Le Courrier du Centre
Année 1885
Lundi 23 février 1885
On nous écrit de Châteauneuf :
Des malfaiteurs ont enlevé, dans la nuit du 18 au 19 février courant, un millier environ de nourrains de carpes que le sieur Villette, propriétaire à Linards, avait placé dans son réservoir.
Malgré d’actives recherches faites par la gendarmerie, prévenue immédiatement, les voleurs n’ont pu être encore découverts.
M. Villette évalue à 150 fr. la perte que lui cause ce larcin.
On nous écrit de Châteauneuf, le 21 février :
Dans la soirée du mardi-gras, la foudre est tombée sur une maison du village de Sous-le-Croux, commune de Linards et y a mis le feu.
Le locataire, le sieur Léonard Dublondet, était absent se son domicile à ce moment, et se trouvait chez ses parents, au village du Buisson, chez lesquels il faisait son carnaval.
Ce sont les voisins qui ont combattu le fléau et ont sauvé une partie du mobilier. Une grange contiguë à la maison a pu être préservée.
Les dégâts non couverts par une assurance sont évalués à près de 5,000 fr., ils se répartissent entre le propriétaire, le sieur Léonard Delanne, et le fermier.
Lundi 2 mars 1885
Linards
A propos de l’incendie du village de Sous-le-Croup, nous recevons de M. le maire de Linards la lettre suivante :
Limoges, le 27 février 1885.
Monsieur le Directeur,
Le compte rendu de l’incendie survenu dans la commune de Linards, le 17 courant, et qui a paru dans votre numéro du 23, contient un oubli que j’ai le devoir de réparer.
Ce ne sont pas seulement les habitants du village de Sous-le-Croup, où a eu lieu le sinistre, qui ont fait leur possible pour combattre le fléau, mais aussi ceux des villages voisins, et notamment du bourg de Linards. Parmi ces derniers, je dois citer MM. Mounier, notre instituteur communal ; Ramadier, instituteur-adjoint ; Jaquet aîné, instituteur-adjoint à Saint-Bonnet-la-Rivière ; Jaquet jeune, élève de l’école normale ; Sautour, Crouzillat aîné, Denardou, Virole, Dubois et Martial Reilhac.
Dès qu’ils ont eu connaissance de l’incendie, ces braves citoyens n’ont pas hésité à se mettre en route, malgré un temps affreux, et de franchir en courant toujours par des chemins presque impraticables en cette saison, les 4 à 5 kilomètres qui séparent le bourg de Linards du village de Sous-le-Croup. La vérité est que les secours n’ont réellement été organisés qu’après leur arrivée et sous leur direction.
Je suis heureux d’avoir à signaler l’exemple donné en cette circonstance par M. Mounier, notre très digne instituteur ; sa conduite, d’ailleurs, ne surprendra aucun de ceux qui le connaissent, car partout où il y a un service à rendre, un devoir à remplir, on est certain d’y rencontrer M. Mounier.
Au moment où le sinistre a éclaté, ainsi qu’il est dit dans votre numéro du 23, le sieur Dublondet, fermier de la maison incendiée, faisait son carnaval chez son beau-père, le sieur Faure, au village du Buisson.
Quant au propriétaire de la maison, le sieur Delanne, lui aussi fêtait le carnaval, et cela au bourg de Linards, chez le sieur Jacques Castenot, son futur beau-père ; il a même eu l’air de vouloir suivre les courageux habitants du bourg de Linards, qui accouraient au sauvetage, mais à peine eut-il fait une centaine de pas qu’il s’arrêta court et tourna bride en disant : « il ne me paraît pas que ce soit à Sous-le-Croup, que le feu brûle ; je m’en retourne à table », et il ne songea plus à l’incendie, dont il n’eut la connaissance réelle que le lendemain à 4 heures, quand le sieur Virolle, domestique de M . Villette, de retour du sauvetage, le fit sortir du lit et lui raconta ce qui venait de se passer.
Agréez, etc.
Le maire de Linards, Ledot
Lundi 9 mars 1885
Linards
Nous recevons la lettre suivante :
Linards, le 5 mars 1885.
Monsieur le Directeur, si la lettre de M. le maire, lettre que vous avez inséré lundi dernier, sous cet intitulé « Linards », lieu dont je m’honore d’être natif, et où mon cœur est associé d’avance à tout ce qui peut l’honorer, si la lettre de M. le maire, dis-je, n’avait eu d’autre but que de louer la valeur de mes concitoyens, j’aurais été le premier à l’en féliciter et à m’en féliciter moi-même.
Mais M. le maire ne s’est point borné à cela, malheureusement pour moi. En exaltant le caractère des uns, il a vraiment trop humilié celui des autres, et c’est parce que sa lettre, rendue publique, contient à mon égard et à celui de mes voisins de propriété, qui, comme moi, ont le sentiment du devoir et qui comme moi ont la conscience de ne pas y avoir failli, des imputations ou insinuations mal fondées que je réclame de votre équité le droit de relever l’erreur, là où l’erreur a été commise, et de repousser l’injure, là où l’injure a été lancée.
M. le maire s’est donné la peine sans doute de vous présenter lui-même, car sa lettre est datée de Limoges (1), l’écrit dans lequel il apprécie si faussement ma conduite. Je vous prierai de m’excuser si je ne l’imite pas en cela, et j’ose espérer que vous me permettrez de lui répondre, par l’organe de votre estimable journal, du bourg de Linards où je réside, ces seuls mots, qui, sans manquer aux égards dus à la fonction dont il est revêtu, contiennent l’expression de la plus franche vérité.
M. le maire a-t-il toujours été aussi empressé, j’ai le droit de le lui demander, à s’occuper de moi dans les choses qui m’intéressent ? Etait-il aussi diligent le jour où ayant, comme officier de l’état-civil, le devoir de célébrer à la maison commune, ou d’y laisser célébrer par un délégué du conseil, mon mariage avec ma cousine germaine dont le père, bien que pensionné par l’Etat pour des raisons politiques, n’en est pas moins digne d’intérêt, il s’est obstinément refuser à procéder ou à laisser procéder à cette célébration, sans donner d’autre raison que celle-ci : « J’ai le droit de faire chez moi les mariages ; celui-là se fera à mon domicile ou ne se fera pas. » Est-ce parce que fort du droit et de la loi qui étaient pour moi, je me suis avisé de me récrier et de me plaindre qu’il m’adresse par l’organe du Courrier du Centre des gracieusetés de ce genre :
« Le sieur Delanne fêtait le carnaval, et cela au bourg de Linards, chez le sieur Jacques Castenot, son futur beau-père ; il a eu l’air de vouloir suivre les courageux habitants du bourg de Linards, accourus au sauvetage, mais à peine eut-il fait une centaine de pas qu’il s’arrêta court et tourna bride en disant : « Il ne me paraît pas que ce soit à Sous-le-Croup (c’est à dire chez moi), que le feu brûle ; je m’en retourne à table », et il n’eut la connaissance réelle de l’incendie auquel il ne songeait plus, que le lendemain, quand le sieur Virolle, domestique de M . Villette, de retour du sauvetage, le fit lever du lit et lui raconta ce qui venait de se passer. »
A cela je réponds : « N’est-il donc pas permis à de pauvres gens, qui font maigre Dieu merci assez souvent, de fêter, pour me servir de l’expression de M. le maire, le carnaval ?… N’avais-je pas le droit, le devoir même de manger ce jour-là chez mon plus proche parent, chez mon oncle, un frère de ma mère, qui m’a servi de père, car j’ai perdu mon père depuis longtemps. N’avais-je pas le droit, sans violer les lois de l’honnêteté et des convenances, de coucher sous son toit ? » Ah ! Si M. le maire s’en était tenu à ces plaisanteries, d’un goût douteux peut-être, je lui aurais volontiers pardonné ; mais ce que je ne lui pardonne pas, ce que je ne saurais lui pardonner, ce n’est pas le défaut d’esprit qu’il me reproche en me comparant par ces mots : il tourna bride, à certains animaux qui n’ont point reçu l’intelligence en partage ; c’est ce manque de cœur qu’il m’attribue à tort ; c’est ce langage de l’égoïste, qui n’a des jambes que pour voler à son propre secours, contre lequel je proteste, et je mets M. le maire au défit de me prouver que j’ai prononcé ces paroles qu’il me prête, paroles affreuses, abominables dans une bouche, paroles indignes de tout bon citoyen : « Puisque ce n’est pas chez moi que le feu brûle, je m’en retourne à table. »
Je suis revenu sur mes pas, je le reconnais, mais si j’ai fait cela, c’est que j’ai cru et avais des raisons pour croire à une fausse alerte ; c’est que sur le chemin que je suivais, car M. le maire veut bien m’accorder ceci, d’être sorti et d’avoir fait un bout de chemin, j’ai rencontré de nombreux habitants du bourg qui m’ont dit : « Nous avons beau regarder, nous ne voyons rien ; si le feu était dans la commune nous l’apercevrions. » Et j’ai fait comme ces braves gens, je me suis retiré, jugeant comme eux inutile d’aller plus loin. Et voilà pourquoi M. le maire me représente dans la lettre en question comme un égoïste, esclave de sa bouche, alors que ne suis et ne veux être qu’esclave de mon devoir, quand je verrai et saurai qu’il y a quelque part pour moi un devoir quelconque d’humanité ou autre à remplir.
Persuadé d’avance que vous insérerez la défense comme vous avez inséré l’attaque, je vous prie d’agréer l’expression de toute la reconnaissance et de tout le respect avec lesquels j’ai l’honneur d’être M. le directeur, votre très humble serviteur.
DELANNE
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(1) Contrairement à ce que semble croire notre correspondant, la lettre de M. Ledot nous est parvenue par la poste. C’est donc par suite d’une erreur d’impression que Limoges a été substitué à Linards.
Lundi 20 avril 1885
Tribunal civil de Limoges
UNE CURIEUSE AFFAIRE
Le tribunal avait à s’occuper à l’audience d’hier d’une affaire peu ordinaire. Un bon propriétaire du canton de Châteauneuf avait promit sa fille à quelque gars conséquent des mêmes parages. Il s’agissait d’un mariage purement civil.
Le secrétaire de la mairie puis le maire en étaient prévenus, ce dernier avait même fait préparer les actes de l’état-civil afin, dit-il, de ne pas faire attendre les nouveaux époux. Et pourtant semble-t-il, les intéressés anticipant sur les plaisirs de la « noce », s’étant sans doute attardés dans quelque auberge, auraient trouvé visage de bois à leur arrivée à la maison commune. On serait alors allé chez M. le maire qui aurait refusé de marier ce jour-là ailleurs que chez lui et à son heure, n’étant pas « le domestique de ses administrés. »
Très piqués, les gens de la noce prétendaient être mariés à la mairie. Le maire, de son côté, n’en démordait pas.
La question ainsi nettement posée de part et d’autre, il fallut se livrer à des manœuvres diplomatiques. On se plaignit, on échangea des propositions, on négocia et naturellement on perdit un temps précieux.
Cependant le promis étant comme de raison auprès de sa promise, en proie à toutes les émotions qu’on peut imaginer, la foudre tomba sur sa maison insuffisamment assurée et son pécule devint la proie des flammes. Soit dit en passant, ses économies étaient enfouies dans un tas de blé noir ; singulier placement ! Donc son argent fut perdu et le malheureux en fut bien marri.
Bien marri aussi fut le futur beau-père qui montre depuis lors pour ce mariage beaucoup d’hésitation et de froideur. D’aucuns prétendent que tout est rompu. En tout cas, le maire, cause de ce contretemps, s’est vu actionner en 20,000 francs de dommages intérêts.
L’avocat demandeur, M° Chaussade, nouvellement réinscrit au tableau de l’ordre, dans une plaidoirie pittoresque, a invoqué pour justifier sa demande, le préjudice souffert, tant moral que matériel : union de deux cœurs manquée … impatiences légitimes cruellement déçues, et, à un autre point de vue, festins et réjouissances pantagruéliques dépensés en pure perte par les deux familles, dont les principaux membres, « cuirassiers de l’estomac, véritables vieux de la vieille », auraient accompli ainsi mal à propos de véritables prouesses gastronomiques, admirables devant ces repas sans fin !… Que sais-je encore …
M° Chouffour, pour le défendeur, a plaidé qu’un maire ne saurait être à la merci du caprice de ses administrés et que son client n’a manqué en rien au devoir imposé par ses fonctions.
Nous ne savons qu’elle sera la décision du tribunal qui a mis l’affaire en délibéré. En tous cas, nous ne manquerons pas de la faire connaître à nos lecteurs.
Lundi 11 mai 1885
Suspension d’un maire.
M. le préfet de la Haute-vienne vient de prendre l’arrêté suivant :
Attendu que dans un but purement vexatoire, M. Ledot, maire de Linards, a, par des exigences ou procédés illégaux, empêché deux fois, les 27 janvier et 25 avril dernier, la célébration d’un mariage.
Vu l’article 86 de la loi du 5 avril 1885.
Arrête :
Article 1° - M . Ledot, maire de Linards, est suspendu de ses fonctions.
Art. 2 – M. le secrétaire général de la préfecture est chargé de l’exécution du présent arrêté.
Samedi 30 mai 1885
Certificat d’étude à Châteauneuf
13 garçons reçus sur 20, 5 filles sur 8. Dont de Linards : Arsène Guilhem, Blaise Sautour, Léonard Ruchaud, Pierre Janicot, Léonard Gilles, Antoine Lafaye
Mardi 9 juin 1885
Accident de cheval
On nous écrit de Châteauneuf, le 7 juin :
Hier soir, vers six heures, un sieur Léonard Dunaud, âgé de 53 ans, propriétaire à Sautour-le-Grand, commune de Linards, regagnait son domicile, tirant par la bride un cheval qu’il avait acheté dans la journée, lorsqu’il voulut essayer de monter sur l’animal.
A peine ce dernier avait-il fait quelques pas, qu’il désarçonnait son cavalier et l’envoyait rouler sur le sol.
Un M. Caffeaud, voyageur de commerce de la maison Guérin, de Limoges, passant à ce moment, releva le malheureux et le conduisit dans sa voiture à l’auberge Roubinet, où M . le docteur Tarrade lui prodigua ses soins.
Le sieur Dunaud se plaint de violentes douleurs dans l’estomac et à l’épaule gauche.
Mardi 16 juin 1885
Linards. Dimanche également on a procédé, à Linards, à la nomination du maire, en remplacement de M. Ledot, révoqué. M. Gavinet, adjoint, a été nommé.
Le conseil municipal devra se réunir à nouveau prochainement, afin de nommer un adjoint en remplacement de M. Gavinet. 
Dimanche 28 juin 1885
Linards. M. Joseph Crouzillac a été élu adjoint de la commune de Linards en remplacement de M. Gavinet qui a été élu maire précédemment.
Samedi 11 juillet 1885
Accident
On nous écrit de Linards, le 9 juillet :
Un accident, qui heureusement n’aura pas de suites graves, est arrivé le jour de la foire de notre ville.
Le nommé Fressingeas était entré dans une auberge pour se rafraîchir, lorsqu’à un certain moment il prit une bouteille de bière par le cou et eut l’idée incompréhensible d’en frapper la table de toutes ses forces.
Naturellement la bouteille se brisa et un éclat de verre vint atteindre l’imprudent au poignet.
Le malheureux dut faire neuf kilomètres pour aller se faire soigner à La Croisille.
Grâce aux soins intelligents de M. le docteur Blanc, Fressingeas est aujourd’hui à peu près rétabli, et il pourra reprendre son travail après quelques jours de repos.
Mercredi 12 août 1885
Accident de voiture
On nous écrit de Linards, 10 août 1885 :
Comme vous l’avez si souvent écrit dans votre estimable journal, les pieux des charrettes constituent un grave danger pour les agriculteurs, mais il n’en existe pas un moins grand pour les rouliers. Je veux parler du siège suspendu au brancard en avant de la roue (autrement dit porte-fainéant).
Hier, 9 du courant, vers cinq heures du soir, le nommé Léonard Crouzillas, de Linards, âgé de 18 ans, revenait de Limoges avec une lourde charrette attelée de trois chevaux. Arrivé près de Saint-Hilaire, le jeune homme voulut s’asseoir sur le siège susdit ; mais soit que la chaleur eût dilaté les cordes qui suspendent ce siège, soit que celles-ci eussent été dérangées par toute autre cause, le porte-fainéant céda sous le poids du jeune roulier qui tomba sur la route, et la roue de la charrette lui passa sur la jambe, la hanche et la main droite, lui fracturant la cuisse et lui écrasant deux doigts.
Heureusement que d’autres charretiers se trouvaient à proximité du lieu de l’accident et qu’ils purent porter secours à l’infortuné Crouzillas, qu’ils déposèrent dans une auberge de Saint-Hilaire, où M. le docteur Filhoulaud, de Pierre-Buffière, lui a prodigué des soins diligents.
Malgré les graves blessures qu’il a reçues, on ne pense pas que les jours du jeune Crouzillas soient en danger.
Mardi 20 octobre 1885
Elections législatives du 18 octobre 1885
Linards : inscrits : 569, votants : 405
Perin : 282, Lamazière : 282, Pressat : 282, Ranson : 282, Planteau : 280, de Léobardy : 121, Delille : 116, Demonts : 120, Noualhier : 118, Frebault : 109

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