Lundi 6 novembre 1882 - Voir l'original |
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Linards – On nous demande l’insertion de la lettre suivante :
Il est bien entendu que nous accueillerons toutes les rectifications émanant des intéressés. Nous allons être bientôt probablement appelés à élire un nouveau conseil municipal, par suite de la démission de la presque totalité de nos conseillers, y compris notre honorable et sympathique adjoint. La cause certaine de cet incident fâcheux, pour nous autres électeurs de la commune, est due, m’assure-t-on, au dissentiment qui se serait élevé au sein de notre municipalité, à propos de la nomination d’un receveur-buraliste dans notre localité. Il semble donc qu’il ne soit que raisonnable de donner ici, à ce sujet, tous les renseignements possibles, afin de faire connaître à chacun sa part de responsabilité. Je dois dire tout d’abord qu’après le décès de notre ancien receveur, il n’y eut dans toute notre commune qu’une manifestation générale en faveur de sa veuve, pour que la recette de feu son mari lui fut donnée. Une démarche auprès des autorités compétentes fut faite à cet effet. M. le maire y donna son assentiment, bien que cependant ses vues fussent tournées ailleurs. Nous apprîmes alors que le bureau ne pouvait être laissé à une femme, précisément à cause de la recette qui y était attachée. Qu’il me soit permis de dire en passant que notre démarche avait déjà été devancée par celle qu’avait du faire notre receveur actuel, protégé par notre maire, à notre insu. On décida alors de recommander, à défaut de la veuve, un ancien soldat, qui compta parmi ses huit années de service la malheureuse campagne de 1870, campagne qu’il a faite toute entière avec le grade de sergent. Le conseil municipal fut consulté et signa une pétition unanime en faveur de ce dernier. M. le maire donna encore sa signature, n’ayant pas la fermeté de déclarer nettement qu’il avait pris des engagements pour une autre personne. Nous pensâmes que cette pétition recevrait l’approbation du gouvernement qui, en définitive, ne devrait point regretter d’avoir une occasion de récompenser un de ses fidèles et braves défenseurs. Notre maire jugea sans doute la situation de son protégé compromise ; aussi fit-il parler secrètement ses rares amis ayant quelque influence auprès du gouvernement. La question, sur ce point, est aujourd’hui réglée. L’amis de M. le maire, l’ex-gendarme, est receveur. Je ne rechercherai pas s’il était plus méritant ou s’il l’était moins que celui qu’avait appuyé la municipalité. Il y aurait pourtant là-dessus beaucoup à dire, car si celui-là compte plus d’années de services que celui-ci, il a eu [en] somme sa récompense : il reçoit pour cette raison sa paye journalière, tandis que l’autre n’a rien. Mais laissons de côté cette question. Le point principal est, pour nous électeurs, d’apprécier la conduite de notre maire. Est-elle correcte ? Prouve-t-elle qu’on puisse compter sur la sincérité de sa parole ? N’est-ce pas cependant une de ces qualités dont il doit l’exemple comme premier magistrat ? Nous saurons vous le dire bientôt, Monsieur le maire. Prêtez déjà l’oreille, si vous le voulez, à la rumeur publique, et vous reconnaîtrez qu’il vous faudra faire un fameux mea culpa, sans espoir cependant d’obtenir votre pardon. Contentez-vous à l’avenir d’être un simple habitant de notre commune, de rester dans votre vie paisible ; là, vous serez à l’abri de toute critique. Je regrette d’autant mieux de vous dire tout cela, monsieur le maire, que j’avais jusqu’alors appuyé, autant que ma petite autorité dans la commune me le permettait, votre élection. H. G. |
Mercredi 15 novembre 1882 - Voir l'original |
Linards – M. le maire de Linards nous demande l’insertion de la lettre
suivante :
Monsieur le rédacteur, Dans une lettre insérée dans le Petit-Centre dimanche dernier, un électeur de ma commune m’accuse d’avoir favorisé en secret la nomination d’un receveur-buraliste, alors que j’aurais ouvertement promis mon appui à ses concurrents et, me prenant à partie à cette occasion, m’adresse des injures bien imméritées. Permettez-moi de relever l’offense là où l’offense a eu lieu, et souffrez que je réponde à mes accusateurs que si quelqu’un a manqué de loyauté et de franchise dans la circonstance, ce n’est pas moi. Où donc trouve-t-on, dans mes intentions et dans mes actes, les fautes que l’on m’impute ainsi à son aise ? Tant que les adversaires du receveur-buraliste récemment nommé se sont bornés à faire valoir leurs droits sans attaquer ceux des autres, j’ai volontiers apposé ma signature sur toutes les pièces qu’ils m’ont présentées. Mais le jour où ils ont osé me proposer de signer une pétition qui contenait des imputations calomnieuses contre un honnête homme digne de l’estime de tous, ce jour-là, je l’avoue hautement, je leur ai, de la manière la plus catégorique et la plus formelle, refusé mon concours. De là leurs ressentiments, de là cette fameuse épître qu’ils vous ont écrite et qui a dû beaucoup intéresser vos lecteurs. Si les femmes en général, et le veuves des buralistes en particulier, ne jouissent pas en France des mêmes droits que l’homme ; si les commissions chargées d’apprécier le mérite des demandes et d’opérer le classement des postulants sont fières de leur indépendance et se tiennent prudemment à l’abri des influences locales, des sollicitations et des caprices des amis, est-ce ma faute à moi ? Plaignez-vous aux membres de ces commissions si vous le jugez convenable, mais quand vous aurez épuisé vos récriminations et vos plaintes, quand la réflexion et le bon sens vous auront dit de quel côté est la raison, j’aime à croire qu’aucun de vous n’osera plus suspecter ma loyauté. Vous lancez au public cette nouvelle inattendue que la presque totalité des conseillers de Linards, y compris M. l’adjoint, ont donné leur démission – Où avez-vous appris cela ? et d’où vient, si la nouvelle est exacte, que mon chef, M. le préfet, ne m’ait pas avisé de cet incident ? – Soyez franc, et dites-moi s’il n’y aurait pas, par hasard, dans tout cela quelques idées d’ambition occulte et de jalousie cachée ; si ces prétendues démissions, dont personne pas plus que moi n’a eu connaissance, ne sont pas un moyen comme un autre de semer la division et le désaccord au sein du conseil ? Je termine en vous annonçant une nouvelle qui vous fera certainement plaisir. Depuis 15 jours, j’ai donné ma démission de maire. M. le préfet a bien voulu refuser jusqu’à présent de l’accepter ; mais je vais aller à Limoges pour le prier de l’accepter définitivement, ma décision étant irrévocable. Vous avez donc le champ libre : vous pouvez démasquer vos batteries. J. VILLETTE, Maire de Linards |