La Province - Courrier de Limoges
Année 1868

 
Vendredi 8 mai 1868
COUR D’ASSISES DE LA HAUTE-VIENNE
Présidence de M. ARDANT, Conseiller
Audience du 7 mai 1868
VOL – CONDAMNATION – L’acte d’accusation établit les faits suivants :
Un vol relativement considérable fut commis, dans la soirée du 25 février dernier, au préjudice du nommé Demerliac (Pierre), boulanger à La Croix-Ferrée, commune de La Geneytouse, arrondissement de Limoges. Une somme qu’il évalue à 250 ou 300 fr. fut soustraite dans le tiroir d’une commode dont on força la serrure ; on lui enleva un revolver, des souliers, du linge et un coupon de toile mesurant deux mètres. Trois mouchoirs furent pris dans une malle non fermée appartenant au domestique ; on retrouva sur l’appui d’une fenêtre par laquelle l’auteur de ces vols avait pénétré dans la maison et par laquelle il en était sorti, une pièce de toile mesurant douze mètres, un parapluie appartenant à la servante et une paire de bottines appartenant à Demerliac.
Demerliac était allé, vers les six heures du soir, avec sa famille et ses domestiques, dîner chez son père, dont l’habitation est située à une distance d’environ quatre-vingt mètres de la sienne, et c’est lorsque, vers les huit heures et demi du soir, sa femme rentra à son domicile avec ses enfants et ses domestiques, qu’on constata l’invasion dont il avait été l’objet durant leur absence.
Il fallait que le voleur eut la connaissance parfaite des habitudes de la famille Demerliac, selon lesquelles elle allait chaque année dîner le jour du mardi-gras chez le père de Demerliac, et celle de l’intérieur de la maison, pour s’y présenter à cette heure avec la presque certitude de la trouver déserte et arriver jusqu’à la cuisine, où se trouvait la caisse des recettes, à travers les diverses pièces qui précédaient cette cuisine et les obstacles qu’il a rencontrés.
Aussi Demerliac n’hésita pas à communiquer au commissaire de police de Saint-Léonard les soupçons qu’il avait à l’endroit d’un de ses anciens garçons, le nommé Sautour (Auguste), employé alors chez un boulanger de Limoges, rue des Petites-Maisons.
Sur cette indication, l’un des commissaires de Limoges se transporta à la boulangerie désignée, et y trouva, en effet, Auguste Sautour. Il y apprit que celui-ci avait demandé à son patron la permission d’aller faire son carnaval chez son père ; qu’il était parti, en effet, le 25 février après midi, avec 10 fr. qu’il s’était fait avancer, et n’était rentré chez son maître que dans la matinée du 27.
Sautour expliqua par le même motif son voyage à Linards.
Une perquisition fut faite immédiatement dans sa chambre et rien de suspect n’y fut découvert ; mais une malle qui s’y trouvait et qui était fermée à cadenas fut désavouée par Sautour pour lui appartenir. Sur l’assertion contraire du sieur Téty, il fut obligé de l’ouvrir, et alors on y trouva une somme de 150 fr., composée en partie de la monnaie que Demerliac avait signalée dans sa plainte. On y retrouva le revolver et les autres objets également dénoncés.
En présence de ces constatations, Sautour fut contraint à reconnaître qu’il était l’auteur du vol commis à La Croix-Ferrée, au préjudice de Demerliac. Ses aveux ont été complets.
Le jury a rendu sur le fait principal reproché à l’accusé et sur trois des circonstances aggravantes relevées dans l’instruction, un verdict affirmatif, mitigé par l’admission des circonstances atténuantes. En conséquence, la cour a condamné Sautour à trois années d’emprisonnement.
Ministère public, M. Villetard de Laguérie, avocat général ; - défenseur, M° Chaussade.
M° Chaussade, avocat stagiaire à Paris, est originaire du Limousin. Une circonstance imprévue lui a fourni l’occasion de venir débuter devant la cour d’assises de la Haute-Vienne. S’il a été heureux du hasard qui le ramenait à cette occasion dans la ville où il a passé son enfance, nous avons eu, de notre côté, grand plaisir à l’entendre. Le crime qu’il défendait était avoué et ne comportait aucune discussion. Mais, si nous n‘avons pu juger le talent de M. Chaussade à ce sujet, nous avons remarqué chez lui une grande clarté, un style très pur et un heureux choix d’expressions. L’émotion qui avait un peu altéré le timbre de sa vois disparaîtra peu à peu, et on appréciera d’autant mieux le mérite de ses plaidoiries.
Mardi 10 novembre 1868
Récompenses aux instituteurs : Prix du département : … Debord, instituteur public, Linards

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