubiat, commune de Linards le 23 février 1868, de Léonard et de Anne Degeorges, journalière demeurant aux Courbes commune de Linards … dépose :

Le village de Barat où demeure Gourserolle est à 5 minutes de chez nous. Ce dernier ayant quitté le Magnac-Bourg où il demeurait s’est installé à Barat le 1° novembre 1880. C’est seulement depuis cette époque que j’ai eu l’occasion de le voir. Il est venu plusieurs fois à la maison, notamment le soir à la veillée.

Le 8 ou 9 janvier dernier, dans tous les cas un samedi, Gourserolle entra à la maison où j’étais seule, mon père et ma mère étaient allés à la Valade commune de St-Méard. La veille même, mon père avait demandé à Gourserolle de l’accompagner dans cette course, mais ce dernier n’en avait rien fait. En entrant dans la cuisine, il tenait un soc de charrue et des coins de fer, qu’il portait chez le taillandier de Linards. Je me trouvais près du feu. Il posa à terre ces objets et se dirigea vers moi en me disant " Veux-tu venir sur le lit ? " " Je ne veux pas " lui répondis-je. Alors il me saisit d’une main sous les épaules et de l’autre sous les jambes et m’enleva. je lui dis que je voulais boire, il me posa à terre. Je m’en allai aussitôt vers la porte pour fuir, ce que voyant il me prit par les jupons et me souleva. Je tâchai de le frapper avec mes sabots, mais il me les fit tomber à terre et me porta sur le lit où il monta lui-même. Je le saisis aux cheveux et à la barbe. Il me pris les deux mains avec l’une des siennes et les maintint au-dessus de ma tête. Je voulus crier au secours, mais il menaça de me frapper. Il leva mes jupons, mit ses genoux entre mes jambes, déboutonna le devant de son pantalon et mit sa saleté entre mes jambes, s’efforçant de l’introduire dans mes parties sexuelles. Je m’agitai pour lui échapper, il y pénétra très peu. Il me faisait beaucoup de mal. Il s’y prit à deux reprises sans me lâcher. Il me mouilla ; ma chemise était toute trempée en dessous. Il resta sur moi au moins une demi-heure. Il se leva ensuite et essuya avec une chemise de mon père placée sur le lit le devant de son pantalon, en me disant : " Petite charogne, tu m’a fait salir mon pantalon . " " Vous n’avez que ce que vous méritez " lui répondis-je, " vous n’aurez même pas tout ce que vous méritez, parce que je ne suis pas assez forte, si mon père y était, vous pourriez bien vous en repentir. "

Gourserolle s’assit ensuite près du feu. Je m’appuyai près de la porte d’entrée ; mon oncle François Degeorges, journalier demeurant aux Fonts du Vert près de notre village, commune de Linards, entra à ce moment. Gourserolle se leva, échangea un salut avec lui et s’en alla. Je ne racontai point ce qui s’était passé ni à mon oncle ni à ma famille, ayant honte de dire de pareilles choses.

Le soir je sentis que ma chemise, à l’endroit où elle avait été tachée par Gourserolle, était raide comme si elle avait été empesée, elle me gênait pour marcher. J’en changeai et le lundi suivant je la lavai à la pêcherie, ne voulant pas que ma mère d’en aperçût.

Dans la nuit du lundi au mardi, je fus prise de douleurs au ventre et aux hanches ? Depuis j’éprouve des difficultés pour marcher ; je souffre aussi beaucoup quand j’urine, j’en pleurerais.

Ma mère s’étant aperçue que je marchais péniblement, me questionna plusieurs fois à ce sujet, m’en demandant la raison. Répugnant à la lui faire connaître, je lui dis que j’ignorais ce que c ‘était.

Postérieurement au fait que je viens de vous raconter, je suis allée deux ou trois fois chez Gouserolle, deux fois pour y faire des commissions de la part de ma mère et l’autre fois pour y jouer avec sa petite fille et deux autres filles du village.

Dimanche dernier, 20 février courant vers 10 heures et demie, je me trouvai seule dans notre cuisine, occupée à écrire sur la table ; ma mère qui était un peu malade prenait le soleil à 50 pas environ de la maison. A ce moment entra Gourserolle qui me dit bonjour et me demanda où était ma mère. Je lui dis qu’elle prenait le soleil près de la maison. Il me répondit qu’il ne voulait pas me croire, qu’elle devait bien être à la messe. Puis il sortit aussitôt et alla à 10 pas en avant de la porte regarder autour de lui comme pour voir s’il y avait quelqu’un. Il ne put apercevoir ma mère qui se trouvait derrière l’écurie. Il rentra, s’approcha de moi et me dit " Mets-toi sur le lit. " " Je ne veux pas, laissez-moi écrire " lui répondis-je. " Je vais t’y apporter " ajouta-t-il. " " Je vais appeler ma mère qui est dans le pré " répondis-je. " Ta mère n’y est pas " répliqua-t-il, et aussitôt il m’enleva. Je me laissai aller faisant la pesante. Il me déposa assise sur la huche. Je voulus crier, il mit sa main sur ma bouche. Je me laissai glisser de façon à être adossée à la huche. Il me releva les jupons et déboutonna le devant de son pantalon d’où il exhiba sa saleté que j’aperçus. Je fis retomber mes jupons et je croisai mas jambes. Gourserolle essaya de lever de nouveau mes jupons ; mais n’eut pas le temps de le faire, car ma mère entra dans ce moment.

" Que faites-vous là ? " lui demanda-t-elle. " Nous ne faisons pas personne " répondit-il, ajoutant " Nanette avait de la pommade sur elle, je voulais la lui prendre. " Puis il s’appuya sur la table et se mit à écrire des zéros. Ma mère lui dit qu’il ferait mieux d’aller à la messe que d’être là. Gourserolle partit. Ma mère m’a alors questionnée sur ce que ce dernier me faisait, je le lui ai raconté, ainsi que ce qu’il m’avait fait au mois de janvier dernier.

À l’instant nous donnons lecture au témoin de l’interrogatoire de Léonard Gourserolle, elle nous répond ceci :

Le 8 janvier j’ai pros la casquette de Gourserolle seulement au moment où il m’a saisie pour m’emporter sur le lit. Quand il m’a eu fait tomber mes sabots, voulant me faire lâcher, je l’ai chatouillé sous les aisselles. Gourserolle m’a embrassée sur les joues à deux reprises. Loin de rire pendant que cet individu me tenait sous lui, je pleurais au contraire.

Je n’ai jamais agacé ni chatouillé Gourcerolle, notamment je ne suis jamais entré dans sa chambre pendant qu’il y était ; un soir je jouais avec des filles de mon âge devant chez Gourserolle, ce dernier est intervenu et en plaisantant nous a toutes jetées à terre sur des feuilles sèches placée devant sa porte ; mais je ne l’ai point chatouillé pendant ses visites à la maison ; lors des veillées, il lui est arrivé deux fois de me chatouiller sous les aisselles. Ces deux fois je me suis défendue en le repoussant avec les mains.

Je nie avoir fait sentir dimanche dernier un flacon de pommade à Gourserol ; ni avoir mis ce flacon entre mes jambes. Je n’avais même pas sur moi cette pommade qui était dans ma commode.

Interpellée : Je reconnais avoir, à la foire de La Croisille du 18 février courant, soustrait à un marchand auquel j’ai acheté pour un sou de plumes métalliques, un flacon de pommade de deux sous et un petit fichu de coton.

Lecture faite … a signé NANETTE LAGRANGE

Anne Lagrange 23 mars 1881

Je me nomme Anne Lagrange, âgée de treize ans, sans profession, demeurant à Paugnat commune de Linards

La première fois que Gourseyrol m’a violentée le huit janvier, après être entré dans la cuisine, il ferma la porte, il resta environ deux minutes auprès de moi devant la cheminée puis il me prit dans ses bras et me porta malgré ma résistance sur le lit. Il me coucha sur le bord et en travers du lit, en sorte que mes pieds étaient pendants hors du lit. A ce moment, comme je l’ai déjà dit la porte d’entrée était fermée et la fenêtre qui est à côté du lit donnant sur le pré, l’était aussi en sorte que personne ne pouvait rien voir à moins de s’approcher de cette fenêtre. Pendant toute la durée de la scène je n’ai entendu passer personne dans le chemin, pas plus qu’aucun bruit autour de la maison. La seconde fois que Gourceyrol est venu me trouver et qu’il a été surpris par ma mère, il m’a comme je l’ai dit déjà dans une déposition, renversée sur la huche à pain après avoir voulu me porter sur le lit. Je me trouvai juste en face de la porte qui était ouverte et Gourceyrol lui tournait le dos, aussi il était très facile à quelqu’un qui aurait passé devant la porte de nous voir dans cette position. Je dois ajouter que la fenêtre était fermée. On passe très rarement dans nos airages, c’est à peine si mon oncle Degeorges y passe quelquefois pour se rendre au travail, et cela ne serait que le matin de bonne heure et le soir tard.

Lecture faite … a signé NANETTE LAGRANGE

La déposition de la mère Anne Degeorges, épouse Lagrange, confirme le récit de sa fille.

Second témoin

Anne Degeorges, âgée de trente un ans, épouse de Léonard Lagrange, cultivateur, demeurant ensemble au lieu des Courbes, commune de Linards, a déclaré n’être parente ni alliée ni domestique de l’inculpé et mère de la victime a fait la déclaration suivante :

Hier matin vingt courant vers les onze heures j’aperçus entrant chez moi Léonard Gourceirol, je le suivis, deux ou trois minutes après je l’ai vu tenant ma fille Anne sur la huche, à côté de la cheminée. Elle avait les jupons relevés, je lui demandai ce qu’il faisait, lui disant " vous êtes un malhonnête ", il ne répondit rien, il s’appuya sur la table une minute à peine et se dirigeant vers moi qui étais assise près la cheminée, il me dit " Qu’avez-vous, femme ? Vous n’avez pas l’air contente " en me frappant sur l’épaule. Je lui répondis " Il y a bien de quoi, allez-vous-en à la messe, vous ferez mieux ", et il se retira. Ma fille pleurait, je lui en demandai la cause. Elle me dit qu’il s’était mis après elle, qu’il avait voulu la porter sur le lit, mais qu’elle faisait la pesante, qu’elle était tombée, qu’il l’avait relevée et l’avait jetée sur la huche au moment de mon arrivée. Elle me raconta aussi que le jour où mon mari et moi étions à La Valade, il était venu la trouver, qu’il l’avait empoignée et lui avait fait très grand mal, mais je n’osai pas lui demander de plus grandes explications. Je m’étais aperçu que depuis un mois environ ma fille marchait péniblement, je lui demandai ce qu’elle avait, mais elle me répondit que rien ne lui faisait mal ; ce n’est qu’hier qu’elle m’avoua qu’elle souffrait aux hanches et au ventre, que quand elle urinait elle éprouvait de fortes cuissons. Je n’ai pas lavé de chemise de ma fille depuis le lendemain du jour où s’est passé la scène, ce jour-là je n’ai remarqué aucune tache sur le linge. Je ne m’étais jamais aperçue que ma fille fit rien de mal et j’étais loin de m’attendre à ce qui est arrivé. Mon mari avait passé une partie de la journée d’hier à Linards, et ce n’est qu’à son retour que je lui ai raconté ce qui s’est passé, ce fut alors qu’il partit pour Linards pour prévenir M. le maire.

Lecture faite … ne sait signer

A l’issue de l’enquête menée le 21 février, lendemain des faits, les gendarmes écrivent leur rapport qui résume les diverses auditions entendues par le juge de paix, au terme desquelles il inculpe l’accusé.

Rapport de gendarmerie 21 février 1881

Brigadier Riche César et gendarme à cheval Mordant Pierre, de Châteauneuf

Rapportons qu’informés par M. le maire de la commune de Linards qu’un viol aurait eu lieu à Linards sur la personne de la nommée Lagrange Anne, âgée de 13 ans, née le 23 février 1868 à Linards, fille de Léonard et de Anne Degeorges, propriétaire à La Courbe cette commune de Linards, par le nommé Gourcerol Léonard, âgé de 40 ans, propriétaire à Paugnat dite commune, né en novembre 1840 à Glanges canton de St Germain, fils de Léonard et de feu Antoinette Cruveilliers, marié à St Méard en 1866 à la nommé Marie Sautour, 3 enfants. Ce dernier nous ayant été conduit, nous nous sommes rendus avec cet individu au domicile de ladite Lagrange, M. le juge de paix étant présent. Cette dernière a déclaré que le 8 janvier dernier vers les dix heures du matin, étant seule chez elle, lorsque le nommé Gourcerol qui se rendait à Linards entra chez elle, se trouvant près du feu ; il s’approcha, la prit sur ses genoux et l’embrassa deux fois. Elle se leva en disant qu’elle voulait boire, ainsi s’esquiva , il la poursuivit et la retint par les jupons. Au moment où elle voulait sortir de la maison, il la saisit à bras le corps, la porta et la coucha sur le lit, lui leva les jupons, se coucha sur elle et lui tenant les jambes écartées avec les siennes, se déboutonna. Ensuite elle sentit qu’il voulait lui introduire son membre dans le corps. Elle se défendait et criait mais il la menaça de la frapper. Il resta sue elle plus d’une ½ heure, lui faisant des attouchements, voulant toujours se débarrasser. Il lui disait " n’ait pas peur, je ne veux pas te faire de mal ". quand il fut descendu du lit, elle sentit que sa chemise était mouillée. Elle en changea le soir même et la porta le lendemain matin dans la pêcherie afin que sa mère ne s’aperçut de rien et ne remarqua aucune trace de sang sur la chemise. Comme elle pleurait, Gourcerol, avant de partir, lui dit " si tu as le malheur de sir quelque chose, je te battrai quand je te rencontrerai. " Depuis ce jour il est entré plusieurs fois chez elle sans la trouver seule. Elle s’est aussi depuis ce jour rendu deux fois au domicile de celui-ci mais sa femme et ses enfants y étaient et il ne lui disait rien. Jamais il ne lui a donné de rendez-vous.

Hier 20 courant vers 10 heures du matin, son père étant à Linards et sa mère non loin de la maison, elle vit entrer Gourcerol. Après avoir regardé s’il voyait quelqu’un, il demanda en entrant où était sa mère ; elle répondit que cette dernière était au soleil. S’approchant d’elle et la saisissant à bras le corps, il voulait la porter sur le lit. Ayant fait la morte, il l’appuya contre la huche, lui leva les jupons et se déboutonna. Pendant qu’il était occupé à se déboutonner, elle abaissa ses jupons et croisa les jambes en pleurant. A ce moment sa mère entra et dit " Que faites-vous Léonard ? " " Nous ne faisons personne " répondit-il. il s’est appuyé alors sur la table en se boutonnant et en faisant des chiffres. Sa main tremblait ; il a dit de plus qu’il voulait lui prendre un pot de pommade et s’en fut. Après le départ de celui-ci, sa mère lui demanda ce que Gourcerol faisait à son arrivée. Elle raconta à celle-ci ce qui venait de se passer, ajoutant qu’il avait déjà voulu l’avoir le 8 janvier dernier.

La nommée Anne Degeorges, âgée de 31 ans, déclare que hier vers 10 heures ½ du matin, elle avait vu entrer ledit Gourcerol chez elle et l’avait précédé de 2 ou 3 minutes. En entrant elle l’aperçut tenant sa fille sur la huche. Les jupons de celle-ci étaient relevés. Elle lui demanda ce qu’il faisait, l’appelant malhonnête. Il répondit en s’appuyant sur la table qu’il ne faisait rien, se leva ensuite, se dirigea vers elle, lui frappant sur l’épaule en disant " qu’avez-vous, femme ? " Elle répondit qu’il y avait de quoi et d’aller à la messe, qu’il ferait mieux. Après son départ, sa fille qui pleurait, elle lui demanda ce qu’elle avait, elle répondit que Gourcerol avait voulu la porter sur le lit, mais qu’ayant fait la pesante elle était tombée ; relevée par lui, il l’avait appuyée contre la huche. Elle lui avait aussi raconté que le 8 janvier en son absence, il était venu la trouver, l’avait empoignée et qu’il lui avait fait mal. Elle ne lui n demanda pas davantage. Elle s’était cependant aperçu que sa fille marchait difficilement. Lui ayant fait remarquer, elle lui avait répondu que rien ne lui faisait mal. Elle avoua ensuite qu’elle souffrait lorsqu’elle lâchait l’eau. Elle ajouta avoir lavé la chemise de sa fille sans y avoir remarqué aucune trace.

Lagrange Léonard, âgé de 41 ans, propriétaire, déclare que hier vers trois heures du soir, venant de Linards, il trouva sa femme qui était allé à sa rencontre. Comme elle pleurait, il lui en demanda la cause, elle lui raconta que Gourcerol était entré chez eux et qu’étant entrée un moment après elle avait trouvé celui-ci tenant leur fille sur la huche, cette dernière pleurait, sa femme toujours en pleurs le décida à aller trouver M. le maire. Il dit ne rien savoir mais avoir remarqué que sa fille marchait difficilement depuis un mois environ.

Les nommés Barnagaud Jean, 42 ans, forgeron et Deschamps Jean Léonard, scieur de long à Linards, déclarent que requis par M. le maire pour accompagner le nommé Gourcerol à Châteauneuf, chemin faisant celui-ci leur aurait dit que hier 20 courant vers les dix heures du matin, étant entré chez Lagrange, il y avait trouvé la fille occupée à écrire. Avant d’entrer il avait remarqué la mère assise près de la porte. Il avait aussitôt son entrée pris le crayon des mains de la fille pour faire des zéros. Celle-ci lui avait fait sentir un pot de pommade, comme il voulait le lui prendre, elle cacha entre les jambes, il y avait porté la main pour lui saisir, mais qu’en ce moment la mère étant entrée, il avait dit qu’il n’avait pu lui prendre la pommade qu’elle lui avait fait sentir.

Le nommé Gourcerol déclare que le 8 janvier dernier vers les 10 heures du matin il se rendit chez Lagrange en l’absence de celui-ci et la femme qu’il savait à St-Méard. Quand il entra il trouva la fille Lagrange près de la cheminée, il s’approcha d’elle, elle lui saisit sa casquette et la jeta par terre en s’esquivant, il la poursuivit, la saisit, l’embrassa et la poussa sur le lit où il la renversa, il lui leva alors les jupons et lui porta la main entre les cuisses, mais ne s’est pas déboutonné (Ce qu’il rétracta plus tard en disant qu’il s’était déboutonné le pantalon et avait appuyé son membre viril contre les parties de la fille et avait assouvi sa passion sans avoir introduit son membre). Seulement comme il s’était mouillé par le seul contact, il sortit sa chemise et essuya le bord de la braguette de son pantalon. Il dit que celle-ci n’a ni pleuré ni poussé aucuns cris, qu’au contraire elle riait et le chatouillait lorsqu’il la tenait sous lui. Il resta sur elle environ dix minutes, il ne lui a fait aucune menace et chaque fois qu’elle le rencontrait elle l’agaçait. il y a environ un mois, étant chez lui couché dans son lit, elle vint le trouver et lui fit le chatou, il se leva, sortit de sa chambre en fermant la porte sur elle, sans lui avoir rien dit ni rien fait. Il ajouta du reste qu’elle l’a toujours provoqué.

Hier 20 du courant vers dix heures du matin, lorsqu’il est entré chez Lagrange, il avait vu la femme de celui-ci assise non loin de la maison et ne lui adressa pas la parole. En entrant il remarqua la fille qui écrivait sur le bout de la table, et lui prit le crayon des mains et fit des zéros. En ce moment celle-ci sortant une boîte de pommade de sa poche la lui passa sous le nez. Il lui demanda de cette pommade et chercha à lui prendre le pot qu’elle cacha entre les jambes. Il y porta la main en lui relevant les jupons sans le vouloir. Il dit ne jamais s’être déboutonné devant elle.

M. Duteillet, docteur en médecine à Châteauneuf qui a été requis pour assister lesdits Lagrange a déclaré qu’il ne croyait pas qu’il y ait eu introduction.

Après son interrogatoire, M. le juge de paix nous a requis de procéder à l’arrestation du nommé Gourcerol comme inculpé de tentative de viol.

En foi de quoi nous avons rédigé le présent procès verbal …

Trois jours plus tard le juge de paix interroge l’accusé Léonard Gourceirol et le confronte à sa victime. L’inculpé reconnaît les faits, mais prétend avoir été provoqué par Annette Lagrange et nie la préméditation.

Interrogatoire de Léonard Gourceirol 24 février 1881

Gourceirol Léonard, âgé de 40 ans, né à Glanges le 25 Xbre 1840, propriétaire cultivateur demeurant au Barat, commune de Linards, marié, père de trois enfants.

D – Vous êtes inculpé d’avoir depuis moins de 10 ans, sur le territoire de la commune de Linards, commis un ou plusieurs attentats à la pudeur, consommés ou tentés avec violence sur la personne de Lagrange Anne, mineure de 13 ans ?

R – Voici ce qui s’est passé : le vendredi 7 janvier dernier, Lagrange m’avait dit qu’il me prendrait le lendemain pour aller avec lui à La Valade, commune de St-Méard. Le lendemain, samedi 8 janvier, ne le voyant pas venir, je pris des coins de fer et un soc de charrue que j’avais à faire pointer, et je me rendis chez Lagrange, comptant l’accompagner à La Valade, s’il n’était pas parti, sinon porter les coins et le soc au forgeron de Linards. Lagrange et sa femme étaient partis ; je ne trouvai chez eux que leur fille Anne. Je m’approchai du feu et me baissai pour y allumer ma pipe. La petite Anne me saisit à l’improviste par les épaules et me renversa en arrière, puis saisit ma casquette qu’elle jeta sur le lit. Je repris cet objet. Elle me l’enleva de nouveau et la jeta près de la porte, et courut l’y ramasser. Je lui demandai de me la remettre ; elle s’y refusa, je cherchai à la prendre, elle la plaça entre ses jambes sur sa robe. Je lui passai la main sous les jupons et lui touchai les parties sexuelles. Elle se mit à me chatouiller sous les aisselles. Nous étions près du lit, je l’y adossai et l’embrassai. il y a dans la vie de mauvais moments : j’eux l’idée d’elle, je sortis mon membre viril de mon pantalon et le mis en contact avec les parties sexuelles de la petite, mais seulement pour m’exciter, sans aucunement forcer pour y pénétrer et je déchargeai sur elle.

D – Votre récit est inexact ; en 1° lieu vous saviez très bien devoir trouver les époux Lagrange partis de chez eux et leur fille seule à la maison.

R – Non monsieur, je ne le savais pas.

D – Cette fille ne vous a pas agacé et ne vous a pas renversé à terre ?

R – Je vous affirme qu’elle l’a fait.

D – Vous l’avez malgré elle portée sur le lit ?

R – Non monsieur.

D – Si elle vous a chatouillé sous les aisselles, c’est afin de se faire lâcher.

R – Elle a l’habitude de me chatouiller sans que je lui dise rien.

D – Pendant que vous cherchiez à introduire votre membre viril dans ses parties, elle se défendait et poussait des cris de douleur ?

R – Non monsieur, elle ne criait pas parce que je ne forçais point et ne lui faisait pas mal ; elle riait au contraire et me chatouillait tout le temps.

D – Depuis ce fait, Anne Lagrange a éprouvé dans aux parties sexuelles de vives douleurs qui la gênent beaucoup pour marcher et les médecins ont constaté aux parties de cette fille une inflammation très accentuée ?

R – Ce n’est pas ce que je lui ai fait qui peut en être cause, car j’ai seulement mis mon membre en contact avec ses parties, sans exercer aucune violence.

D – Cette fille déclare que vous êtes resté une demi-heure au moins vous livrant sur sa personne à ces actes de lubricité ?

R – Je n’y suis resté que dix minutes au plus.

D – Qu’avez vous fait après avoir rendu à la liberté la petite Lagrange ?

R – Je m’approchai de nouveau du feu pour y allumer ma pipe. Elle me donna une chaise en me disant : " Restez-là avec moi, nous nous parlerons, vous avez bien le temps de vous en aller. " Je finis de fumer une pipe. Degeorges, oncle de la petite, arriva je restai avec lui deux ou 3 minutes et me rendis à Linards, où je portai les coins et le soc de charrue.

D – Dimanche dernier 20 février courant, vous avez commis sur Anne Lagrange un autre attentat à la pudeur ?

R – Non monsieur, je ne lui ai rien fait de mal ; voici ce qui a eu lieu ce jour-là : Lagrange père m’avait prié de venir prendre un verre de cidre chez lui. Je m’y rendis dimanche dernier et j’y trouvai seule la petite Anne qui écrivait. Je lui demandai où était sa mère ; elle me répondit qu’elle était allée chez son oncle. Je fis deux zéro sur le papier de la petite. Elle prit alors un pot de pommade et me dit : " Sentez là " en me le portant sous le nez. Je lui dis " Donne-moi cette pommade afin que j’en passe à ma barbe ", mais elle refusa et mit le pot entre ses jambes sur ses vêtements ; j’essayai de le lui prendre mais sans passer la main sous les jupons ni les relever. Si alors je l’ai un peu retroussée c’est sans le vouloir. A ce moment entra la mère de la petite. " Que faites-vous ? " me demanda-t-elle. " Nous ne faisons pas personne " répondis-je. C’est une expression que nous employons entre nous en plaisantant. L’épouse Lagrange m’offrit de m’asseoir, je n’acceptai pas, je l’embrassai et m’en allai.

D – Votre récit de cette scène est encore mensonger ; vous aviez encore cette fois le projet de renouveler sur cette enfant l’attentat du 8 janvier dernier, vous vous êtes assuré qu’elle était seule chez elle, lui avez proposé de monter sur le lit et sur son refus l’avez enlever pour l’y porter ; n’ayant pas pu le faire, vous avez cherché à relever ses jupons et avez exhibé votre membre viril qu’elle a vu. C’est seulement à l’arrivée inespérée de sa mère que vous avez cessé vos coupables agissements ?

R – Je vous affirme que je ne lui ai pas fait plus que je ne vous ai dit.

Confrontation

A l’instant, en présence de l’inculpé est introduite Anne Lagrange actuellement âgée de 13 ans, déjà entendue par nous aujourd’hui.

Requise par nous de raconter les attentats dont elle a été victime de la part de Gourceirol, elle reproduit le récit qu’elle nous en a déjà fait et déclare y persister malgré les dénégations de l’inculpé sur plusieurs points.

De son côté Gourceirol affirme l’exactitude de ses déclarations. Il ajoute, parlant à Anne Lagrange :

" J’ai eu trop de malheur de te trouver sur mon passage ! Tu étais toujours à m’agacer, à me prendre mon chapeau, à me chatouiller. J’aurais dû ne pas le supporter et je n’en serais pas venu à ce point dans un moment d’oubli. "

Lecture faite … Gourceirol ne sait signer, Anne Lagrange à signé NANETTE LAGRANGE

Les renseignements sur l’accusé fournis par les maires de ses précédentes communes de résidence ne lui sont pas favorables en général mais ne font pas état d’antécédents dans le domaine de l’agression sexuelle.

Attestation du maire de Magnac-Bourg 20 avril 1881

Monsieur le juge d’instruction,

En réponse à votre lettre du 17 courant relativement au sieur Gourceirol né dans la commune de Glanges le 25 décembre 1840, les renseignements que je peux vous fournir sont : depuis qu’il est établi dans la commune, … sa débauche, son libertinage et … signes de paresse sont les principales causes qu’il a dévoré en très peu de temps une certaine fortune gagnée en faisant le commerce de roulier et marchand de bois, commerce bien mal dirigé.

Recevez …

Le maire NICOLAS

Attestation du maire de St-Germain 19 mars 1881

Monsieur le juge d’instruction,

Le nommé Léonard Gourceirol, sur lequel vous me demandez des renseignements, a habité en effet St-Germain où il a fait le roulier vers 1878.

Par suite de ses mauvaises fréquentations, de sa paresse, de ses habitudes de suivre les cabarets et de boire, il a fait de mauvaises affaires qui l’ont obligé à vendre son bien, qui a suffit à peine pour désintéresser ses créanciers, mais avec ces défauts il ne passait pas ici pour avoir une tenue inconvenante à l’égard des personnes d’un autre sexe.

Veuillez recevoir …

La fille de l’accusée donne quand à elle un témoignage mettant en cause la moralité de la victime.

Anne Gourserol – 21 février 1881

Anne Gourserol, âgée de treize ans, fille mineure de Léonard Gourserol et Marie Sautour, demeurant avec ses père et mère au lieu de Paugnat, commune de Linards a déclaré ce qui suit :

Le dix-huit courant, je suis allée à la foire de La Croisille avec Annette Lagrange en compagnie de nos deux pères. Pendant la foire la fille Lagrange a acheté des plumes métalliques pour vingt centimes, j’en ai acheté pour cinq centimes et nous les avons payées. J’ai vu prendre sans payer par la fille Lagrange, au préjudice d’un marchand ambulant, un petit fichu jaune et deux boîtes de pommade, je ne sais pas si elle en a payé un, mais je suis sûre qu’elle en a soustrait un. Elle m’en a donné un et en échange je lui ai donné un morceau de dentelle. Quant à moi je n’ai rien pris de personne.

Lecture faite … ne sait signer

Le juge de paix conclut, au terme de ces premières investigations, à la culpabilité de Léonard Gourceirol, peut-être atténuée par le comportement de la victime.

Rapport du juge de paix 22 février 1881

Monsieur le procureur,

Je n’ai reçu que ces soir vers 3 heures ½ votre dépêche parie ce matin de Limoges à 11 heures, aussi ne m’était(il pas possible, ainsi que j’ai eu l’honneur de vous le faire savoir par le télégraphe, de faire citer à temps les époux Lagrange et leur fille qui habitent à 3 kilomètres au-delà de Linards, et l’huissier de trouvant absent.

J’ai l’honneur de vous transmettre mon information et le rapport du docteur Dutheillet sur notre affaire.

Bien que Gourserol n’ait pas avoué son crime, il a fait des aveux qui, étant donné les détails dans lesquels il est entré, et l’assez triste réputation dont il jouit, ne laissent aucun doute sur sa culpabilité, atténuée peut-être par les attitudes douteuses de la victime qui m’a semble passablement pervertie malgré son jeune âge.

Daignez agréer …

Le juge de paix DELASSIS

Le juge d’instruction demande un mois plus tard un complément d’enquête auprès de l’entourage de l’accusé et de la victime ; il s’agit de déterminer d’éventuelles circonstances atténuantes.

Guillaume Bessade 17 mars 1881

Guillaume Bessade, âgé de quarante un ans, fermier demeurant au lieu de l’Etang de Perpillou, commune de Linards

Je suis allé travailler dans le courant de janvier une dizaine de jours chez Gourceirol, j’y passais la veillée, j’ai vu souvent la petite Lagrange y venir ; un soit entre autres, elle porta des pommes qu’elle donna à Gourceirol. Je lui en demandai et elle me dit qu’il n’y en avait que pour Gourceirol. Je ne sais pas si c’est ce même jour, mais un soir, comme la petite Lagrange agaçait vivement Gourceirol, se mettant sur ses genoux et le chatouillant. La femme Gourceirol dit à la petite Lagrange " Je crois que tu me feras porter les cornes . " La petite Lagrange lui répondit " Quand on s’aimerait, on ne fait pas connaître qu’on s’aime. ", à quoi la femme Gourceirol répliqua " il y en a de plus grandes que toi qui ne sauraient pas si bien dire. " Gourceirol dit à ce moment là pour se moquer sans doute " Il n’est pas dommage qu’on s’aime avec toi " ; ils n’ajoutèrent rien plus et je me retirai. Chaque fois que j’y ai trouvé la petite Lagrange, je l’ai vu agacer Gourceirol, et plusieurs fois se mettre sur ses genoux et l’embrasser sans que Gourceirol l’ait attaquée. Je n’ai pas vu autre chose, mais je puis dire que je n’ai pas une bonne opinion de cette petite que j’ai trouvée bien avancée pour son âge.

Lecture faite … ne sait signer.

Martial Sarre 17 mars 1881

Martial Sarre, âgé de douze ans, sans profession, demeurant à Paugnat commune de Linards

Je suis allé plusieurs fois chez Gourceirol, nous y étions plusieurs, Gourceirol s’amusait avec nous, j’ai vu à plusieurs reprises la petite Lagrange s’approcher de Gourceirol et prendre son chapeau qu’elle mettait derrière elle, nous disant de ne rien dire ; quand Gourceirol s’approchait pour le prendre, elle le lui jetait à la figure, mais ils faisaient cela pour rire, je les ai vu souvent à côté l’un de l’autre, la petite Lagrange lui faisait le chatou et Gourceirol lui disait de finir ; je ne les ai jamais vus dans les champs se jeter par terre et plaisanter entre eux, pas plus que je n’ai vu la petite Lagrange fermer ledit Gourceirol dans les étables.

Lecture faite … ne sait signer.

Marie Sarre 17 mars 1881

Marie Sarre, âgée de huit ans, sans profession, demeurant à Paugnat commune de Linards

Je suis allée assez souvent veiller chez Gourceirol, la petite Lagrange y était, elle y venait souvent, je l’ai vu jeter des pommes dans la soupe de Gourceirol, qui ne disait rien ; je l’ai vu plusieurs fois aussi se mettre sur les genoux de Gourceirol, le prendre par le cou et l’embrasser, du reste elle était toujours après lui à lui faire le bechou et le chatou, c’était toujours elle qui commençait et je n’ai jamais vu Gourceirol se mettre après elle, je n’ai jamais vu la petite Lagrange lui prendre son chapeau et l’enfermer dans ses étables, pas plus que je ne les ai jamais vus ensemble dans les champs.

Lecture faite … ne sait signer.

Marie Gourcerol 17 mars 1881

Marie Gourserol, âgée de trente sept ans, épouse de Jean Sarre, maçon demeurant ensemble à Paugnat commune de Linards

Je sais que mes enfants aussi bien que ceux du village se rendaient assez souvent chez Gourceirol dont les siens sont très convenables, il aimait beaucoup les enfants et était très familier avec eux, mais je ne sache pas qu’il ait été plus familier avec la petite Lagrange qu’avec d’autres, au contraire j’ai été témoin quelquefois qu’il se moquait d’elle et qu’il poussait les autres à la pailler, et je n’ai jamais vu la petite Lagrange ni chatouiller Gourceirol ni lui prendre son chapeau ni le chatouiller, ni l’enfermer dans ses étables, en somme je n’ai jamais rien vu faire entre eux d’inconvenant. C’est tout ce que je sais.

Lecture faite … ne sait signer.

Léonard Bicaud 17 mars 1881

Léonard Bicaud, âgé de dix neuf ans, cultivateur demeurant à Paugnat commune de Linards

Je connais parfaitement Gourceirol, il aime à rire et à s’amuser avec tout le monde, même avec les enfants, je ne lui a jamais vu faire de mal, ni lui entendre dire de mal de qui que ce soit, c’est un homme très complaisant pour tous. Je ne lui ai jamais vu rien faire de particulier avec la fille Lagrange. Je n’ai pas vu non plus cette dernière agacer Gourceirol. Elle est très légère et étourdie, je ne l’ai pas vu prendre le chapeau de Gourceirol ni l’enfermer dans des étables. J’ai cependant bien vu la fille Lagrange jouer avec ses camarades, mais jamais je ne l’ai vu chatouiller Gourceirol et je ne lui ai jamais rien vu faire d’inconvenant.

C’est tout ce que je sais.

Lecture faite .. a signé BICAUD LEONARD

Le procureur cependant ne retient, en renvoyant Léonard Gourceirol devant les assises sous l’accusation de double attentat à la pudeur, que la circonstance aggravante de la minorité de la victime.

Acte d’accusation

Le procureur général,

Vu l’arrêt rendu par la chambre des mises en accusation de la cour d’appel de Limoges en date du 9 avril 1881 par lequel le nommé Léonard Gourceirol, âgé de 40 ans, propriétaire cultivateur, né le 25 décembre 1840, au village des Vergnes, commune de Glanges, canton de Saint Germain les Belles, …, demeurant au Barat, commune de Linards, a été renvoyé devant la cour d’assises de la Haute-Vienne,

Après un nouvel examen des pièces, expose qu’il en résulte les faits suivants :

Le huit janvier dernier, les époux Lagrange demeurant au village des Courbes, commune de Linards, partirent pour Saint-Méard, confiant à leur fille Anna dite Nanette, âgée de douze ans, la garde de leur maison. Le nommé Gourceirolle Léonard, un de leurs voisins, avait du les accompagner jusqu’à Linards. Lorsqu’il les crut partis, il se rendit chez eux et trouva Anna Lagrange, assise au coin du feu. Il s’approcha d’elle, la mit sur ses genoux, l’embrassa à plusieurs reprises, puis la prenant par le corps, il l’apporta sur le lit, et s’étendant sur elle, chercha à satisfaire sa passion ; malgré ses efforts il ne put vaincre la résistance de la fille Lagrange, qui à un certain moment se sentit mouillée entre les jambes. Un sr. Degeorges étant entré dans la maison, Gourceirol s’en fut.

Effrayée par les menaces de Gourceirol, Nanette Lagrange ne dit rien à ses parents ; ceux-ci cependant remarquèrent que leur fille marchait avec une certaine difficulté. Gourceirol chercha plusieurs fois à se trouver seul avec la fille Lagrange.

Le vingt février dernier, Lagrange était allé à la messe à Linards, sa femme se trouvait à peu de distance de la maison, la fille Lagrange était seule dans la maison. Gourceirol y entra, après avoir attentivement examiné si personne ne l’examinait, il voulut la porter sur le lit, elle résista, il l’appuya sur la huche à pain, releva ses jupons, déboutonna son pantalon. A ce moment la femme Lagrange entra. Il lui raconta que pour s’amuser, il avait voulu s’emparer d’un pot de pommade qu’Annette avait caché sous ses jupons. Après son départ, la femme Lagrange interrogea sa fille qui lui fit en pleurant le récit des attentats dont elle avait été victime.

L’examen médico-légal a établi qu’Annette Lagrange n’avait pas été déflorée, mais qu’elle souffrait d’un écoulement, mais purulent, que l’on ne peut attribuer qu’aux agissements et aux pressions exercées sur les parties génitales.

Gourceirol a reconnu en partie les faits qui lui sont reprochés, il prétend avoir été provoqué par la jeune Anne Lagrange dont les allures fort libres et l’intelligence développée sont celles d’une fille plus âgée qu’elle ne l’est réellement.

En conséquence Léonard Gourceirol est accusé d’avoir :

1° Le huit janvier 1881, au lieu des Courbes, commune de Linards (Haute-Vienne), commis un attentat à la pudeur, consommé ou tenté avec violence sur la personne d’Anna dite Annette Lagrange.

Avec la circonstance aggravante que ladite Anna Lagrange était alors âgée de moins de 15 ans.

2° Le vingt février 1881, au même lieu, commis un attentat à la pudeur, consommé ou tenté avec violence sur la personne d’Anna dite Nanette Lagrange.

Avec la circonstance aggravante que ladite Anna Lagrange était alors âgée de moins de quinze ans.

Crimes prévus par l’article 332 du code pénal.

Au parquet de la cour d’appel de Limoges, le 13 avril 1881

Le 17 mais 1881, Léonard Gourceirol est condamné à deux ans de prison.

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