Le Courrier du Centre
Année 1898


Mercredi 12 janvier 1898
Vol. La gendarmerie a ouvert une enquête au sujet d’un vol de différents objets commis au préjudice du sieur Louis Bernard, conducteur de voitures à Linards. Le vol aurait été commis le 20 décembre dernier. L’individu soupçonné serait un voyageur qui se trouvait dans la voiture le jour de la constatation du vol. 
Mardi 18 janvier 1898
Chute dans un puits. Une dame Château, en se penchant sur un puits, profond de dix mètres, que nettoyait le sieur Arnaud, perdit l’équilibre et tomba au fond. Aux cris poussés par elle et par Arnaud, des voisins accoururent et, après bien des efforts, les retirèrent.
Le Dr Tarrade a constaté de nombreuses contusions, mais sans danger, sur la personne de la dame Château. Quant à Arnaud, ses blessures occasionnées par la chute de celle-ci sont insignifiantes. 
Vendredi 11 février 1898
Conférence agricole. Le dimanche 13 février à 11 h ½ M. Reclus, professeur départemental fera, à Linards, une conférence publique d’agriculture. 
Vendredi 25 février 1898
Accident. Le jeune Lagarde, âgé de deux ans, en s’amusant avec du papier enflammé, dimanche dernier, s’est brûlé à la figure et sur certaines parties du corps.
Les brûlures seraient assez graves, paraît-il.
Lundi 28 février 1898
Vol. Le sieur Hernando, journalier, a porté plainte, à la mairie, pour vol d’outils commis à son préjudice, lundi dernier.
Le vol a eu lieu pendant son absence, dans une carrière, où on l’occupait.
Samedi 5 mars 1898
Association des membres de l’enseignement. Parmi les pensionnés M. Mounier, directeur d’école à Linards.
Mardi 6 mars 1898
Un exemple à suivre. On nous écrit : Monsieur le Directeur du Courrier du Centre.
De sincères républicains de Linards croiraient manquer à leur devoir en laissant dans le silence la conduite politique d'un jeune de leurs compatriotes M. Hippolyte Villette ; c’est pourquoi monsieur le directeur, ils ont l’honneur d’avoir recours à votre estimable journal pour mettre en lumière ce que notre jeune ami a tenu à garder caché jusqu’à aujourd’hui.
Rentré récemment du régiment, M. Hippolyte Villette s’est bien vite aperçu que son premier devoir était de chasser à tout jamais le radicalisme qui opprime depuis trop longtemps notre commune ; de la pensée à l’action, il n’y a pas eu d’hésitation, il s’est mis aussitôt en campagne. Qu’a-t-il fait, qu’a-t-il dit ? C’est ce que nous allons relater.
Ce qu’il a fait ? Il s’est donné la peine de visiter tous les villages et là, chaque dimanche, par ces longues soirées d’hiver, il a fait des réunions où il a obtenu partout le plus grand et le plus légitime succès.
Ce qu’il a dit occuperait trop de place dans vos colonnes, nous nous bornerons à en faire un résumé succinct.
M. Villette n’a pas l’intention de s’intituler orateur : « Ce n’est pas, dit-il, lorsqu’on parle pour la première fois en public qu’on doit qualifier sa causerie de discours. » Cependant, nous qui l’avons écouté, nous ne craignons pas de dire qu’il est bien rare d’entendre exprimer des idées politiques aussi claires, aussi nettes, aussi fermes par un jeune homme de vingt-six ans.
Après ce début, rempli de dédain pour la vanterie, M. Villette a traité partout des sujets intéressant les paysans : un jour la crise agricole avec les efforts du ministère Méline pour y remédier ; un autre c’est le paysan d’autrefois comparé au paysan d’aujourd’hui ; un autre c’est la race bovine limousine et ses différents succès bien mérités, en un mot autant de questions dont nos braves campagnards ont su comprendre tout l’intérêt.
De là pour aborder la politique, la transition est bien naturelle : le collectivisme avec la suppression de la propriété en tient lieu et la critique de ces utopies n’est qu’un jeu pour notre jeune ami qui en démontre toute l’absurdité.
A côté des socialistes se placent les radicaux avec leur fameux programme : « Révision de la Constitution, Impôt sur le revenu, Séparation de l’Eglise et de l’Etat », trois tremplins électoraux dont se servent les surenchérisseurs de la République et qui ne feront qu’enfoncer encore davantage ce parti perdu sans espoir.
Reste les républicains modérés ; c’est pour eux qu’on devra voter, c’est à eux qu’on devra donner toute sa confiance, car ce sont les seuls qui peuvent conserver la République : témoin la stabilité du ministère Méline. Nous avons un député dont l’éloge n’est plus à faire, pourquoi le laisser pour courir après un autre ?
Pour ne pas abuser de l’amabilité de vos lecteurs, nous ne nous étendrons pas davantage sur notre compte-rendu, mais qu’il nous soit permis de féliciter M. Hippolyte Villette de sa conduite et de son ardeur ; du reste, devant les nombreuses manifestations sympathiques qui s’élèvent de tous côtés, il ne doit douter de l’avenir et les radicaux qui commencent à être clairsemés à Linards doivent se livrer à de tristes méditations sur la phrase de Daudet :
« Il fait bon s’asseoir devant la gamelle de la popularité, mais aussi quel effondrement si elle vient à se renverser. »
Suivent un grand nombre de signatures
Vendredi 28 mars 1898
Un suicide. Le 19 avril, vers 4 heures du soir, le sieur Etienne Garat, âgé de 36 ans, s’est donné la mort dans son pré, en se coupant la gorge à l’aide de sa faux.
On attribue cet acte de désespoir à un accès d’aliénation mentale.
Un voisin accouru aux cris poussés par la victime n’a pu que constater la mort de Garat. La gendarmerie a été aussitôt prévenue.
Samedi 23 avril 1898
Châteauneuf. Comice agricole. Veaux étalons. 3ème prix, 100 fr., M. Ledot à Linards ; 5ème prix, 50 fr. M. Papounnaud, colon de M. de Landrevies à Linards. Mentions : M. Sautour à Linards, Ledot à Linards. Veaux de 6 mois à un an : 1er prix, 30 fr. et médaille, M. de Landrevies à Linards. Génisses de 6 mois à un an : 2ème prix, 20 fr., M. Sarre, colon de M. de Landrevies à Linards. Mentions : M. Ledot, M. Papounneaud. Vaches suitées : 4ème prix, 20 fr., M. Papounneaud, 6ème prix, 15 fr., M. Sarre, 7ème prix, 10 fr., M. Ledot. Race porcine. Verrats : 1er prix, 20 fr., M. Sautour à Linards ; 3ème prix, 10 fr., M. Papounneaud, 4ème, 5 fr., M. Ledot. Truies pleines : 1er prix, M. de Landrevies, 3ème prix, 10 fr., M. Cluzeaud à Linards. Race ovine. Béliers : 2ème prix, 10 fr., M. Belon, colon de M. de Landrevies à Linards. Brebis : 1er prix, 20 fr., M. Sarre, 3ème prix, 10 fr., M. Belon.
Mardi 10 mai 1898
Elections législatives. Linards : 699 inscrits, 586 votants, Gotteron : 127 voix, Patry : 375 voix, Treich : 23 voix, Tourgnol : 59 voix.
Samedi 14 mai 1898
Résultat des élections législatives dans la 2ème circonscription de Limoges. Gotteron : 5794 voix, Tourgniol : 5016 voix, Patry : 4729 voix, Treich : 2365 voix, Desbordes : 21 voix. Ballottage
Samedi 14 mai 1898
Châteauneuf – Coups - Une enquête est ouverte au sujet de coups volontaires portés par plusieurs individus contre le nommé Léonard Duroudier, 31 ans, cultivateur à Linards, le soir du scrutin, le 8 mai dernier.
Sans le secours du facteur rural Faucher, le malheureux Duroudier, qui a été frappé, renversé et piétiné, aurait pu recevoir des blessures d’une extrême gravité.
L’un de ces individus, D…, qui s’est surtout signalé par ses brutalités, a été reconnu par la victime.
On espère découvrir tous les auteurs de cette lâche agression.
Mercredi 18 mai 1898
Echo des élections. Le 8 mai au soir, à la sortie du bureau ou le scrutin avait été proclamé, un nommé Léonard, ancien gendarme, était pris à partie et provoqué par un groupe d’individus ; Léonard ne répondit pas.
Quelques instants après le même groupe d’électeurs s’en prenaient au nommé Deroudier, partisan de M. Gotteron, et après l’avoir renversé, le piétinait et le blessait grièvement.
Transporté à son domicile, Deroudier reçut les soins d’un docteur qui déclara que le blessé en avait pour une vingtaine de jours au moins avant d’être rétabli, et encore si des complications ne se produisaient pas.
Le parquet de Limoges s’est transporté hier matin à 7 heures à Linards pour faire une enquête au sujet de ces faits.
Une dizaine d’individus vont être compris dans les poursuites que l’on se propose d’exercer contre les agresseurs de Deroudier.
A Châteauneuf réunion électorale tenue par le candidat Tourgnol. Tarrade a appelé, « comme à regret », à voter pour Tourgnol. Treich, conseiller municipal socialiste révolutionnaire de Limoges, a dit qu’il se désistait en faveur de Tourgnol.
Samedi 21 mai 1898 
Linards. Nous recevons la communication suivante :
M. Moreau, candidat radical-socialiste, a fait dans la région plusieurs réunions contradictoires auxquelles le citoyen Tourgnol a refusé d’assister.
Moreau a été vivement applaudi par un certain nombre d’électeurs.
On entendait de toute parts crier à haute voix : « C’est le candidat qu’il nous faut ! A Bas Tourgnol ; nous ne voulons pas de ce vieux retraité, à la députation ! » (Ah c’est égal, la candidature de M. Moreau a été chaudement acclamée.)
Le candidat Tourgnol ne recule pas devant les leçons que lui donnent les électeurs. Il faut qu’il soit mille fois plus audacieux qu’on pourrait le croire ! Quel fumiste ce père Tourgnol !
Les quatre cents électeurs soussignés prient leurs camarades de voter comme un seul homme pour le citoyen Moreau, car c’est bien le seul et véritable défenseur des ouvriers et des cultivateurs.
Vive le citoyen Moreau !
(Suivent les signatures)
Vu le désistement de M. Patry et de M. Treich, M. Moreau ayant posé sa candidature au dernier moment, prie les électeurs qu’il n’aurait pas visités de vouloir bien l’excuser et de voter pour lui.
Mardi 24 mai 1898
Elections législatives. Linards. Gotteron : 125 voix, Tourgnol : 440 voix, Ruchaud : 0, Moreau : 0
Tourgnol élu
Jeudi 16 juin 1898
En correctionnelle. Les auteurs de certaines agressions ou rixes qui se sont produites au cours de la dernière période électorale, vont être traduits lundi prochain en correctionnelle, l’enquête sur les faits dont ils sont inculpés étant closes.
A Linards. Dans cette affaire qui offrait un certain caractère de gravité, cinq personnes seront pour suivies ; les nommés Saldat, Errando, Faucher, Demichel, et Montanier, avaient à répondre du délit de coups et blessures sur les sieurs Duroudier et Léonard.
Mercredi 22 juin 1898
Tribunal correctionnel. Audience du 20 juin 1898.
Les troubles de Linards. En l’absence de plusieurs témoins, une première affaire concernant une rixe qui éclata le 8 mai dernier à Linards, est renvoyé au mercredi 29 juin.
Les nommés Gaston Vedrenne, 18 ans, cordonnier à Linards, et Léon Devernat, 20 ans, boulanger au même endroit, ont reçu quelques coups de poing le 8 mai dernier, dans l’établissement de M. Chicot.
Ayant voulu jeter un coup d’œil au bal qui battait son plein, ces deux jeunes gens furent accueillis par les cris de : « A bas les casquettes ! »
Une dispute survint et les nommés Montanier et Demichel portèrent plusieurs coups aux deux garçons précédemment cités.
Pour se soustraire aux coups, Vedrenne et Devernat s’enfuirent par la cave.
Les deux plaignants viennent expliquer dans quelles conditions ils ont été frappés.
Divers témoins, dont quelques jeunes filles, qui se trouvaient au bal le soir de la bagarre, sont ensuite entendus.
Charles Demichel, né à Saint-Bonnet-la-Rivière, en 1871, et Montanier, né à Roziers-Saint-Georges, en 1874, sont appelés à la barre.
Tous deux nient absolument les faits qui leur sont reprochés. M. Bernardbeig rappelle les actes de brutalités, de sauvagerie et de lâcheté, dit-il, qui ont eu lieu à Linards dans la soirée du 8 mai dernier et que l’autorité municipale n’a rien fait pour réprimer.
Une première bagarre dont fut victime un sieur Duroudier éclata vers sept heures et demie, celle-ci a été bien plus grave que celle qui nous occupe en ce moment et le tribunal en aura la preuve mercredi prochain lorsque l’affaire viendra en audience.
En ce qui concerne la seconde rixe ayant pour auteurs Demichel et Montanier, le procureur de la République reconnaît qu’elle est moins importante que la première mais il demande néanmoins au tribunal de faire aux prévenus l’application de la loi.
M° Patry s’étonne que des poursuites aient été intentées pour des faits aussi minimes que ceux reprochés aux deux prévenus.
Le défenseur reconnaît d’ailleurs que l’autre rixe dont les débats sont renvoyés à mercredi 29 juin est plus grave.
Il déclare que le tribunal ne doit pas être le « champ clos de petites querelles de villages » et s’efforce d’amoindrir l’importance donnée aux troubles qui ont eu lieu à Linards lors du premier tour de scrutin, le 8 mai dernier.
En terminant, M° Patry demande le renvoi de la poursuite du nommé Demichel et compte que le tribunal relaxera simplement Montanier, un malheureux militaire qui était en congé chez ses parents le jour de la rixe et pour lequel une condamnation entraînerait sans doute une nouvelle peine disciplinaire à son régiment.
Le tribunal met l’affaire en délibéré. Le jugement sera rendu le 29 juin.
Vendredi 1er juillet 1898
Tribunal correctionnel. Audience du 29 juin.
Incident. Au moment où on appelle l’affaire de Linards, une discussion assez vive s’engage entre Mes Fayout et Patry à propos du procès en diffamation intenté par M. le docteur Tarrade contre M. le docteur Boussenaud, qui doit venir ensuite.
Me Fayout tint à savoir si ce dernier procès sera appelé aujourd’hui, car il sait qu’une manœuvre est préparée par les adversaires de son client.
Me Patry proteste contre les paroles de son confrère et explique au tribunal qu’il demandera tout à l’heure, quand l’affaire sera appelée, son renvoi à huitaine en raison de l’impossibilité dans laquelle se trouve Me Viviani de plaider aujourd’hui pour M. Tarrade.
Me Fayout déclare que son client tient à être jugé à cette audience.
Finalement, après quelques mots aigres-doux échangés de part et d’autre, le président fait observer que la discussion actuelle n’est pas à sa place.
Il faut attendre que l’affaire soit appelée, après celle concernant les troubles de Linards.
L’incident est clos.
Les troubles de Linards
Nous entrâmes alors dans le fameux procès concernant les troubles de Linards.
On sait que le 8 mai dernier, au moment de la proclamation des résultats du scrutin, des bagarres sanglantes se sont produites à la mairie et dans la rue.
Plusieurs électeurs ont été roués de coups et selon la propre expression de certains d’entre eux «ont été laissés pour morts » sur le champ de bataille.
Six personnes sont poursuivies comme étant les auteurs des graves désordre dont il s’agit.
Audition des témoins
On entend les témoins.
Léonard Duroudier, 41 ans, dépose le premier.
Il raconte au tribunal de quelle façon il a été maltraité, renversé, bourré de coups de pied et de coups de poing et véritablement piétiné sur la place du Champs-de-Foire. Parmi ses agresseurs il a reconnu les nommés Frugier, Demichel, Ernadeau et Dubois.
Lorsqu’il fut par terre, pour la 5ème fois il implora miséricorde et cria à ses adversaires : « Finissez, ne tuez pas un père de famille ! »
Le témoin se plaint encore des blessures qu’il a reçues dont il n’est pas complètement guéri.
Il a un mot assez cruel envers Me Patry lorsque le défenseur lui pose des questions :
- Je préfère parler à M. le président, dit-il.
Le Docteur Henri Golaz, 31 ans, domicilié à Châteauneuf est appelé à la barre.
Il a visité Duroudier trois jours après les incidents et a constaté les graves blessures que celui-ci avait reçues.
Une discussion assez confuse s’engage au sujet de la gravité même de l’état de Duroudier.
Me Patry pose en effet une série de questions au témoin dans le but de faire préciser la nature des blessures.
Il demande même au tribunal de faire visiter Duroudier par un médecin quelconque de la faculté de Limoges et de ne pas s’en tenir aux certificats fournis par les docteurs de l’endroit.
M. le Dr François Boussenaud est aussi entendu sur la gravité des coups reçus par Duroudier.

La même discussion que tout à l’heure a lieu entre les témoins et Me Patry, mais sans plus de résultat.
Léonard Champaud, 37 ans, beau-frère de Duroudier, dépose à son tour.
Il a vu la scène, mais en raison de la nuit qui commençait à venir, il n’a pu reconnaître que Demichel parmi les agresseurs. Le témoin a entendu par exemple divers propos très suggestifs, tels que celui-ci : « Nous allons en rouler un ! »
Jean Sautour, cultivateur, raconte qu’il a trouvé son oncle Duroudier par terre.
Ce dernier lui a demandé s’il avait vu les individus qui venaient de le frapper.
Le neveu déclare qu’il a bien aperçu deux individus se précipiter sur son oncle, mais il ne les a pas vu frapper celui-ci.
Paul Devergent, 12 ans, a vu une bande d’individus poursuivant Duroudier sur la place du Champ-de-Foire.
D’après le témoin, Demichel et Montagnier ont frappé ce dernier.
Un jeune garçon de 12 ans, Paul Duvergnat, se trouvait aussi aux alentours de la mairie et sur la route du champ de foire, quand plusieurs individus frappaient Duroudier.
Comme il s’apprêtait à crier, l’un des agresseurs lui aurait fait signe de se taire.
Théophile Léonard, gendarme en retraite à Linards, a été frappé lui aussi, par plusieurs individus et poursuivi jusque dans un pré.
Le témoin a notamment reçu un coup de bâton sur la tête, mais, n’ayant pas aperçu son agresseur, il n’a pas porté plainte.
Le brave retraité explique l’état de surexcitation qui régnait dans la salle de vote.
Antoine Faucher, 53 ans, facteur des postes, a été témoin de la scène dont Duroudier a conservé le meilleur souvenir.
Il a reconnu les nommés Guillin et Demichel qui, en l’apercevant, ont dit : « Allons-nous en, car le facteur nous reconnaîtrait ». Et tous ont pris la fuite !
Le brave Faucher, qui avait son enfant sur les bras, a relevé le blessé qui était évanoui.
L’audience est suspendue pendant un quart d’heure.
A la reprise, le défilé des témoins continue – témoins à décharge cette fois.
M. Jean Jacquet, instituteur à Linards, déclare avoir vu Dubois, l’un des inculpés, à peu près à l’heure où les troubles se seraient produits.
Jean Garat, 66 ans, a également vu Dubois et n’a entendu parlé de rien concernant les soi-disant troubles, d’après lui, qui se seraient produits.
Léonard Champset, 16 ans, a passé la soirée, dit-il, avec Dubois entre 7 heures ½ et 10 heures. Il n’a aucune connaissance lui non plus des rixes qui ont eu lieu.
Jean Villetel, 35 ans, aubergiste, a reçu chez lui Dubois et un de ses camarades, vers 7 heures ½, peu après la fin du dépouillement.
Léonard Breuil, 41 ans, menuisier, passait vers 8 heures moins le quart sur le champ de foire. Il n’a pas remarqué qu’on se battait, mais il y avait beaucoup de monde sur toutes les voies.
Marguerite Gentillou et une autre jeune fille, Marguerite M…. viennent faire à leur tour une déclaration sans grande importance.
Un nommé Léonard Vergne, 34 ans, cultivateur, fait le récit d’une conversation qu’il a eue avec Champeaux, le beau-frère de Duroudier, quelques jours avant le 8 mai.
D’après le témoin, Champeaux lui avait dit en substance :
« Le docteur Golaz est allé voir mon beau-frère quelques jours après la rixe, et l’a trouvé au travail. Il lui a donné l’ordre de se coucher en ajoutant : « Ce sont les tarradistes qui vous ont mis au lit, ce sont eux qui vous enlèveront ; mais il faut que vous restiez au moins une vingtaine de jours alité. »
Champeaux, confronté avec Vergne, nie ce propos, alors que ce dernier maintient sa déclaration (Sensation).
On passe à un autre témoin.
Pierre Détiveau, 21 ans, a entendu la conversation qui eut lieu entre Champeaux et Vergne, et confirme la déposition de ce dernier.
Léonard Lacour, 65 ans, déclare que le père de Champeaux sus-nommé lui a raconté les mêmes faits relatifs à la visite du docteur Golaz chez le blessé Duroudier.
Jean Faucher, 40 ans, tailleur d’habits à Linards, vient affirmer que l’un des prévenus, Frugier, lui a causé en passant devant son domicile, le 8 mai au soir, vers 7 heures.
Le témoin donne de bons renseignements sur Frugier, qu’il ne croit capable d’aucun acte répréhensible.
Léonard Frugier, 14 ans, a aperçu Ernandeau, un des inculpés, à la nuit tombante, au moment où a du avoir lieu la bagarre.
C’est une femme qui est alors entendue : Eugénie Arnaud, femme Périchou.
Le témoin dit que Frugier est venu chez elle vers 8 heures, et y est resté toute la soirée.
Les prévenus
Le premier appelé à la barre est Charles Demichel, né à Saint-Bonnet-la-Rivière en 1871.
Il jure être innocent des faits qui lui sont reprochés et il le jurera, dit-il, « devant tous les tribunaux de France ».
C’est par vengeance politique qu’on le poursuit.
Jean Montagnier, né en 1874, à Roziers-Saint-Georges, nie aussi avoir porté des coups à Duroudier.
Léonard Dubois, originaire de Saint-Bonnet-la-Rivière ; Jean Frugier, né à Linards en 1853 ; François Guillin, né en 1861 font la même déposition. Ils sont innocents. Ce dernier dit même « qu’il ne serait pas assez fou pour frapper un homme ».
Léonard Ernandeau, né à Treignac en 1864, avoue avoir frappé une personne mais non Duroudier. Il a seulement poursuivi ce dernier jusque dans le pré et lorsqu’il l’a vu tomber dans une rigole, il a fait demi-tour !
C’est un aveu déguisé.
La longue liste des témoins est épuisée….ouf !
Nous en avons fini avec les récits de plus en plus contradictoires qui ont été faits au tribunal sur les événements dont il s’agit.
Le réquisitoire
M. Bernardbeig, procureur de la République, a la parole pour soutenir l’accusation.
Il le fait avec une grande habileté et en termes très éloquents.
Après avoir rappelé les bagarres qui ont eu lieu le 8 mai dernier à Linards et établi, d’après les dépositions, la matérialité des faits il déclare qu’il serait étonné d’entendre réclamer l’impunité pour les auteurs de pareils troubles.
« Puisqu’il s’agit d’une affaire politique, continue M. Bernardbeig, puisqu’on y a mêlé la politique, eh bien, je me permets de dire que les prévenus ne se sont pas conduits en bons républicains.
Le 8 mai, une véritable chasse à l’homme était faite par les inculpés connus … et inconnus. Ils voulaient traquer les gens qui ne pensaient pas comme eux.
Léonard Duroudier a été frappé à l’intérieur et au-dehors de la mairie. »
Examinant les diverses dispositions, le procureur de la République en pèse la valeur et constate que, en somme, les faits reprochés aux prévenus sont suffisamment prouvés.
« Il est impossible, continue M. Bernardbeig, qu’au point de vue de la sécurité publique on puisse tolérer de pareilles mœurs.
Il est de l’intérêt de tous les partis que de semblables faits soient réprimés.
Et vous, Messieurs, qui vous trouvez au-dessus des partis, vous les empêcherez.
De cette façon, Messieurs, si les inculpés d’aujourd’hui devenaient, par un retour des choses d’ici-bas, les victimes de demain, j’aurais bien plus d’autorité et de courage pour les faire protéger à leur tour, comme je demande aujourd’hui la protection en faveur de Duroudier et des autres.
Lorsqu’on rend la justice dans ce sens, personne n’a à se plaindre. Tout le monde doit s’incliner devant la décision des juges.
On nous a dit que, dans cette affaire, il y avait de la politique.
Peu nous importe à nous la politique !
Quand je suis à mon siège, je ne vois la politique qu’en lisant le code, et je ne relève que de ma conscience. »
En terminant son remarquable réquisitoire, l’honorable organe du ministère public demande que le châtiment soit proportionné aux responsabilités encourues par les prévenus.
La Défense
Me Patry présente alors la défense de tous les prévenus.
Il rend hommage à l’habileté coutumière du ministère public, mais il proteste contre l’importance donnée aux faits qui se seraient passés à Linards le 8 mai.
L’honorable avocat s’efforce de prouver que les diagnostics des médecins qui ont soigné Duroudier sont en contradiction avec les faits.
Il renouvelle à cette occasion la demande qu’il a déjà formulé de faire visiter le blessé par un docteur quelconque de la Faculté de médecine.
Me Patry aborde alors les dépositions des témoins et retient celles favorables à son client.
On sait que plusieurs personnes ont déclaré avoir reçu chez eux certains des prévenus au moment où avait eu lieu la bagarre dans laquelle Duroudier a été blessé.
Il dit à ce sujet qu’on ne doit faire aucune distinction entre les témoins à charge et ceux à décharge.
Et montrant deux de ces derniers il ajoute que l’honnêteté se trouve aussi bien chez le paysan, chez l’illettré, chez le travailleur, que chez les docteurs, les avocats ou autres personnes plus importantes. (Personne, je crois, n’a d’ailleurs contesté cette manière de voir.)
Enfin le défenseur aborde le terrain politique et s’étend longuement sur l’origine des dissentiments qui ont pu exister entre les habitants de Linards.
Si coupables, il y a, ajoute-t-il, ce ne sont pas ceux que vous voyez assis sur ce banc, ce sont ceux qui passent dans les campagnes avant les élections pour raviver les passions.
Ce ne sont pas, cela va sans dire, des commis voyageurs en socialisme, dont veut parler le défenseur.
En terminant, Me Patry demande l’acquittement pur et simple de tous les prévenus.
L’affaire est mise en délibéré.

Vendredi 1er juillet 1898
Procès en diffamation Tarrade contre Boussenaud (médecin à Saint-Paul-d’Eyjeaux)
Vendredi 1er juillet 1898
Jugement rendu dans la première affaire des troubles de Linards de mercredi dernier. Le nommé Demichel est relaxé des fins de la plainte sans dépens. Le pauvre soldat Montagnier est, lui, condamné à 16fr. d’amende.
Samedi 2 juillet 1898
Procès en diffamation Tarrade contre Boussenaud. Fertile en incidents d’après le journaliste. Affaire mise en délibéré.
Mercredi 13 juillet 1898
Tribunal correctionnel. Audience du 11 juillet 1898.
L’affaire de Linards
Au début de l’audience, le tribunal rend son jugement dans l’affaire des troubles de Linards, à l’occasion de la proclamation du scrutin, le 8 mai dernier.
On se rappelle que le nommé Duroudier a été frappé violemment sur la place du Champ-de-Foire où on le releva dans un état lamentable. Dubois et Montagnier sont relaxés sans dépens.
Guillien est condamné à 20 fr. d’amende.
Frugier, Desmichel et Ernaudeau se voient infliger six jours de prison chacun.
Tarrade contre Boussenaud
Boussenaud condamné à 50 fr. d’amende et 200 fr. de dommages et intérêts envers Tarrade.
Samedi 23 juillet 1898
Châteauneuf. Incendie. Un incendie dont on ignore les causes a détruit le 20 courant, une grange et une maison d’habitation appartenant au sieur André Toumieux, cultivateur à Linards.
Les pertes évaluées à 4200 francs sont couvertes par une assurance.
Lundi 25 juillet 1898
Linards. Incendie. Un violent incendie, dont les causes sont encore inconnues, a éclaté cette nuit vers minuit et demi dans un des immeubles appartenant à MM. Jeandilloux, messager, et Châtenet, cordonnier.
On n’a pu se rendre compte de l’endroit où a éclaté le sinistre, car lorsqu’une des fillettes de M. Jeandilloux à demi-suffoquée par la fumée a pu donner l’alarme, le feu avait déjà fait de grands ravages. Les voisins, réveillés par les cris des malheureux sinistrés, sont accourus à leur secours.
Parmi eux, admirables de sang-froid et d’énergie, on remarquait M. le curé, puis MM. Jacquet fils, Besselat, Gaumondie, Gilles, Chabry, Crouzilhat, Mounier, etc., et, bientôt attirés par le tocsin, presque tous les habitants du bourg organisaient de rapides secours. Grâce à tous ces braves gens dont beaucoup ont été courageux jusqu’à la témérité, on a pu circonscrire l’incendie. Malheureusement l’immeuble Jeandilloux a été presque entièrement détruit, mais on a pu sauver une partie de la maison Châtenet et préserver les maisons avoisinantes.
Le malheureux Jeandilloux n’était pas assuré ; le désespoir de ces pauvres gens, qui ont une nombreuse famille, fait mal à voir.
Mardi 9 août 1898
Acte de probité. Le sieur Maumot, domestique au bourg de Linards, a trouvé dernièrement une pièce de 5 fr. sur la voie publique et s’est empressé d’annoncer sa trouvaille.
Cette petite somme a été remise à la personne qui l’avait perdue.
 - Samedi 6, jour de foire à Linards, le nommé Couégnas, colon à Murat, de Châteauneuf, a trouvé un porte-monnaie et l’a déposé à la mairie de Linards. Il est à la disposition de la personne qui l’a perdu.
Lundi 22 août 1898
Châteauneuf. Vol avec effraction. Un vol avec effraction a été commis, le 19 août, au préjudice du nommé Léonard Leblanc, 26 ans, cultivateur à Linards.
L’auteur inconnu de ce larcin a profité de l’absence des braves gens pour faire sauter la serrure de la porte et fouiller de fond en comble les meubles.
Divers objets de linge, un vêtement, du lard, du pain, etc. ont été volés ; le tout estimé environ à 100 francs.
Une enquête est ouverte et une piste sérieuse paraît devoir amener l’arrestation du voleur.
Vendredi 23 septembre 1898
Châteauneuf. Banquet démocratique (Dr Raymond, Tourgnol, Patry, Tarrade, Treich). Menu « politique » (ex : « tripes opportunistes sauce radicale »).
Mercredi 5 octobre 1898
La foire. Voici les cours de la foire qui s’est tenue le 20 octobre :
Vaches de harnais, de 220 à 250 fr. pièce ; veaux de harnais, de 150 à 200 fr. ; veaux et génisses pour la boucherie, de 50 à 60 fr.
Moutons gras, de 35 à 36 fr. les 50 kilos ; brebis grasses, de 25 à 30 fr. ; moutons et brebis de commerce, de 12 à 15 fr. pièce.
Porcs nourrains, de 25 à 30 fr. la pièce ; porcelets de 4 à 5 mois, de 15 à 20 fr.
Poulets, de 2 fr. 25 à 3 fr. la paire ; canards, de 3 fr. à 4 fr. ; poules grasses, de 3 fr. 50 à 4 fr. 50.
Lapins, de 1 fr. à 2 fr. la pièce.
Œufs, de 0 fr. 65 à 0 fr. 70 la douzaine.
Beurre, 1 fr. le demi-kilo.
Gibier : lièvre, de 4 à 5 fr. pièce ; perdreaux, de 1 fr. 25 à 1 fr. 50.
Mercredi 26 octobre 1898
Tribunal correctionnel - Délit de chasse
Un nommé Charles Demichel, domicilié à Linards, est poursuivi pour avoir chassé sans permis.
Contrairement à l’affirmation des gendarmes de Châteauneuf qui ont reconnu le prévenu, celui-ci prétend qu’il se trouvait chez son maître, M. Dubois, menuisier à Saint-Bonnet-la-Rivière, au moment où le délit aurait été commis.
Divers témoins sont entendus.
Le prévenu est condamné à cent francs d’amende.
Défenseur M° Patry.

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