La Province - Courrier de Limoges
Année 1851


Samedi 6 décembre 1851
La Province, 7 décembre 1851     CHRONIQUE LOCALE.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
Liberté, Egalité, Fraternité.
Le Préfet, aux habitants de la Haute-Vienne.

 Des anarchistes s'étaient portés dans les communes rurales pour y semer l'alarme. Déjà ils proféraient d'effroyables clameurs ; ils sonnaient le tocsin, prélude de tant de crimes. Ils couraient à travers les campagnes armés de fusils, de haches, de fourches et de faulx. Leur nombre s'élevait à près de cent cinquante. 
 Aussitôt que cette nouvelle est parvenue à la connaissance de l'autorité, il a été envoyé de Limoges cinquante hussards et six gendarmes, sous la direction du commissaire central. Le détachement a atteint les anarchistes à Linards et les a immédiatement mis en déroute. Trois coups de feu sont partis de la bande sur les hussards. Ceux-ci ont riposté par une vigoureuse décharge. Sept insurgés ont été blessés, dont deux assez gravement à la tête.
 Le sergent-de-ville Blanchard en a blessé un autre d'un coup de sabre au moment où il couchait en joue un militaire.
 M. Ruchaud, curé de St-Bonnet, a marché contre ces brigands à la tête de vingt-deux paysans armés pour la défense de l’ordre.
 Ce brave et digne ecclésiastique n’a pas pâli devant un canon de fusil tourné contre lui ; il a donné un de ces nobles exemples auxquels applaudira tout homme qui porte un noble cœur.
 Le rapport du commissaire central, daté du 6, à neuf heures du soir, me fait connaître qu’on a opéré trente arrestations et que ce matin on doit en faire de nouvelles. On a saisi des fusils, des balles, des cartouches, des couteaux-poignards.
 Les hussards, la gendarmerie ont déployé une grande énergie. Le commandant du détachement, le lieutenant Renevey, a montré une extrême vigueur et une admirable intrépidité dans l’attaque.
 M. le commissaire central a agi avec beaucoup de résolution et de sang-froid, et il a conduit cette affaire avec une activité qui en a assuré le succès.
 Hâtons-nous d’ajouter que l’appel à l’anarchie est repoussé par la très grande majorité des braves habitants des campagnes, qui veulent l’ordre, la paix et le travail, et non la spoliation et le brigandage. Aussi accueillait-on avec sympathie le détachement qui se portait à la poursuite des insurgés.
 Si quelques misérables rêvaient un bouleversement anarchique dans notre pays, la vigoureuse répression que cette tentative vient de subir, les condamnations qui frapperont bientôt les coupables, en préviendront à jamais le retour.
 M. le procureur de la république et M. le juge d’instruction sont partis hier soir, accompagnés de quelques gendarmes, pour suivre l’instruction de ce commencement d’une véritable jacquerie, qui aurait pu devenir grave si elle n’avait été promptement et énergiquement réprimée.     E. DE MENTQUE.
 Limoges, le 7 décembre 1851, à six heures du matin.

9 décembre 1851
Ce matin, un détachement de hussards, précédé du brigadier de gendarmerie Monsour, a amené dans les prisons de Limoges cinq insurgés de Linards. Bouneix était au nombre des transférés. L’instruction relative aux troubles de cette localité se poursuit sous l’active direction de M. Péconnet à la cour d’appel. On procède à de nouvelles arrestations.
Mercredi 10 décembre 1851
La police a encore mis la main sur un des insurgés de Linards. Par ses soins, le nommé Gourdy, dit Têtu a été arrêté samedi au village de Beaumont, commune de St-Paul.
Vendredi 12 décembre 1851
Bouneix, le chef de l’insurrection de Linards, qui a été arrêté par le maire et les habitants de Saint-Vitte, et transporté à la maison d’arrêt de Limoges, a été frappé d’aliénation mentale. Il a dû être transféré à l’asile des aliénés. Voilà donc où conduisent les exaltations fiévreuses de la démagogie.
Samedi 13 décembre 1851
Par arrêté du préfet :
M. Fougère est nommé maire de Linards, en remplacement de M. Relier.
M. Villette est nommé adjoint de Linards en remplacement de M. Deveau.
Vendredi 19 décembre 1851
NOUVEAUX DÉTAILS SUR L’INSURRECTION DE LINARDS.
 Dans le récit qui a été fait, il y a quelques jours, de l’horrible complot de St-Paul et Linards, et dont le but était d’amener des bandes armées sur Limoges, comme tous les faits n’étaient pas bien connus, on n’a peut-être pas bien fait ressortir, ainsi que le veut la vérité, le courage déployé par plusieurs personnes, dont les noms devront être cités avec éloge, on peut même dire avec admiration. Nous parlerons d’abord des deux gendarmes de la brigade de Châteauneuf, Mazaud et Monteil, qui pendant plus d’une heure, ont opposé une résistance, en même temps calme et énergique, à une bande de forcenés, qui ont plusieurs fois menacé leur vie sans les faire reculer. Qui ne rendrait hommage à un tel sang-froid dans un danger imminent ? Nous aimons à parler à nouveau de l’admirable intrépidité du détachement de hussards et surtout de leurs officiers, MM. Renevey et Beauregard. La population de Linards ne parle qu’avec enthousiasme du lieutenant Renevey qui apporte à s’effacer tout le soin que d’autres pourraient mettre à se faire valoir.
 Parmi les habitants de Linards, MM. Fougère, Noualhier, Rougier père et Villette ont également fait preuve du plus remarquable courage. Ils se sont joint aux deux gendarmes pour défendre la paix publique au péril de leur propre existence, et fait arrêter les insurgés dans leur criminelle tentative ; ils ont fait tête à des gens furieux, armés de pistolets, de couteaux, de piques, de haches, et quelques-uns de fusils. Le chef de la bande, l’infâme Bouneix, fit charger les armes pour faire reculer les deux gendarmes et les braves citoyens qui leur venaient en aide. Devant un tel danger ils ne reculèrent pas. Cependant l’attroupement était trop considérable pour pouvoir être arrêté dans sa marche par une force si insuffisante. Le bourg est envahi, le tocsin sonne. De quels désastres pouvait-il être le signal ? Dieu seul le sait ! Mais heureusement que c’est dans ce moment-là même qu’arrivèrent à fond de train les braves hussards envoyés en toute hâte par le préfet, qui mirent en déroute les insurgés avec le concours du commissaire central, en firent une bonne partie prisonniers, et rendirent la sécurité à la population épouvantée.
 Nos lecteurs savent que les magistrats instructeurs ne tardèrent pas à se rendre sur les lieux, et qu’aujourd’hui plus de cinquante des misérables plus ou moins compromis dans le complot sont sous les verrous. On a déjà rendu hommage à la résolution énergique du digne curé de St-Bonnet, M. Ruchaud ; mais on n’a pas encore parlé, parce que ce détail était ignoré, d’un modeste facteur, le sieur Thomas, qui a refusé de livrer ses dépêches au péril de sa vie, et qui a répondu à Bouneix, qui lui portait un pistolet sous la gorge : « Quoi que vous fassiez, vous n’aurez pas mes lettres. » Il s’est ensuite joint aux hommes qui ont protégé la paix publique.
 Ce courageux agent de l'administration des postes a été proposé par M. le préfet pour une médaille d’honneur de première classe, et ce magistrat a déjà accordé une gratification.
 Que ces détails, puisés à des sources certaines, soient à la fois un terrible avertissement des horreurs de la démagogie et un exemple de la courageuse résistance opposée par d’intrépides soldats et par des citoyens bien résolus à combattre l’anarchie ; et que tous les hommes qui détestent de pareils forfaits, qui honorent de pareils exemples, se rallient résolument autour du drapeau de l’ordre, tenu d’une main si ferme par l’élu du 10 décembre.
 De quels effroyables désordres Louis-Napoléon ne nous a-t-il pas préservés !... (Communiqué)
Mardi 23 décembre 1851
Résultat général du vote des 20 et 21 décembre 1851
(En 1848 Louis-Napoléon Bonaparte avait obtenu 53500 voix,
en 1851 il a 55267 oui, 4902 non, 231 nul, sur 82628 inscrits.)
Linards Canton de Châteauneuf
Inscrits 496 2959
Votants 363 2146
Oui 362 2091
Non 0 51

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