Publié dans L’UNION AGRICOLE, Limoges 1971-1972

ECRIRE l'histoire ou la " monographie " d'une commune est une tâche rude et délicate. Le but que je poursuis, je veux essayer de l'atteindre modestement, mais avec la plus grande précision possible. Ce but : transmettre aux générations futures le souvenir de ce qu'a été l'évolution de ma chère commune natale à travers les siècles, tout d'abord par les documents que j'ai pu recueillir, par la relation des travaux déjà effectués, par les souvenirs qui m'ont été transmis par des personnes disparues, et enfin en transcrivant tous les faits, tous les actes dont j’ai été le témoin de 1913 à 1965. C'est le modeste legs que je désire faire aux habitants de ma chère commune natale, mais aussi à tous ceux qui de loin ou de près s'intéressent à elle. Je tiens tout d'abord à remercier ceux qui m'ont déjà apporté leur concours qui m'est précieux, et j'adresse en cet avant-propos un pressant appel à tous les lecteurs de ce journal pour qu'ils me communiquent d'urgence tous les documents qu'ils pourraient posséder sur Linards : cartes postales, plans, anecdotes vécues, enfin tout ce qui pourrait contribuer à rendre ce modeste ouvrage encore plus vivant, plus précis, car, comme me le disait jadis mon regretté ami Albert Goursaud, auteur d'une remarquable étude sur les légendes, coutumes et traditions du Limousin : " Il est grand temps que nous conservions le souvenir de cette vie de nos ancêtres, avant que ne disparaissent totalement ces pratiques, ces croyances, ces pèlerinages, aussi ce patois chantant et agréable de notre région limousine. "

Je crois fermement qu'en Limousin c'est dans la région de Linards qu'Il est le plus pur, le plus près de " lo linguo nostro " des félibres et des troubadours, et je suis heureux de l'écrire et de le parler couramment, d'avoir dirigé et créé avec mon regretté ami Henri Lagrange la revue " Jeunesse Limousine ", qui cessa de paraître en 1939, et d'avoir collaboré au " Galetou " de mon maître et ami le grand poète Jean Rebier.

Toutes les évocations que vous pourrez trouver dans ce livre ne relèveront- pas de ma pure imagination. Une monographie aride serait insipide; c'est la raison pour laquelle je désire que mon ouvrage, tout en retraçant l'histoire de Linards à travers les âges, fasse évoluer de nombreux personnages pittoresques dans le milieu où ils ont vécu à une époque où l'on pouvait encore dire que le rire est le propre de l'homme, et c'est ce côté " clochemerlesque ", si l'on peut dire, que vous trouverez dans mes souvenirs personnels, puisque les mauvaises langues (ou les bonnes) prétendent que dans ma tendre jeunesse j'ai été l'animateur ou l'organisateur des plaisanteries ou farces cocasses qui ont défrayé la chronique locale, histoires de jeunes insouciants, jamais empreints de méchanceté, dont le but était de s'amuser entre camarades, en exploitant toutes les occasions qui se présentaient de provoquer l'hilarité de nos aînés dont le besoin de défoulement était très net après les dures années de la guerre de 1914-1918.

Bien des ans ont passé depuis, les " sales gamins " qui faisaient parfois se fâcher les bonnes vieilles grands-mères du pays sont devenus des hommes, tous ont fait leur chemin, ils ont su montrer le moment venu qu'ils connaissaient aussi le chemin de la vie et du devoir. Aussi, pour terminer le préambule à mon modeste ouvrage, je voudrais citer une phrase de Paul Valéry, je crois, qui pourrait constituer aussi les dernières lignes de " Linards en Limousin " :

" La faux du temps tourne inexorablement, entraînant dans sont orbe vagabond les us et les coutumes d'un passé qui hier encore était demain, mais aujourd'hui est déjà avant-hier. "

" Déjà avant-hier ", hélas ! cela est vrai, si l'on compare le Linards de ma jeunesse avec ses habitants gais et sympathiques, son commerce actif, son artisanat varié exercé par des ouvriers de haute qualité, au Linards d'aujourd'hui, l'on pourra constater que si les Linardais n'ont rien perdu de leur engouement naturel, l'habitat s'est certes modernisé, mais les enfants du pays ont en partie déserté leur commune natale où ils n'ont conservé qu'un pied-à-terre ou une résidence secondaire, attirés par les emplois d'administration, des salaires ou revenus meilleurs et un travail moins pénible; que le remembrement a réglé de nombreux problèmes, mais qu'aussi ceux qui sont restés sur leur sol natal vivent plus aisément qu'aux époques que je vais évoquer, et c'est cela le " progrès " dont il faut se réjouir, certes, tout en conservant une certaine nostalgie pour les pittoresques foires locales, devenues des marchés bien moins actifs, et aussi constater que la vie n'est plus la même et qu'il ne pourrait actuellement se produire des faits tels que ceux que je me propose, dans un chapitre de mon ouvrage, de transmettre aux " hommes de l'an 2000 ", à ceux qui après nous maintiendront très haut, je l'espère, le flambeau de cette commune qui m'est chère et qui porte le nom de Linards. Je souhaite aussi ardemment, et je m'y emploie auprès de la municipalité depuis longtemps, qu’une petite Industrie vienne s'implanter dans cette commune où demeure malgré tout un potentiel de main-d'œuvre à utiliser, où le climat et l'air sont sains et vivifiants, où la gastronomie a un réel droit de cité et où les loisirs, pêche, chasse, natation, tourisme, apporteront une récompense méritée au dur labeur de la semaine aux ouvriers de l'usine qui s'implantera à Linards.

xx

Voici dans quel esprit j'ai conçu Linards en Limousin. Ce modeste ouvrage, je l'ai rédigé sans but lucratif, sans ambition littéraire. Je le dédie tout d'abord à ceux qui, sur le plan matériel, m'ont aidé à assurer sa parution, c'est-à-dire mes amis Jaloux et Champaux, et à toute l'équipe de l' " Union agricole ". Si j'ai choisi l' " Union agricole ", c'est parce que ce journal m'est cher. Ses colonnes m'ont toujours été largement ouvertes, et aussi j'estime que c'est lui qui est le plus près de vous, mes chers amis de la campagne de Linards et d'ailleurs qui vous intéressez à l'histoire locale. Je le dédie aussi à mes maîtres en matière de régionalisme, à vous mon regretté ami Jean Rebier qui aviez si gentiment accepté ma collaboration au " Galetou ", m'aviez appris la graphie de la langue limousine et aviez été le chantre du Limousin, à la mémoire de Franck Delage, l'érudit historiographe de notre région dont les conseils me seraient si précieux aujourd'hui; aux distingués Présidents de nos Sociétés archéologiques et ethnographiques régionales, MM. Decanter et Maurice Robert; à mes anciens collaborateurs de " Jeunesse Limousine "; Henri Lagrange, mort victime du nazisme; Paule Lavergne; Félicie Brouillet; Georges Rocal ; René Farnier, l'inoubliable créateur du théâtre régionaliste Limousin ; M. l'abbé Triadou, Supérieur de l'école Bossuet de Brive ; à la direction de la librairie Hachette. Je veux aussi en préambule saluer tous ceux qui m'ont aidé dans la recherche des documents indispensables, aussi bien aux archives départementales qu’à la bibliothèque municipale, et à ceux des habitants de Linards qui, en fouillant dans leurs documents personnels et aussi dans leur mémoire, ont facilité ma tâche, et entre autres MM. Gilles Père, de Salas; Cluzaud Antoine; les familles Garat et Sage, du Puy-Larousse; René Frugier et tous mes amis de Linards qui ont apporté leur pierre à ce modeste édifice.

Lucien DUMAZAUD,

Membre de la Société archéologique et historique

du Limousin

et de la Société d'ethnographie du Limousin

et de la Marche.


LA VIE A L'EPOQUE PREHISTORIQUE

Comment vivaient les hommes du Néanderthal ? Il semble que la pêche et la chasse lui apportaient dans les débuts la nourriture indispensable, Certes, même gravées dans le granit, aucun livre de recettes culinaires destiné aux " mémés " de l'époque n'a été retrouvé, mais sans doute les énormes méchouis devaient-ils leur permettre de déguster des plats savoureux exempts de produits chimiques et sains comme l'étaient les bêtes et les hommes de cette période appelée " néolithique ", Ces hommes connaissaient déjà le feu, sans doute allumé par le frottement du silex, et le premier artisan a été certainement le tailleur-polisseur de pierres. Ses outils étaient pour l'époque des purs chefs-d'œuvre ; ils étaient confectionnés en partant du beau et dur silex du pays. Il y avait surtout des haches et pics à usages multiples, les burins, les pointes servaient à façonner la pierre. J'ai eu le plaisir d'examiner chez M. Henri Lachaud une hache de l'époque, et c'est cette découverte faite dans la région dont je parlerai plus loin et qui m'a amené à affirmer que dans la localité qui s'appelle maintenant Linards, l'homme du Néanderthal a vécu et que les recherches que nous allons faire nous le confirmeront.

Il faut cependant préciser que c'est en Corrèze que les premières recherches ont été les plus actives et ont permis de situer la présence des " primitifs ".

L'abbé Bouyssonnie nous donne le classement en quatre catégories des premiers migrants qui se sont succédé sur le sol limousin : les Moustériens, les Aurignaciens, les Solutréens et les Magdaléniens. Ce serait beaucoup trop m'écarter de mon but que de faire une longue étude de chacune de ces espèces humaines, mais j'ai estimé indispensable, pour en arriver aux " Linardais " pur sang si l'on peut dire, qu'il était nécessaire de situer dans leur véritable cadre les premiers êtres connus qui ont vécu sur ce sol, admiré ses beaux paysages, retiré de la Briance les délicieuses écrevisses ou les savoureuses truites qui en font l'attrait, capturé ou chassé le gibier toujours abondant, respiré cet air vivifiant dont le regretté Pr. d'Arsonval disait " qu'il est chargé d'électricité négative et crée chez l'individu un sentiment d'euphorie ". Tout récemment j'ai le plaisir de saluer, aussi bien sur les antennes de la radiodiffusion française que dans la presse régionale, le grand écrivain contemporain Antoine Blondin et de le féliciter d'avoir lui aussi, et pour ces raisons, choisi Linards comme résidence principale et d'y écrire des purs chefs-d'œuvre , tel que " Monsieur Jadis ", et d'avoir appelé son " Corot " le paysage féerique et imprenable qu'il découvre au printemps par la fenêtre de son cabinet de travail.

C'est ce climat sain, cet air pur. cette merveilleuse vallée de la Briance qui a sans doute attiré les premiers hommes vers nos régions,

L'abbé Bouyssonnie affirme qu'ils nous venaient du Périgord, peut-être pourchassés par d'autres hordes humaines, peut-être aussi parce qu'ils suivaient le gibier dans ses migrations. L'instinct des oiseaux est infaillible, les pigeons ramiers, les grues et les cigognes en sont un vivant exemple. Je suis convaincu que l'espèce humaine a depuis les temps les plus reculés suivi cette loi. Elle la suit d'ailleurs encore, puisqu'au moment de cette " transhumance " annuelle chère à Pierre Perret, notre " Nationale 20 " draine vers le soleil les " cousins de Paris ", dont beaucoup viennent encore à Linards faire leur petite provision de bon air pour mieux supporter l'atmosphère polluée des grandes cités, et que dès le samedi, benate au dos, ligne à l'épaule, le citadin arrive dans notre belle commune tout comme il le fait fusil à l'épaule à l'époque de la chasse. Linards " en Limousin " mérite bien son nom et à ce titre j’y ajoute même celui de " bourg fleuri ", récemment inscrit à l'entrée du bourg par des édiles.

Mais revenons maintenant à l'époque néolithique :
 
 
C'est en Creuse que les découvertes ont été les plus nombreuses. On parle d'une centaine de haches, et le musée de Guéret possède un millier d'objets en silex polis. Il est vrai que la Creuse est le pays du beau granit. Mais, me direz-vous, cela se passait à quelle époque ? Il doit y avoir environ soixante mille ans avant Jésus-Christ ; ces chiffres laissent rêveur, mais m'amènent aussi à penser qu'à cette échelle le passage d'un être humain sur la terre peut se comparer à celui d'un météorite dans le ciel.

Les animaux qui vivaient sur le même sol et que chassaient les hommes de la préhistoire étaient, paraît-il, des chevaux, des rennes, des bisons (peut-être notre race bovine limousine de si bonne qualité a-t-elle, elle aussi, ses origines dans ces " bisons ", puisque l'expression est encore aujourd'hui employée pour désigner un très joli taureau). Il y avait aussi des ours, des rhinocéros, des hyènes.

Quel était l'habitat ? Certes " lou fourniau ", " lou cantou de lo chaminado ", le four, la maison elle-même n'existaient pas. Mais les grottes naturelles dont notre sous-sol est riche offraient un logement confortable pour l'époque, et celles qui étaient habitées étaient à l'abri de la neige, de la pluie aussi, et j'imagine que les moyens de défense contre l'incursion des animaux de l'époque étaient efficaces puisque le premier souci de l'homme a été de se nourrir et de se défendre, lui et sa progéniture.

L'artisanat. - Je crois que le premier artisan n'a été ni le tailleur d'habits, ni le sabotier, ni le bottier, mais le tailleur-polisseur de silex. Il faisait des haches, des flèches, des grattoirs, des burins, des racloirs, des perçoirs; les premiers outils étaient destinés à la chasse, au dépeçage et la confection des pièces de viande que consommaient les hommes de l'époque. Tout cela c'était l'époque du néolithique. la matière première était le quartz et le silex dont notre sous-sol est riche. Mais ce bel outillage qui était rudimentaire à l'époque de la race dite " Moustérienne ", s'est perfectionné et nettement amélioré lors de l'arrivée des nouveaux immigrants quelques milliers d'années plus tard, c'était la race aurignaçaise qui, elle, a créé la plupart des outils décrits ci-dessus, car les contemporains de l'homme de la " Chapelle aux Saints " ne nous ont, je pense, légué que des pointes et des racloirs. La splendide statue de l'homme de Cro-Magnon, que l'on peut admirer dans la région des Eyzies, nous donne une idée précise de ce qu'était cet ancêtre, grand, fort et, pensent les spécialistes, intelligent. Comme les outils étaient surtout destinés à la chasse et au travail, il n'était pas question de guerres, ni de mobilisations, c'était bien mieux ainsi. Il semblerait que dès son apparition. l'homme ait eu le souci de la sépulture. Ces races devaient être pures, elles ignoraient les bassesses des temps présents, et je suis amené à faire cette constatation que c'est bien de l'organisation de la société moderne avec ses lois, ses principes, ses préjugés aussi que sont nés les soucis des humains, car il ne devait pas y avoir de " cocus " à l'époque ; les gentes demoiselles ou dames étaient pourtant, je l'imagine, vêtues des plus beaux manteaux de fourrure et ceux-ci bien façonnés, bien traités, exciteraient sans doute de nos jours l'envie de nos belles élégantes,

Les arts. - Les premiers artistes ont surtout exercé leur talent sur les parois des grottes calcaires de la vallée de la Vézère et de la Dordogne, tel que celle de Lascaux, près de Montignac. Leurs animaux familiers étaient des modèles tout trouvés.

(A suivre.)
 
 
" La France s'appelait la Gaule et ses habitants les Gaulois. " Cette phrase, mes chers amis de l'école primaire de Linards, nous l'avons prononcée, apprise comme tous les petits écoliers de France dans notre plus tendre jeunesse. C'est dans cette école vétuste certes, mais dont le souvenir m'est cher, qu'un maître de grande valeur, M. Couty, nous enseignait ce que l'on appelle l'Histoire de France. Mais j'ai appris depuis que l'histoire de notre cher pays n'a pas débuté avec les Gaulois et je vous demande de m'excuser si les premières pages de cette étude ne cernent que de très loin le problème de Linards. J'ai voulu avant tout répondre à une question que je me suis posée souvent, étant jeune, celle de savoir comment la vie humaine était apparue sur les flancs des verts coteaux qui dominent cette localité qui s'appelle maintenant Linards; comment aussi ce nom lui avait été attribué, et il ma fallu compulser de nombreux documents, faire appel à toutes les bonnes volontés, étudier tout ce qui avait trait à l'histoire du Limousin en général pour arriver à quelques précisions. C'est la raison pour laquelle j'ai tout récemment dirigé les débuts d'exploration des souterrains découverts au Puy-Larousse par la famille Garat, et en 1938 me suis aussi penché sur la découverte d'une urne funéraire dans le champ de M. Lachaud, au Puy-Nouhaud. Par ces études j'ai pu acquérir la conviction qu'une agglomération existait dans notre commune à l'époque gallo-romaine, et je vais remonter à une époque bien plus reculée pour tenter d'expliquer comment une collectivité s'est créée en ces lieux. C'est pour ces raisons que les premiers documents de mon ouvrage auront trait à la préhistoire, cette préhistoire chère à nos grands archéologues, et je voudrais citer entre autres les abbés Bouyssonnie et Bardon, de Brive, qui ont eu le privilège et l'honneur de nous expliquer l'histoire de notre plus ancien aïeul. L’ " Homme de La Chapelle-aux-Saints ". Mais je pense qu'il est indispensable au préalable de présenter en ce début d’étude la commune de Linards telle que l'avait vue l'abbé Leclercq en 1926

LINARDS

" Chef-lieu de commune du canton de Châteauneuf-la-Forêt, a une superficie de 3.630 ha et sa population est de 2.030 habitants. Son altitude est de 468 m au-dessus du niveau de la mer.

" Linards, qui était dans l'ancien archiprêtré de Saint-Paul, avait une prévôté dont la fête patronale était la nativité de la Sainte Vierge, et jadis saint Martin. C'est l'abbé de Solignac qui en nommait les titulaires. Les prévôts qui nous sont connus sont : Jean Constant, docteur en théologie et curé de Sainte-Félicité de Limoges le 28 novembre 1706; Antoine de Léonard de Fressanges, docteur de Sorbonne le 1° janvier 1772; Dom Courtin en 1789.

" La cure de Linards avait les mêmes saints que la prévôté. Sur la fin du XVIII° siècle on y comptait neuf cents communiants, soit environ 1.200 habitants. Elle dépendait de Saint-Léonard en 1195 et c'est le prieur de Saint-Léonard qui y nommait les titulaires, comme on le voit par titre depuis 1586 jusqu'à la Révolution.

***

VOICI donc ce qu'était cette agglomération qui à la Révolution et bien avant portait le nom de Linards. On remarquera que c'était surtout le clergé qui en fixait les normes démographiques, et au cours de ce livre je ferai le point, persuadé que la courbe a été fort accidentée et que le nombre de communiants s'est considérablement diminué. Il n'en reste pas moins vrai que, comme dans toutes les agglomérations, l'influence du clergé a été considérable pendant une longue période et que c'est autour de l'église et du cimetière attenant que l'homme a créé son bourg, forgé sa cité.

***

Mais avant d'entrer dans le vif de ce sujet, il est nécessaire, je pense, de chercher dans les grands environs comment l'être humain est arrivé dans la région, qui il était et quelles sont les raisons qui l’y ont attiré. Pour ce faire, je suis dans l’obligation de partir de la préhistoire et avant de revenir à Linards. Nous allons explorer ensemble toute la région limousine et résumer les documents de son histoire.

LA PREHISTOIRE (60.000 ans avant Jésus-Christ)

CE n'est certes pas avant-hier, direz-vous. Mais il faut rendre hommage aux érudits archéologues que sont les abbés Bouyssonnie et Bardon, qui explorèrent les premiers une petite grotte de basse Corrèze dite " de La Chapelle-aux-Saints " et y identifièrent notre plus ancien aïeul, celui qu'ils appelèrent aussi " l'homme du Néanderthal ". Quelle était la morphologie de ce lointain grand-père; comment était-il lors de sa découverte?

Il reposait dans le fond d'une excavation calcaire, semblait sommeiller, et comme le rite de la sépulture existait déjà, il semblerait que l'on avait placé à ses côtés un quartier de bœuf, sans doute comme provisions pour le dernier et long voyage qu'il était sensé effectuer. Ce voyage sans incidents notables aura duré jusqu'en 1908, époque à laquelle les chercheurs vinrent se pencher sur son squelette afin de nous décrire d'une façon précise comment était constitué le plus ancien habitant connu de notre cher Limousin. Il n'était pas, nous dit-on, de très grande taille, mais il était râblé, " court sur pattes " ; son crâne était long et plat, le front incliné et ses arcades sourcilières en saillie dominaient des vastes orbites à l'intérieur desquelles devait briller un regard vif et intelligent. Son nez était court et plat. Sa bouche en saillie aurait sans doute, s'il avait été méchant, pu supporter une " muselière ". Son menton n'existait pratiquement que très peu.

Je me permets une remarque : je suis persuadé en étudiant cette description que si notre race s'est améliorée par les multiples croisements dus aux invasions, aux guerres, aux voyages de toutes sortes même avant l'époque du grand tourisme, il est resté quelque chose chez certains individus de notre région de ce procréateur de notre race humaine. J'ai connu dans ma jeunesse un homme de la région du Mont Gargan surnommé " Lou paï Nas Mounet ", précisément parce que son nez était tout petit, écrasé et large. N'avez-vous pas vu au moins une fois dans notre région des hommes avec un tout petit menton, disparaissant dans un amas de chair grasse du cou et des joues ? Ne nous transmettent-ils pas ces gens-là le souvenir de ce bipède intelligent dont notre race est partie ? Si mon regretté maître Jean Rebier a pu écrire, dans une magnifique chanson

" Pures fleurs d'un noble idéal éclose,

Les Limousines sont des roses

Les Barbichets des papillons. "

Je suis persuadé que les purs chefs-d'œuvre que sont nos jolies filles limousines rendraient fier l'aïeul s'il revenait avec sa compagne sur la terre, et le contraste n'en serait que plus frappant.

(A suivre.)
 
 
CINQUANTE MILLE ANS AVANT JESUS-CHRIST

CES chiffres semblent relever d'une pure imagination ou de la fantaisie, mais qui peut en confirmer ou en infirmer l'exactitude ?

Ils sont cependant ceux que nous transmet l'histoire. La race " moustérienne " de l'ancêtre de La Chapelle-aux-Saints s'est transformée et à ce moment apparaît l'homme de CroMagnon. C'est le créateur d'une race dite " aurignacienne ", plus intelligente et de haute stature. L'idée de guerre n'apparaît pas encore dans ses créations, dans son outillage. Celui-ci semble toujours préoccupé par la chasse et recherche sa nourriture dans le gibier de l'époque. Mais si nous sommes loin de Linards car c'est le Périgord et la Corrèze qui ont été le plus fouillés, et où les découvertes ont été les plus nombreuses, et je pense que s'il n'y avait pas de guerres, les querelles tribales ont sans doute incité certaines familles, certains groupes à émigrer vers nos régions, à s'y installer, et enfin, petit à petit, à créer nos agglomérations, nos villages, nos bourgs ensuite.

L'agriculture a été la première profession humaine ; le sol, dont la végétation naturelle nourrissait hommes et bétail, semble avoir été mis en exploitation à l'époque néolithique. Le blé servait à la nourriture, le lin au tissage des vêtements. Le second métier artisanal qui est apparu est sans doute celui de tisserand, et il n ' y a pas encore longtemps que nous pouvions trouver dans les champs de Linards, vers Salas par exemple, du lin et aussi des tisserands comme celui de Veyssière (près de Saint-Méard), et je pense que le village de La Maillerie, près de Linards, était lui aussi un centre de tissage. J'en profite pour signaler le surnom de " Peilhade " que portait, contre son gré je pense, un habitant de Linards dans les années de ma jeunesse. Les vieux m'expliquaient que la " peilhade " était le déchet qui tombait en bout du métier à tisser lorsque tous les fils avaient été arrêtés. Nous y reviendrons. Le centre du Limousin, c'est à dire notre région était peu peuplé.

2.000 - 900 ANS AVANT JESUS-CHRIST

NOUS voici maintenant à l'âge de bronze dont les témoins sont des pots, des haches et quelques pendentifs. Puis enfin arrive l'âge du fer. Près du village de Salas subsistent encore des traces des mines de fer et ce minerai était transformé sur place. Ces traces : des vases, des colliers, des couteaux aussi. Je regrette que la pièce de fer découverte en 1600, lors de la première exploration de l'un des souterrains du Puy-Larousse, ait disparu. Peut-être nous aurait-elle permis d'affirmer que déjà à Linards, à cette époque, la métallurgie à son état naissant avait droit de cité.

900 - 500 ANS AVANT JESUS-CHRIST

CETTE période nous a livré de nombreuses sépultures, mais je suppose que l’une des plus belles était celle mise au jour par M. Lachaud, au Nouhaud, en 1938. Je recherche actuellement ce qu'est devenue cette urne funéraire qui devrait figurer en bonne place à la mairie de Linards. Je me souviens qu'elle était composée d'une pierre ronde, creusée au burin, couverte par une plaque sculptée et qu'à l'intérieur se trouvait un récipient en verre contenant des ossements. Tout autour des cendres de bois. Peut-être des nouvelles fouilles nous permettront-elles d'obtenir des précisions sur ce témoin du passé et les propriétaires, comme moi, ont la conviction qu'il y avait là une nécropole importante. Mais la question que je me pose est celle de savoir si ces sépultures datent de la Préhistoire ou sont plus récentes, c'est-à-dire de l'époque gallo-romaine ?

FIN DE LA PREHISTOIRE

VOICI enfin que naît le " Limousin ". Les premières peuplades portaient un nom marqué encore en Limousin, celui des Ligures. Peut-être pourrions-nous, pour mémoire, souligner que 1a préhistoire nous a laissés comme souvenir les tumuli et des pierres mégalithiques. A Saint-Paul-d'Eyjeaux, près de Linards, se dresse le Menhir du Métayer. La " pierre levée " d'Eybouleuf et le village de Pierrefiche, par Saint-Bonnet-Briance, sont certainement des témoins de la préhistoire ou de l'époque gallo-romaine. Là, nous entrons dans le domaine cher à mon regretté ami Albert Goursaud. J'ai eu le grand plaisir de travailler à ses côtés au livre " Pierres à légendes du Limousin ", publié par Maurice Robert, de la Société d'Ethnographie du Limousin, et je reviendrai ultérieurement sur ce magnifique ouvrage auquel j'ai moi aussi consacré quelques années de ma vie, car l'œuvre d'Albert Goursaud est plus vaste que ce qui a été publié, et je veux espérer qu'un jour d'autres extraits de cet ouvrage seront édités. Linards y a une grande place; Saint-Paul, Saint-Bonnet-Briance aussi, n'est-ce pas chère amie Germaine Redon, excusez-moi, J'aurais dû dire " Roselyne ". Mais le tumulus appelé à Linards " Château-Sarrazin " est lui aussi un témoin du passé qui aura sa place dans mon étude en attendant que nous tentions de lui arracher ses secrets. Les souterrains-refuges de Linards, dont le dernier, découvert au Puy La Rousse, a fait récemment l'objet d'une émission de télévision. Dans cette émission, M. Lachaud, maire de Linards, les jeunes de la Société d'Ethnographie et moi-même avons eu une place de choix. Ce refuge nous a déjà livré des vestiges de céramique et de poteries en cours d'étude dans les services spécialisés. Il est réconfortant de constater que des jeunes étudiants, dédaignant ou délaissant pour un moment les attraits de la vie moderne, ont accepté de ramper dans la boue à la recherche des traces de nos ancêtres. Le premier souterrain - refuge avait été exploré, mais n'avait livré qu'un outil en fer mal défini. Ces abris ont eu plusieurs usages, même pendant les guerres de religion, la Révolution ou l'occupation. Toujours l'homme, devant le danger, a demandé au sol de l'abriter dans ses flancs pour le soustraire à l'ennemi, animal ou humain.

***

ON ne parle pas encore des Limousins, mais des Ligures dont Saint-Jean et Saint-Priest-Ligoure perpétuent le souvenir. Que furent ces Ligures ? Tout d'abord la première communauté connue dans notre région. Les historiens nous disent qu'ils venaient du Nord, peut-être des mers arctiques ou de la Baltique, à la recherche d'un climat meilleur, de sol plus fertile, certains peut-être aussi de l'Inde, et c'est donc un mélange de races variées qui occupera notre pays avant que les Gaulois ne viennent créer cette Gaule qui situe, pour les jeunes écoliers, le départ de l'histoire de France. Ils savaient travailler le bois, la pierre et les métaux. On nous les décrit comme étant bruns, les yeux bridés, un visage légèrement mongolique. Leur outillage est en bronze ou en fer, ils ont domestiqué le cheval et la race bovine, ils ont le respect de la sépulture et croient en une divinité, à la survie de l'âme, et ont leurs prêtres ou leurs druides.

(A suivre.)
 
 
600 ANS AVANT JESUS-CHRIST

VOICI les Celtes. Ils nous viennent d’outre-Rhin. Ils fusionnent avec les Ligures et donnent naissance à leur langue et à leur, religion. Ce sont de bons cultivateurs, mais ils ont aussi l'esprit conquérant et guerrier. On nous les représente comme étant râblés, larges d'épaules ; mais parmi les Celtes il y avait aussi une espèce qui se retrouve dans la région de Linards-Saint-Léonard : taille assez grande, visage clair et ovale. Quant à leurs grands cheveux, soignés, blonds parfois, j'ai cru retrouver quelques traces dans nos bals de campagne actuels, mais ce fait n'est pas unique à la région de Linards et au Limousin.

Voici enfin les Lémoviques, dignes successeurs de ce mélange des races celtique, ibérique et Ligure. C'est dans les " commentaires " de César que le nom celtique de Lémovice apparaît, ce sera celui des habitants de notre région pendant près de trois quarts de siècle, c'est à dire pendant l’époque gauloise.

Sans doute, me direz-vous, je suis bien loin du titre de cet ouvrage, mais pour situer ma commune dans son véritable cadre, j'ai estimé indispensable de rechercher ses origines, et d'essayer de retrouver par ma documentation personnelle les points de ressemblance de nos contemporains avec leurs plus anciens ascendants, car le caractère, le type ethnique, malgré les mélanges de races et de populations, ne se perd jamais complètement.

Voici donc ce qu'étaient ces primitifs précurseurs de notre civilisation, et voilà aussi pourquoi nous portons le nom de Limousins, dont nous sommes fiers, d'ailleurs, autant que le Bourguignon de son terroir ou notre cousin auvergnat de son Arverne natale.

AVEC les Lémovices ou Lémoviques, c'est l'histoire de France qui commence. Des historiens bien mieux qualifiés que moi ont écrit cette histoire et ce n'est que pour mémoire que je veux en évoquer les grandes étapes. Ces Lémovices ont été sans doute les premiers résistants de notre région. Luttant eux-aussi, tout comme nous plus tard, sous les ordres de Georges Guingouin et des grands chefs de la résistance intérieure française, tout comme aussi-les courageux opposants au régime de Napoléon III dont j'évoquerai le souvenir puisque ce fut la bataille de Linards qui, dans la -nuit du 4 au 5 décembre 1851, opposa les républicains patriotes de l'époque aux mercenaires de celui que Victor Hugo appelait l' " affreux bandit à la moustache épaisse ", les Lémovices participèrent à la bataille d'Alésia et virent sans doute leur dernier bastion assiégé à Uzerche par les Romains.

LE LIMOUSIN GALLO-ROMAIN EST NÉ

APRES les batailles évoquées ci-dessus (an 50) la paix romaine apporte à notre pays une ère de prospérité et de développement, mais à quel prix ? Vercingétorix, premier héros d'une résistance intérieure, est écrasé à Alésia, et les Lémovices se soumettent aux " Proconsuls romains ".

C'est l'occupation, avec déjà cet affreux mot de " Légionnaire " qui apparaît. Les historiens nous disent que ces vainqueurs impitoyables ont laissé le pays dans un triste état après s’être terriblement vengés sur leurs vaincus; on parle de milliers, voire de millions d'esclaves et d'autant de cadavres. La région Lémovique est soumise, et lamentablement elle devra subir son sort. Comme l'histoire est un éternel recommencement, nous pouvons penser encore mieux à ce que serait devenu notre pays si la résistance intérieure française ne s'était pas levée pour aider nos alliés et les forces françaises libres à le libérer. Dans le chapitre que je consacrerai aux heures héroïques de la libération et de la résistance, je reviendrai sur ce sujet aussi objectivement que possible. Les camps de César naissent, un peu partout. Je me propose de retrouver le camp de César qui m’a été signalé sur le territoire de la commune de Linards, ce camp retrouvé paraît-il lors du remembrement, indiquerait que Linards, comme tout le reste du pays fut soumis à la botte des premiers occupants, ce que sans doute ignoraient les quelques misérables collaborateurs de la, région qui " souhaitaient la victoire de l'Allemagne hitlérienne ";

III° SIECLE : NAISSANCE DU LIMOUSIN ET DU LIMOGES GALLO-ROMAIN

NOUS sommes au III° siècle, la République romaine est devenue un empire et l'occupant compose avec ses vaincus; l’unité gallo-romaine se forme, un état nouveau plus libéral naît, l’étau se desserre, une vie plus moderne apparaît; mais déjà on prononce le mot " impôt ". Les contestataires devaient aussi alors exister, mais les historiens n'en parlent pas. Le service militaire naît aussi, et devient obligatoire. Peu de renseignements nous sont donnés sur les " bidasses " de l'époque, sans. doute avaient-ils eux aussi leurs adjudants, leurs permissions et leurs punitions. Le coq gaulois a pu, malgré l'occupant, tenir toujours sa tête haute et prendre aussi à l'occupant romain ce qu’il lut apportait en matière de civilisation et de modernisme, mais il est resté fidèle à sa religion nationale, et c'est un latin mitigé de celte qui devient la langue régionale : " Qu'ério beleu notre patouei que venio de naissei se aussi ", dirais-je, mais aucun document précis ne nous le prouve. Limoges, qui ne prendra son nom définitif que plus tard, vient de naître sur les bords de la Vienne, près de La Roche-au-Go, et part à l'assaut des collines de la rive droite, à laquelle elle est reliée par un pont de pierre. Ritu devient Augustoritum et compte plus de 20.000. habitants. La capitale du Limousin est née, et sans doute à 30 km de là une petite cité naît aussi. S'appelle-t-elle déjà Linards ? Je ne le pense pas, mais là aussi les hommes construisent, cultivent, commercent aussi. Enfin, la cité, là aussi, se crée.

VESTIGES DU PASSÉ A LINARDS

QU'ETAIT-ELLE, cette cité, à l'époque gallo-romaine ? il est bien difficile de le préciser, car aucun document précis ne nous le permet. Toutefois, puisque nous sommes à l'époque gallo-romaine, il nous est permis de faire quelques déductions, en nous basant sur les quelques vestiges de ce passé.

Je suis persuadé que l'agglomération qui porte actuellement le nom de Linards existait bien à cette époque. Mais je suis aussi persuadé qu'elle n'était pas située sur l'emplacement du bourg actuel. Tous les vestiges que nous avons pu découvrir sembleraient situés d'une part dans une vaste bande de terrain dont le point culminant serait Le Puy-Lavire, à la limite des communes actuelles de Châteauneuf-la-Forêt et de celle de Linards, traverseraient les villages de Buffangeas, Sautour-le-Grand, Manzeix, Buffangeas, au nom évocateur des vents qui soufflent fort sur ces hauteurs, rejoignant le ruisseau dit de La Maillerie, jadis riche en écrevisses, pour passer à proximité des " Pueys ", où nous-trouvons le château Sarrazin, tumulus fort intéressant, traverserait les villages du Nouhaud, du Puy-Larousse, engloberait les villages de Salas, Beaubiat et irait se terminer sur les bords de la Briance, au moulin de Salas.

Des traces de vie à cette époque se retrouvent aussi vers les villages de Mazermaud, Oradour, La Gane-pas-Chabre (nom certes curieux), et enfin sur une petite colline dominée par les restes du château de Lage-au-Mont (actuellement Lajaumont). Je reviendrai sur ces sites, mais je précise d'ores et déjà que les plus belles haches ou pierres polies ont été découvertes dans un champ à proximité de Mazermaud, appartenant au sympathique conseiller municipal de ce quartier qui a conservé le surnom du " Faubourg ".

(A suivre.)
 
 
Mais revenons tout d'abord à Manzeix où un souterrain a été exploré il y a quelques années. Le regretté bâtonnier M° Couraud, dont la brusque disparition a attristé tous ses amis et tous les historiens et archéologues de la région, avait visité ce souterrain et l'avait je crois situé à environ 150 mètres du village de Manzeix. L'origine exacte n'avait pu être précisée, et c'est sans doute dans le plan général d'étude de cette région que nous devons l'inscrire.

***

En parlant précédemment du " sympathique conseiller municipal de Mazermaud ", les lecteurs auront certainement compris que j'avais voulu désigner M. André Duchez qui a bien voulu me confier ces belles pierres taillées et haches préhistoriques qui, jointes à celle non moins belle remise par Henri Lachaud, sont actuellement en cours d’étude par des techniciens compétents qui nous en donneront une description détaillée, ainsi que je l'espère une photographie d'ensemble. Merci, André Duchez, et toi aussi, Henri Lachaud, vous avez par cet acte apporté, c'est bien le cas de dire, " vos pierres " à ce modeste édifice. D'autres aussi, tels René Frugier, m’ont confié des éléments monétaires précieux, mais ce serait anticiper sur l'avenir que de citer tous les noms de ceux qui, bénévolement, m'ont, depuis la parution de mon avant-propos, apporté spontanément leur appui et leur collaboration. Linards en Limousin était déjà rédigé lors de la parution de ses premiers numéros, mais je suis obligé de constater le vif intérêt que cette étude suscite d'ores et déjà dans toute cette région et ailleurs. Déjà, ce livre est demandé en librairie. Je tiens à préciser tout d'abord que lorsqu'il paraîtra, la distribution en sera confiée aux modestes commerçants locaux de ma commune, ainsi qu'aux libraires qui ont bien voulu me communiquer des documents ou me prodiguer des conseils. Mon but n'est par lucratif. Cette aide inespérée, car je faisais cavalier seul, m'amène à remettre en cause bien des problèmes et j'en suis heureux. Respectueux des sages conseils de Boileau :

Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage

Polissez-le sans cesse, et le repolissez

Quelquefois ajoutez, mais souvent effacez...

Je modifie dans le sens désiré, mais si je n'efface que très peu, à l’inverse j'ajoute, grâce à vous, mes amis, beaucoup. Des habitants âgés de Linards, dont certains avaient pour leur satisfaction personnelle rédigé des textes, les ont complétés et me les remettent. Je suis obligé de constater que leur instruction, leur style, leur intelligence confirment bien ma conviction qu'à Linards, la " race humaine limousine " (je m'excuse de cette expression) a une grande valeur. Il suffirait à l'un de nos lecteurs d'écouter quelques-unes de nos conversations " au coin du feu " avec mes aînés pour comprendre qu'ici l'air pur, le climat vivifiant, la qualité des familles de très vieilles souches, a peut-être aidé aux habitants à rester sains, à conserver une bonne mémoire et à rester attachés à leur sol natal. Rendant donc à César ce qui lui appartient, je ferai donc écrire en les présentant tous ces collaborateurs bénévoles, qui ont compris les principes généraux définis dans mon avant-propos. " Linards en Limousin et ses environs " ne sera plus de ce fait seulement mon œuvre , mais aura aussi été réalisé avec l'aide de ceux qui, je le répète, pensaient comme moi qu'il était bien de transmettre à nos enfants, " aux hommes de l'an 2000 ", tout comme aux olympiades, le flambeau, la flamme qui anime cette belle localité qui porte le nom de Linards.

Ce faisant, j'aurai rendu hommage à l'un de mes maîtres, l'écrivain limousin Charles Sylvestre qui, en 1939, préfaçait ainsi mon ouvrage : " Jeunesse limousine " .

" Une bonne poignée de jeunes Limousins vient de lier une première gerbe. "

Cette deuxième gerbe, nous la moissonnons, et ensuite, tous ensemble, nous la lierons, afin qu'elle prenne sa place parmi les études de mes prédécesseurs : Cousseyrou, pour Peyrat-le-Château, l'abbé Leclerc pour le département, Nouailhac, Rebier, Franck Delage, Maurice Robert Couraud, Périer et autres chercheurs plus érudits et qualifiés que moi-même.

***

LE SOUTERRAIN DU PUY-LAROUSSE.

Ce souterrain était sans doute identique et de même époque que celui du Puy-Larousse exploré par nous récemment. Ce village, au nom bien caractéristique, est situé sur une petite colline, et compte environ six maisons. On y accède par un petit chemin qui traverse le village. La première ferme à gauche est la ferme appartenant à la famille Garat. Dans le pré situé à proximité de cette ferme, " Lou Coudert ". il y a quelques mois, M. Garat s'aperçut qu'une excavation venait d'apparaître, et ses enfants, aidés des voisins, descendirent dans ce trou. A leur grande surprise, une galerie qui semble très longue et dont l'entrée est maçonnée habilement leur permit une première exploration.

(A suivre)



J'ai fait immédiatement un rapprochement avec le texte ci-dessous que nous donne l'abbé Leclercq dans son magnifique dictionnaire des communes, édition de 1926 : Puy-Larousse (Linards) : Vers 1780, on a découvert dans ce village une galerie souterraine qui devait faire partie d'un souterrain-refuge de l'époque gallo-romaine. On y a d'ailleurs recueilli des restes d'outils qui étaient rongés par la rouille.

La présomption d'origine émise par l'abbé Leclercq est-elle exacte ? Je le pense, mais j'ai pensé aussi qu'il nous fallait prendre l'avis des spécialistes actuels de ces questions, et c'est au groupe de recherches souterraines de la Société d'Ethnographie du Limousin qu'est revenu le mérite, non pas de fouiller entièrement ce souterrain, mais de tirer des conclusions de ce que les propriétaires des lieux étaient en mesure de leur montrer. Une visite fut décidée, et en présence de M. Lachaud Jean, maire de Linards, qui le premier descendit dans ce souterrain, en présence aussi des reporters de l'O.R.T.F. et des habitants du village, nous descendîmes dans ce labyrinthe, éclairés par un puissant sunlight, et nous fûmes émerveillés par le travail réalisé par nos ancêtres. Une porte d'accès bien maçonnée, une voûte bien taillée, et aérée jadis par des cheminées aujourd'hui bouchées, enfin une belle demeure souterraine. Mais je laisse aux jeunes explorateurs de la Société d'Ethnographie le soin de vous faire part de leurs conclusions et de leurs constatations.

RAPPORT DU GROUPEMENT DE RECHERCHES SOUTERRAINES DE LA SOCIETE D’ETHNOGRAPHIE DU LIMOUSIN

LA CAVITE ARTIFICIELLE DU PUY-LAROUSSE, A LINARDS

LES souterrains dits " refuges " sont nombreux en Limousin, mais les labours profonds en découvrent toujours de nouveaux à proximité des villages, sur des terrains cristallins souvent très difficiles à creuser.

Celui du Puy-Larousse, commune de Linards, visité par le groupe d'études des souterrains de la Société d'Ethnographie, à la demande de M. Dumazaud, présente des aspects semblables aux types les plus communs.

On y accède par un puits vertical ; l'entrée est maçonnée en petites pierres plates liées par un ciment argileux ; l'ouverture est réduite (1 m x 0,50 m) et donne accès à une galerie. Cette dernière, orientée S.W.-N.E., présente, à deux mètres environ de l'entrée, une maçonnerie du même type que la précédente.

A la suite de cette salle, s'ouvre une nouvelle galerie S.E.-N.W., qui, après avoir effectué un coude, se rétrécit, à environ 5 m du départ, et forme l'embrasement d'une porte. Deux feuillures semblent attester la présence d'une fermeture.

Vers l'aval, sur la paroi gauche, est aménagé un renfoncement de niche de 1 m de large sur 0,50 m de hauteur et de profondeur. Les galeries sont, au-delà, obstruées par des éboulis de la voûte.

Comme toutes les cavités souterraines, Il est impossible de se prononcer, actuellement, sur l'origine de celle de Puy-Larousse. Bien qu'on ait trouvé, en déblayant le puits d'accès, une fusaïole et de nombreux fragments de poterie médiévale, on ne peut pas affirmer que le souterrain est moyenâgeux.

GROUPE DE RECHERCHES SOUTERRAINES DE LÀ S.E.L.M.


Pour ce qui me concerne, j'ajouterai seulement que ce souterrain, s'il est d'origine gallo-romaine, a pu servir aussi au moyen âge d'abri et de refuge, et qu'il a certainement des communications avec celui signalé par l'abbé Leclerc tout près de là, et peut-être est-ce le même. Une légende transmise de générations en générations, mais dont aucune preuve matérielle ne subsiste, fait dire aux habitants de cette région qu'un château existait aussi au Puy-Larousse, et qu'il communiquait par les galeries souterraines avec Manzeix et Saint-Méard. Certains se sont émus de nos investigations. Nous leur répondrons simplement que nous ne sommes jamais trop nombreux pour effectuer bénévolement de tels travaux, et que c'est avec plaisir que j'accueillerais leurs suggestions, leur aide ou leurs observations.

Mais quittons maintenant Le Puy-Larousse pour nous rendre de l'autre côté de la route, à proximité du village du " Nouhaud ". C'est là que, dans un champ appartenant à M. Lachaud, nous avons pu assister à la mise au jour d'une splendide urne funéraire. Cette urne reposait sur un lit de cendres de bois à environ 50 cm de profondeur. Elle était en granit, recouverte d'un lourd couvercle. Elle avait un diamètre extérieur de 67 cm et la cavité intérieure un diamètre de 38 cm et une profondeur de 32 cm. Dans cette urne, un récipient en verre sculpté de couleur verte contenait des ossements calcinés.

(A suivre.)

M. Lachaud nous avait dit à l'époque qu'il pensait que son champ devait être une ancienne nécropole et qu'il devait y avoir bien d'autres urnes identiques. C'est dans ce même champ que fut découverte une très belle hache en pierre polie. Pour nous garder de conclusions hâtives sur l'origine de cette hache, je vous communiquerai les conclusions des spécialistes de la Société d'Ethnographie.

Il est à signaler que la Creuse. dans ce domaine aussi, possède des centaines de pierres et sépultures de ce genre, et qu'à Bessines et Chassenon des découvertes identiques datant sans doute du I° ou II° siècle ont été faites.

VIEILLES PIERRES DU LIMOUSIN

Pour bien comprendre tout l'enseignement que nous pouvons tirer des vieilles pierres, témoins imperturbables du passé, d'un passé je le répète trop imprécis pour que l'auteur d'une monographie puisse être affirmatif en tout, j'ai pensé qu'il était indispensable tout d'abord de se reporter à la minutieuse étude de mon ami Albert Goursaud, afin de savoir comment il classait les diverses sortes de pierres recueillies en Limousin. C'est donc à ce livre merveilleux rédigé par Albert Goursaud, avec de nombreux collaborateurs dont je m'honore d'avoir fait partie, avec l'aide de Germaine Redon, vers les années 1934, et qui porte le titre " Pierres à légendes et pierres curieuses du Limousin ", que j'emprunterai la définition de ces pierres. Ensuite, c'est à Maurice Robert, l'érudit Président de la Société d'Ethnographie du Limousin, que je demanderai, par un rapport très précis, de nous décrire les pierres pour le moins curieuses, mais d'une valeur historique certaine. C'est d'ailleurs à Maurice Robert que nous devons l'édition de " Pierres à légendes ". Donc, dans ce livre, Albert Goursaud nous explique ceci (1). Le classement peut se faire en diverses catégories :

Pierres d'amour et de mariage. Ce sont, nous dit-il, des pierres de deux catégories différentes que l'on trouve un peu partout en Limousin : celles que fréquentent les femmes mariées pour avoir des enfants (nous rejoignons ici le verrou de Saint-Léonard) et celles susceptibles de procurer un mari aux jeunes filles dont l'âge s'avançant commencent à désespérer et craignent de rester vieilles filles. Albert Goursaud a recueilli ces renseignements assez curieux :

" Quelquefois elles ont une forme nettement caractérisée, justifiant cette sorte de fétichisme (phallus comme le cippe de Javerdat), mais comment peut-on expliquer le geste des jeunes filles enjambant la pierre fourchue de Javerdat pour obtenir un mari ? Une interprétation est possible; mais ce n'est peut-être pas la bonne. Si l'on admet que la fourche peut être regardée a priori comme une image symbolique de l'organe génital féminin, ce geste des jeunes filles ne serait que la mise en application d'un rite magique où l'on voit l'organe géniteur femelle poussé par ce besoin puissant de la procréation qui lui est imposé par la grande loi de la conservation des espèces solliciter son complémentaire, l'organe géniteur mâle, afin de perpétuer la race; autrement dit, l'on voit les filles en mal d'amour appeler l'arrivée de l'époux qui, seul, en toute honnêteté peut apaiser leur soif ardente de faire des enfants. Il y a ensuite les pierres dites à frottis, contre lesquelles les femmes vont se frotter le ventre ou sur lesquelles elles vont glisser dans l'espoir d'une maternité. " (A. Goursaud.)

Cette étude franche et honnête d'un éminent technicien m'amène à rechercher quels lieux ou quelles pierres avaient cette efficacité dans notre région : il y avait, je crois, la Pierre Lène de Meuzac (15 km de Linards), et sans doute les belles Linardaises de jadis s'y sont-elles rendues quelquefois, à moins qu'elles n'aient préféré piquer une épingle dans la robe de sainte Anne le jour du pèlerinage ou toucher le verrou de Saint-Léonard. Mais à Linards i1 n'y a, hélas ! aucune pierre qui, à ma connaissance, possède ces vertus. J'ai pensé qu'il était malgré tout indispensable de signaler ces coutumes curieuses. La Pierre Lène de Meuzac est classée, par Goursaud dans la catégorie des " Pierres à frottis ".

Pierres hantées par des animaux : aucune trace dans notre région.

Animisme, pierres vivantes. Récemment, un géologue a pu écrire, peut-être à la suite de mon étude sur les pierres de Boulandie, que ces pierres poussaient. Or, c'est une autre catégorie de classement dans laquelle je ne retiens pas non plus les pierres de Boulandie et de Saint-Martin. Je ne peux mieux faire que de reproduire à la suite le texte de ma participation à l'étude de Goursaud et où je signale que le propriétaire, M. Reineix, m'a expliqué qu'au contraire il avait vu ces beaux rochers s'enterrer depuis sa jeunesse. M. Reineix devait alors avoir 75 ans.

Pierres qui se déplacent. C'est Germaine Redon qui, sous le numéro 138 de l'étude nous expliquera le cas curieux du menhir du Métayer, à Saint-Paul-d'Eyjeaux (environs de Linards).

Armes et outils préhistoriques. Goursaud a fait une longue enquête sur les outils, armes et pierres taillées. Il signale que c'est au début du XVIII° siècle qu'elles furent reconnues comme outils préhistoriques. Après avoir terminé ces énumérations, nous verrons ensemble quelles richesses furent trouvées à Linards dans cette catégorie.

Il y avait aussi les châtiments exercés par certaines pierres; nous trouvons ces châtiments aussi dans les pierres de Salas de Linards.

Puis la christianisation de certaines pierres. Saint Martin de Tours qui semble s'être beaucoup déplacé dans le Limousin, et dont nous trouvons de nombreuses traces dans la région de Linards, a profondément imprégné les légendes en croyances populaires de cette commune. Mais je ferai, sur ses traces, une petite promenade en Limousin, car il est le saint dont on parle le plus et auquel on attribue les plus merveilleux pouvoirs.

-----------------------------

  1. " Pierres à légende ", d'Albert Goursaud, en vente à la S.E.L.M., 4, avenue des Bénédictins à Limoges. 20 F.
LE manque de place nous oblige à différer l'article de L. Dumazaud concernant l'un de ses meilleurs informateurs. Nous adressons nos félicitations et nos vœux à ce fervent pionnier de la Coopération agricole qu'est M. Antoine Cluzaud, de Mazermaud, et à son épouse à l'occasion de leurs noces d'or (cinquante ans de mariage).
 
 
Châtiments exercés par certaines pierres. Vous verrez aussi qu'à Salas un carrier fut châtié pour avoir voulu s'approprier les rochers christianisés de Saint-Martin-de-Salas. Mais ces pierres avaient, bien avant la lutte de saint Martin de Tours contre le paganisme, pour les habitants du pays un pouvoir magique, et les nombreuses fontaines et pierres prirent, lors de son intervention, le nom de pierres, roches, fontaines de Saint-Martin, et la christianisation n’eut donc pour effet que d'officialiser et de donner un nom de saint à ces lieux jadis païens où l'on invoquait sans doute une quelconque déesse ou un dieu topique. C'est l'opinion de Goursaud. Nous y reviendrons.

Il y avait aussi la Sainte Vierge, les dévotions, les offrandes. Nous les retrouverons à Salas et à Boulandie.

Pierres à cupules. Ces pierres, ces rochers présentent à leur surface des cavités en forme de bols, d'écuelles, peut-être dues à l'érosion, aussi dans quelques cas à la main de l'homme, mais l'on retrouve très souvent une curieuse propriété de ces cupules : conserver l’eau en toutes saisons, et si on les assèche on découvre un fraisil, une poudre aux pouvoirs miraculeux pour la santé des hommes et des animaux.

Goursaud signale aussi les Pierres-bornes, sortes de menhirs très aigus de belle facture, servant sans doute jadis de repères entre les propriétés. L'une d'elles, très belle, est située près de la " Garenne des Lapins ", à proximité dé Crorieux. Cette pierre, auprès de laquelle se trouve une autre du même genre mais plus petite, pouvait aussi servir de halte lors des convois funèbres. Une pierre identique existe près du village du Grand-Bueix, dans un bois.

Il y a aussi les pierres à empreintes (nous en trouverons à Linards; les pierres de justice, les pierres de météorologie que l'on retournait pour faire pleuvoir; je n'en ai pas trouvé dans ma région, par contre le dolmen de Beauvais, commune de Châteauneuf, nous dit Goursaud, était réputé pour attirer la foudre. (A. Goursaud se réfère à une étude de notre collègue M. Dominique, Selm n°28.) Mais l'inventaire serait trop long, revenons à celles qui nous intéressent à ce jour, c'est-à-dire les armes et outils préhistoriques.

Grâce à la perspicacité et l'amabilité de MM. Lachaud et Duchez nous pouvons aujourd'hui examiner ensemble des pierres magnifiques dont le rapport de la Société d'Ethnographie du Limousin nous donne l'étude et la description. Je livre au lecteur, dans son texte intégral, cette étude, ainsi que la photographie de ces pierres dont la valeur est incontestable. Mieux que de longs écrits ce rapport et ces documents témoignent que j'ai eu raison de faire partir mon étude de la préhistoire, et répondent aux critiques qui ont pu m'être adressées à ce sujet. Oui, Linards a vécu à l’époque du néolithique, n'en déplaise à certains " Tistous " ou autres contestataires de cette étude. En voici la preuve :

Rapport de la Société d'Ethnographie du Limousin et de la Marche


HACHES POLIES DE LINARDS

M. L. Dumazaud nous a confié deux haches en parfait état et trois autres brisées.
 
 

La hache n°1, d'un poids de 210 g et de 11 cm de long pour 4,5 cm au tranchant, présente deux légers méplats sur les bords. Elle a été polie dans une éclogite, roche métamorphique de haute pression, rare en Limousin et qui pourrait venir de Sauviat-sur-Vige ou de Pierre-Buffière.

Elle a été recueillie par M. Lachaud Henri, propriétaire au village du Nouhaud.

La hache n°5, d'un poids de 110 g, est longue de 8,5 cm et présente un tranchant au fil légèrement dissymétrique; la nature de la roche n'est pas encore connue; ce pourrait être une aplite. Ses petites dimensions et sa belle facture pourraient laisser supposer que nous sommes en présence d'une hache votive.

Elle a été remise à M. Dumazaud, comme les pièces suivantes, par M. Duchez, de Mazermaud.

La pièce n°2 est une partie d'une hache polie dans une micro-diorite.

La pièce n°3 est un beau tranchant au fil dissymétrique; elle avait été façonnée dans un basalte,

La dernière pièce (n°4) est un beau tranchant d'une grande hache en micro-diorite, le profil du tranchant à deux biseaux est très aplati.

Ces nouvelles pièces, s'ajoutant à la hache trouvée à Bonnefond, en 1946, témoignent. de la présence - ou du passage - des hommes du néolithique à Linards.

Nous remercions notre collègue Lucien Dumazaud de nous avoir confié ces objets, et M. Dutreuil, maître assistant de géologie, qui a déterminé la nature des matériaux.

Maurice ROBERT.
 
 
A mon tour, je dis à Maurice Robert combien je suis heureux de l'appui qu'il a bien voulu m'apporter pour l'identification de ces témoins du passé.

---------------------------------------------------------------

Je profite de la parution de ce numéro pour adresser à l'un de mes plus précieux informateurs, M. Antoine Cluzaud, de Mazermaud, mes félicitations pour ses noces d'or, qui ont été célébrées à Linards le 11 juin. Né à Linards le 11 mai 1899, M. Cluzaud est le témoin de l'attachement de l’habitant à son sol natal : il n'a jamais quitté sa maison natale où il a pris la suite de ses parents et grands-parents. Ses deux enfants, Adrien et Josette, exploitent une propriété de 11 hectares, et les petits-enfants continueront certainement cette chaîne familiale, cette transmission du flambeau. Syndic de la C.O.P.U.F.A.L. pendant sept ans, Président de la Caisse locale d'Assurances mutuelles, membre de la Société d'horticulture et pomologique de France, conseiller municipal et adjoint au maire pendant vingt ans, M. Cluzaud fut aussi le promoteur du remembrement et de l'Association foncière de Linards, en 1962. Syndicaliste, coopérateur, administrateur, animateur du Crédit agricole, il a la satisfaction d’être le titulaire de huit diplômes de la Mutualité, et sa dernière promotion est celle du Mérite agricole.

(A SUIVRE)


Il est un de ces hommes profondément épris de leur commune et de leur terre natale. Aussi a-t-il eu le mérite d'étudier pour vous, chers lecteurs, de nombreux aspects du visage de notre cher Linards en Limousin. Je ferai une très large mention de ses études tout comme de celles d'autres bons Linardais, tels M. Gilles Père, Sage, Dr Couty, Marcel Sylvain, tous enfants de Linards, qui se souviennent et ont bien voulu, pour moi, égrener leurs souvenirs, se pencher sur le passé de notre chère commune, et combien sont précieux tous ces renseignements qui feront, comme je le disais précédemment, de " Linards en Limousin ", l'œuvre commune de tous ceux qui aiment ce pays, en ont vécu l'histoire, et désirent qu'elle ne se perde pas. Les maires habiles et avisés de Linards, les divers Conseils municipaux actifs jusqu'à ce jour, ont transformé l'antique Linards, et dans ce magnifique cadre la continuité dans l'action, le désir de bien faire et d'améliorer ce qui existe n'ont jamais été des mots vains. C'est la raison pour laquelle, grâce à ces hommes de bonne volonté Linards en Limousin peut se flatter d'être une gracieuse bourgade accueillante, propre, bien administrée et qui sans cesse évolue. Le maire actuel, Jean Lachaud, est le méritant continuateur de cette réussite.
L. DUMAZAUD


Passons maintenant à l'étude des pierres et roches curieuses de Linards. Je n'ai rien trouvé à ajouter aux textes qu'Albert Goursaud a bien voulu reprendre dans sa magnifique étude. Cependant, grâce à l'amabilité de M. Lucien Reineix et de son gendre M. Aimé Sautour, j'ai pu faire un nouveau pèlerinage sur ces curieuses pierres de Boulandie et sur les roches de Saint-Martin.

L'excellent photographe André Combeau, de Confolens, qui a bien voulu bénévolement se mettre à ma disposition, m'a apporté lui aussi une aide précieuse.

Je dois ajouter qu'au cours de mon enquête sur ces pierres, j'ai aussi découvert : une magnifique pierre sculptée dont nous donnerons l'analyse, vestige sans doute de l'ancien château de Lajaumont, encastrée dans un mur des nouveaux bâtiments. Nous y reviendrons. Une pierre curieuse, d'assez grande taille, dans un bois à proximité du Grand-Bueix : je pense qu'il s'agit d'une borne limite qu'Albert Goursaud définit ainsi : " L'aspect général d'un menhir, haute pierre dressée dans le paysage, dominant de toute sa taille le terrain qui l'entoure et à peu près impossible à déplacer, a fait que ce monument a été adopté fréquemment comme point de repère pour délimiter les propriétés environnantes. "

Une autre pierre de ce genre se trouve dans le " Pré-Martin ", à proximité de la " Garenne des Lapins " et de l'ancien village de Crorieux. Cette pierre a, elle aussi, la forme d'un menhir, et tout près d'elle une autre identique a pu servir de halte au cours des convois funèbres qui passaient par le vieux chemin aujourd'hui disparu, mais bien connu jadis de la jeunesse et des amoureux de la Belle Epoque.

Je reprends donc ci-dessous les textes des documents recueillis par moi à Linards en Limousin et ses environs :

N° 97. - LINARDS : Pierres Saint-Martin de Boulandie.

Elles sont au nombre de quatre. Trois sont situées dans un pré, en bordure de la route de Boulandie (Linards au Grand-Bueix), à 200 m environ du village, quant à la quatrième, elle se trouve à la lisière du bois bordant le pré. Ces pierres, d'aspect rougeâtre, diffèrent tellement par leur aspect naturel de celles que l'on peut voir habituellement dans la région, que les paysans, pour expliquer leur présence en ce lieu, prétendent qu'elles ont été apportées par le " bon saint Martin ", d'où leur nom de Peyras Sen Marti. Elles semblent s'enfoncer dans le sol marécageux et le propriétaire affirme qu'elles ont pénétré de 30 cm au moins depuis qu'il les connaît. C'est pourquoi, afin de vérifier leurs dimensions exactes, il a fouillé d'une d'elles, mais bien qu'ayant creusé un trou de plus de 2 m de profondeur, il n'a pu en découvrir la base.

D'après la tradition locale, saint Martin aurait habité jadis Boulandie, qui aurait été sa première halte en Limousin. Victime de vexations de la part des bergères, il se serait réfugié avec sa famille à Salas (ci-après), puis à Saint-Bonnet-Briance, et enfin au Vigen.

Sur l'une des pierres, on montre la trace de ses genoux et de ses poings; c'était, dit-on, son prie-Dieu. Ces trous sont toujours pleins d'eau, même en période de sécheresse.

Sur la seconde on voit la forme d'un petit pied.

La troisième, qui est aussi la plus grosse, porte plusieurs empreintes, On y voit notamment la place où le saint s'asseyait (des sillons creusés dans le roc auraient été faits par les plis du pantalon) ainsi que la place de son chapeau (un grand trou), enfin la trace de ses poings.

La quatrième ne porte pas de traces caractéristiques. A 200 m des pierres se trouve une " bonne fontaine ", fort peu fréquentée aujourd'hui.
(A SUIVRE)


Détail à noter : on dit que partout où coule l'eau de cette fontaine, l'herbe ne pousse pas.
(L. DUMAZAUD)


N° 98. - Même commune : Les Roches de Saint-Martin à Salas.

Ces roches surplombent la rivière " la Briance " à proximité du moulin de Salas et du village du même nom.

Dans un rocher formant ilôt, entre la Briance et le chenal d'alimentation d'un vieux moulin désaffecté, on distingue cinq trous d'une profondeur de 15 à 20 cm environ. Ce sont, dit la légende, les pas de saint Martin qui, autrefois, a habité ce lieu. Un de ces trous serait l'emplacement de sa tête et un autre l'empreinte de sa tabatière. Ce dernier est, en effet, toujours garni de " fraisil " semblable à du tabac à priser. Un autre trou, bien que surélevé par rapport au niveau de la rivière, est toujours à, moitié plein d'eau, même au milieu des étés les plus torrides.

Lors de la construction du moulin Rivet, il a été trouvé une roche sur laquelle figuraient les empreintes d'une main et d'un genou.

Enfin, dans le lit de la Briance, on signale un grand trou qui était lou tineu (le cuvier) dans lequel le saint faisait sa lessive.

Au pied des roches de Saint-Martin s'élève une croix. Devant cette croix, il y avait autrefois un berceau taillé dans la pierre; il est aujourd'hui recouvert par une couche de terre et un petit mur y a été édifié pour servir-de socle à la croix.

C'est là que les paysans de la région viennent apporter des sous et des épingles pour demander principalement la guérison des rhumatismes et aussi, par extension, de toutes les maladies, même celles du bétail. Avant la guerre de 1939, ils venaient encore nombreux, surtout en mai, août et septembre. La personne qui habitait la maison proche recueillait l'argent déposé pour faire dire une messe, continuant ainsi une tradition de sa famille,

Au dessus des rochers Saint-Martin se trouve le " Rocher des Bergères ", ainsi nommé sans doute parce qu'il offre un surplomb pouvant servir d'abri aux bergères en cas de froid ou de mauvais temps.

Comme il a été dit à, propos des roches de Boulandie, saint Martin serait venu ici " avec ses trois filles qui auraient été écrasées par un rocher dégringolant du talus, sous lequel elles se trouveraient encore ".

C'est après cet accident que le saint, découragé, partit pour Saint-Bonnet-Briance.

Un jour, un propriétaire du moulin de Salas voulut arracher les pierres Saint-Martin pour construire une grange. A peine avait-il commencé qu'un violent orage éclata, déracinant tous les arbres de sa propriété. Il comprit que c'était là une manifestation du mécontentement du saint et il respecta désormais les pierres miraculeuses.

(L. DUMAZAUD)

N° 137. - SAINT-BONNET-BRIANCE : Roches de Saint-Martin.

Les roches de Saint-Martin sont situées dans le lit de la Roselle, affluent de la Briance, à 3 km environ du bourg, près d'une ferme dite également de Saint-Martin.

A cet endroit, on remarque dans l'eau un grand rocher creusé de trous tout à fait semblables aux cavités que portent les roches de Saint-Martin à Salas (ci-dessus, n° 98). Ces trous, affirment les paysans, représentent les empreintes des genoux de saint Martin et, sur l'un d'eux, on montre même le dessin de sa jambe et de son pied. Le rocher présente, en outre, une série de cavités beaucoup plus profondes. L'une d'elles est appelée lou tineu (le cuvier) où le saint faisait sa lessive; l'autre la pêcherie (lou pêchiei) où il rinçait son linge; enfin une troisième ne serait autre chose que le berceau de ses enfants.

Ici encore, ces rochers sont associés à la popularité d'une fontaine dite aussi de Saint-Martin, qui se trouve sur le flanc de la colline surplombant le ruisseau. Cette fontaine, maçonnée intérieurement, ce qui est excessivement rare, donne une eau dont la température est constante, hiver comme été, Capté, le trop-plein se déverse à une vingtaine de mètres dans un bac, et c'est là que les pèlerins viennent faire leurs ablutions pendant la période de pèlerinage qui dure le temps compris entre les deux fêtes de Saint-Bonnet, c'est-à-dire du premier dimanche d'août au premier dimanche de septembre.

Auprès de la font, le propriétaire a fait ériger, vers 1880, une croix. Au pied et sur les bras de la croix, les pèlerins déposent des offrandes (sous, épingles) ou exposent leurs ex-voto (pièces de vêtement). On vient à la Font Saint-Martin pour les rhumatismes, les maux d'yeux et les maladies infantiles. L'affluence était, jadis, toujours grande au moment du pèlerinage, et encore, en 1940, le propriétaire citait le cas d'un malade venu de plus de 100 km pour faire brûler un cierge.

(L. DUMAZAUD)
(A SUIVRE)


POUR vous délasser d'études trop historiques ou trop techniques, mes chers amis lecteurs, je vais maintenant laisser la parole à l'un des plus anciens habitants de Linards, M. Gilles Louis, de Salas. Cet homme courageux est né à Linards le 23 août 1888. C'est donc à l'âge de 84 ans qu'il a rédigé le texte ci-dessous à mon intention, et je suis heureux de le reproduire dans son intégralité. M, Gilles, lui aussi, n'a jamais délaissé son village natal, il y a " fait valoir ", comme l'on dit là-bas, sa propriété, élevé une famille digne de lui et entouré de l'affection de ses enfants et de son épouse, il sait lui aussi admirer et faire admirer les merveilleuses rives de la Briance au bord desquelles il a grandi et où il vit. Voici donc si l'on peut dire, " Salas en Limousin ", étude de M. Louis Gilles. Il y a mis tout son cœur, et le meilleur langage est bien celui-ci. Il salue, tel Jean Giono, la résurrection de son village, sa mutation aussi, mais je lui laisse le soin de vous le décrire

HISTOIRE DU VILLAGE DE SALAS EN LIMOUSIN

Par GILLES Louis

CE village bâti au flanc d'un coteau qui domine la vallée de la Briance était, vers la fin du XIX° siècle, actif et florissant. Il était habité par vingt familles, soit environ quatre-vingts habitants. Chaque matin on voyait partir vers l'école quatorze ou quinze écoliers (garçons et filles). Il leur fallait parcourir 3,500 km à l'aller et au retour, et 7 km par jour procuraient à ces jeunes un exercice bénéfique si, comme l'a dit l'écrivain : " Le meilleur moyen de voyager c'est d'aller à pied. " Nous partions avec des mallettes en bois (carnassières) sur le dos. Elles étaient lourdes ces carnassières avec le pain bis (lou chanteu) et les fournitures scolaires qu'il nous fallait transporter. Nos sabots de bois étaient eux aussi d'un bon poids et ils étaient le plus souvent en piteux état, débridés ou percé, et lestés en outre par des " farrissous ", (ferrures identiques à celles des ânes ou des chevaux), mais nous étions quand même heureux, car l'amitié régnait entre nous tout comme la bonne humeur, et la nature était belle.

Il n'était pas trop défavorisé ce village de Salas, car la route arrivait jusqu'à son entrée et c'était le seul desservi dans la commune de Linards par une route.

J'ai dit que nous étions quatre-vingts habitants, mais souvent davantage : en 1972 quand j'écris ces lignes, nous ne comptons plus que vingt personnes y vivant et y résidant continuellement; donc Salas a failli être dépeuplé par cet exode; mais non, ce village ne devait pas mourir Il est en train de se rénover, car une bonne fée est passée par là et, de sa baguette magique, a ouvert le chemin par où nous est arrivée la famille Antoine Blondin, ce journaliste, ce grand écrivain dont l'éloge n'est plus à faire à Linards et dans la France entière; avec lui, Salas va connaître des années de prospérité, et avec la venue de deux autres familles de Limoges et deux de Paris, Salas commence enfin à renaître.

Revenons à la population ancienne.
 
 
VERS 1900

A cette époque, une seule maison avait accès sur la route, avec une exploitation de moyenne importance et une famille nombreuse de huit enfants, du nom de Prébot. Mais la vie étant dure, cette famille fut contrainte à la vente de la propriété,

(A SUIVRE)


A la limite se trouvait un pâté de maisons qui existe encore. Nous y voyons encore une curieuse maison avec une boutique et un atelier de forge qui était animé par un homme " du métier " courageux mais très usé par son travail qu'il prenait à cœur. Tous les matins on entendait son marteau résonner de très bonne heure sur l'enclume, avant le jour, afin que les socs soient prêts au lever du jour pour permettre aux travailleurs de partir aux champs. Ce brave homme était sourd, très sourd même et il ne se rendait pas compte du bruit, d'ailleurs fort harmonieux, qui réveillait gentiment tout le village.

Pas très loin de là, un autre artisan avait eu beaucoup de malheur. Sa famille était très connue et très estimée dans la région. Il exerçait lui aussi le métier de forgeron, mais son fils unique devait disparaître très jeune et le petit-fils avait, lui aussi, appris le même métier. Il était à peine installé lorsque la guerre de 1914-1918 éclata. Il partit à l'âge de 20 ans, gonflé d'espoir. On ne devait jamais le revoir. Il fut tué, et laissa seuls sa mère déjà veuve et ses grands-parents abattus par le malheur et par le poids des ans.

A quelques pas de là, nous trouvons une maisonnette longtemps habitée par un vieillard à barbe blanche, connu sous le sobriquet de " Man ". Il était de forte corpulence, célibataire, et d'une intelligence remarquable. Pour pouvoir vivre et nourrir sa mère, il lui fallait pratiquer plusieurs métiers. Propriétaire de quelques lopins de terre, il possédait aussi un âne. Avec cette monture, il parcourait les foires de la région vendant des " jouilles ", lanières de 4 ou 5 m de longueur sur 30 mm de largeur, en cuir très souple, mais aussi très solide, " le cuir chromé ". Ces " jouilles " servaient à lier le bétail. Il avait aussi sur son étal des morceaux de cuir (chapes) servant à la confection des fléaux. Ce curieux instrument " Lou Fleu ", servait à battre le blé pour séparer la paille du bon grain. Lorsqu'il n'y avait pas de foires, il faisait le colporteur ou l'épicier ambulant. Il vendait des pains de savon qu'il découpait à la demande de la cliente, et du sucre cassé au marteau dans les pains coniques qui, jetés en vrac rapidement dans la balance, convenaient toujours à la ménagère. Il avait aussi du macaroni, du vermicelle, des gâteaux, mais tout cela était en vrac. Il lui arrivait parfois de puiser dans le sac avec ses mains encore enduites de pétrole, car les beaux emballages plastiques n'existaient pas encore et malgré l'odeur, tout le monde, heureux d'être servi à domicile, était satisfait et ne se souciait que très peu de l'hygiène.

Mais le progrès et la concurrence portèrent rapidement une grave atteinte à ces petits métiers. Les épiciers riches et mieux organisés parcoururent les campagnes et désarçonnèrent ce petit mais très honnête commerçant. Enfin, comme pour liquider totalement le commerce de ce brave homme que l'on appelait " Pierre las juillas ", les locomobiles et les batteuses firent leur apparition. La vente des coudils, des chapes pour fléaux, s'en ressentit et son dernier malheur fut de perdre sa sacoche en revenant de la foire de Masseret. Son plus fidèle compagnon, c'est-à-dire son âne, se cassa une patte, et ce fut la fin. Ne pouvant supporter cet acharnement du mauvais sort, le pauvre Pierre disparut vite et tragiquement.

A l'autre extrémité du chemin. nous trouvons une impasse. Au fond de cette impasse la maison d'un artisan maçon très bon ouvrier qui avait construit ses bâtiments sans chaux ni ciment, ce qui n'empêche pas les pignons et les murs de résister aux intempéries et de braver les tempêtes. En face, une maison plusieurs fois centenaire existe encore. Elle abritait une famille honorable de terrassiers occupés la plupart du temps à tous les travaux d'entretien du château de Neuvillards, car ces bons ouvriers avaient la confiance du propriétaire et ils y travaillèrent toute leur vie. Mais le patriarche de cette famille s'était lui aussi créé un petit métier de négoce : la veille de chaque " frairie ", on le voyait partir vers Limoges, son grand panier au bras, chaussé de solides sabots bien ferrés. Il allait faire garnir son panier de biscuits à surprises. Il ne fallait pas perdre de temps pour faire l'aller et retour (environ 60 km) et quatorze heures de marche étaient nécessaires et suffisaient à peine.

(A suivre.)


Le lendemain, le dimanche après-midi, il repartait pour revendre ses paquets de gâteaux qu’il revendait 2 sous l’un. On peut juger du mérite de ce bon vieux.

A quelque trente mètres au bout d'une impasse se trouvait et se trouve encore, bien rénovée, la maison Pleinard. A ce moment-là, Jean, le père, (dit " Méry ") était musicien, jouant de la clarinette. Très renommé dans la contrée, tous ses dimanches étaient pris à l’avance, sans parler des jours de la semaine, car il était très demandé aux noces et mariages.

En sortant de cette impasse, nous trouvons un carrefour appelé jadis " Coudert du Four ", et qui pendant la belle saison servait de lieu de réunion aux gens du village ; on y jouait, on y dansait, les jeunes se chamaillaient, les vieux parlaient de la pluie et du beau temps ; enfin tout le monde y trouvait son compte, car c’était la preuve de la bonne entente entre tous les voisins.

Face à un embranchement de chemins, une maison, quoique très ancienne, sert à l’un des fils de la famille Pleinard déjà citée pour la sortie du dimanche.

Au bout d'une petite allée, nous arrivons à la villa des époux Antoine Blondin, maison de campagne que Mme Blondin a su aménager avec goût, avec ses lauriers roses devant sa maison et son verger par derrière.

Sortons de cette impasse pour reprendre le chemin du village, nous apercevons d'abord deux fermes dont les propriétaires autrefois possédaient à eux seuls une grande partie du village. L’une est habitée par la famille Coudert, l’autre par la famille Barrière-Sautour. Depuis l'achat par un nouveau propriétaire, beaucoup de fermiers ou métayers s'y sont succédé.

Au bout du vieux chemin boueux, remplacé aujourd'hui par une belle route goudronnée, on trouvait une autre petite ferme avec ses deux vaches. Le propriétaire, Vergne, était aussi maçon, mais il disparut par maladie assez jeune, laissant quatre enfants et une veuve dans la détresse.

Tout à côté se trouve la propriété de l'auteur de ces quelques lignes. Il est né en 1888, ce qui lui a permis de suivre l'évolution de son village puisqu'il n'a pas quitté sa maison, elle aussi plusieurs fois centenaire, et qu'en feuilletant de vieux papiers il a pu facilement situer son origine beaucoup avant 1700, car successivement les descendants ont eu nom de famille Moreil, veuve Janot, Valadou, Duroudier, Blondet ; cette génération étant sans garçon, c'est une fille de la famille Blondet qui épousa en 1869 Jacques Gilles, dont quatre générations sont issues du même nom jusqu'à nos jours, 1972.

En face, nous trouvons l'ancienne maison Coulaud, famille qui, elle aussi, a conservé le même nom plusieurs générations.

Tout à côté, nous trouvons aussi une autre vieille maison où avait habité jadis la famille Bagnaud, "cocassier " et plus tard Devergnas, menuisier.

A quelques mètres se trouve une impasse qui dessert une autre maison qui servait de dépendance à la maison Coulaud.

Nous arrivons maintenant au terminus du village. Nous y voyons deux fermes de moyenne importance : maisons aussi fort anciennes et dont, par coïncidence, les deux maîtres de maison étaient tisserands. Première maison : Reilhac-Audoin. Aussitôt le travail terminé, les jours de pluie, à la veillée, on entendait le tic-tac de leur navettes. Très habiles, ces petits artisans travaillaient pour des clients qui leur fournissaient du coton et leur faisaient de très bons tissus avec lesquels on confectionnait chemises, pantalons, blousons, tabliers. Le tout-venant était destiné aux draps de lit de très bonne qualité ; on en peut encore voir dans les anciennes maisons de campagne. Le dimanche, en particulier, on voyait partir nos braves tisserands portant un gros rouleau de toile sur l'épaule, destiné à être livré dans les environs.

Le grand-père Audoin, d'un âge assez avancé, avait lui aussi ouvert un autre métier en faisant des " palissous ", genre de panier où l’on mettait lever la pâte avant de la mettre au four. Ce palissou était fabriqué avec de la paille tressée en rond ; il la cousait avec des lamelles de ronce très fines qu'il avait préparées à l'avance. Il construisait aussi des ruches appelées " Bournats ", (panier à abeilles) en opérant à peu près de la même façon. Une fois sa marchandise terminée, il prenait son " bourriquou " gris et partait à une foire des environs pour vendre sa marchandise, vrai travail de patience. On le voyait revenir de la foire en chantonnant dans son petit charretou s’il avait fait une bonne recette, et il répondait : " Oui, j'ai tout vendu et j'ai appris une bonne nouvelle : on m'a dit que maintenant les hommes avec des ailes voleront de sur une montagne sur l'autre. "

Ce village de Salas. avec ses dépendances, est l'un des plus touristiques de la commune de Linards.

(A suivre.)


Voyons d'abord, en prenant maintenant une belle route qui va nous conduire à la rivière, cette charmante Briance que nos chansonniers et poètes limousins ont si bien chantée et dont les refrains ont parcouru la France entière : gloire à Jean Rebier, Mazabraud, et combien d'autres encore ! En suivant notre route, nous ne tardons pas à apercevoir sur notre gauche un joli panorama qui s'offre à nos yeux avec un beau petit lac; sa chaussée magnifique, surmontée d'un arceau en fer finement forgé, et portant l'inscription " Moulin de Salas ". Au-dessous se trouve un beau bassin très finement modelé, avec un beau jet d'eau. A l'autre extrémité du lac, on voit un moulin à vent scellé sur un bloc de pierre. Ce moulin miniature tourne sans cesse et il embellit ce beau site. Le tout est entouré de belles plates-bandes avec les fleurs les plus variées.

Tournons ensuite le regard sur notre droite : d'abord, nous voyons le gros bloc de pierre de Saint-Martin; à quelques pas, c'est la grotte, lieu où les croyants récitent quelques prières et laissent tomber quelques pièces de monnaie devant une belle statue et une grande croix scellée dans le roc.

A quelques pas, face à ce " lieu saint ", entre la vanne de l'ancien moulin et la Briance, on peut remarquer plusieurs empreintes dans le roc. D'après nos anciens, ce seraient les empreintes des genoux de saint Martin qui s'arrêtait à cet endroit pour prier. D'autres disaient aussi que saint Roch aimait beaucoup à s'arrêter ainsi, à cette même place; cette dernière thèse a sa valeur, car dans mon enfance se trouvait un gros arbre (vergne), à demi-couché sur la rivière par le nombre de ses années. Ses branches étaient toutes garnies de vieux objets usés ayant servi à l'attelage des vaches (morceau de joug, beaucoup d'anneaux en bois qui servaient à fixer le timon des charrettes au joug, etc... ). Ce vergne servait aussi aux humains, on y pouvait voir toutes sortes de lambeaux de vêtement, et parfois des jarretelles tout entières que les jeunes filles y suspendaient pour effectuer la recherche d'un mari à leur façon.

Mais revenons aux empreintes, il y en a quelques-unes assez profondes, ayant continuellement de l'eau en réserve pour laver la partie malade de rhumatisants ou autres. Continuant notre promenade ou pèlerinage, nous trouvons deux belles passerelles ; l’une est l'ancienne vanne et l'autre plus grande enjambant la Briance. Cette passerelle cintrée en fer forgé est un véritable ouvrage d'art.

En tournant la tête, on volt les vestiges de la grande roue motrice qui actionnait l'ancien moulin. Ce moulin n'a pas tourné très longtemps, car de ma jeunesse je l'avais vu construire, et depuis quelque temps déjà, un violent orage a emporté une partie de sa cascade. Il eut sa période d'activité, mais le progrès aidant, les grands moulins ont fait disparaître les petits. Mais quand même, honneur à un petit vieux bonhomme qui, par son courage et sa ténacité, avait eu l'idée de le construire, car pour lui seul la tâche a été dure et même longue. Il est inutile d'énumérer tous les travaux réalisés sans parler de la maison d'habitation où les propriétaires viennent chaque fin de semaine, non pas pour se promener, mais pour travailler et pour continuer l'œuvre commencée depuis longtemps, ne ménageant ni leur temps ni leur argent. Ils ont su faire de ce coin pittoresque un site des plus visités et des plus enviés de notre région.

Continuons notre promenade et quittons à regrets ce coin charmant pour visiter l’ancien moulin Couade, plusieurs fois centenaire, en empruntant une belle allée surplombée par des verts sapins, œuvre du père Gilles, et qui à la belle saison fait le délice des amoureux et des chercheurs de champignons. De l'autre côté de cette allée coule en murmurant notre chère Briance, avec ses eaux si limpides, avec ses grosses pierres creuses servant de refuge à ces belles truites si délicieuses.

Là nous trouvons aussi une autre belle passerelle à côté des ruines de ce vieux moulin qui avait fait si longtemps tic-tac. Combien de services avait-il rendus, mais aussi combien de souffrances pour y accéder; outre la farine. on y fabriquait aussi le cidre et la bonne huile de noix, qui laissait son pain d'huile que nous les gosses mangions en guise de chocolat. Il était aussi remoulu en tourteaux pour le bétail. Inutile de vous dire tout le travail que cela demandait pour en extraire une huile savoureuse. Ce lieu aussi reste un coin charmant très accueillant et très bien entretenu par la famille Guitard, famille très connue par ses coureurs cyclistes.

En franchissant la passerelle, nous rentrons dans les dépendances de la commune de Saint-Méard. Suivons le fil de l'eau. A quelques centaines de mètres, nous trouvons un terrain vague très broussailleux avec des mamelons de terre qui indiquent que le terrain avait été fouillé pour en extraire le minerai et ensuite le fer. Nous voyons l'emplacement des forges où, d’après nos anciens, l'on fabriquait beaucoup de poêles à crêpes et combien d'autres dont on se servait à l'époque ; en ma jeunesse, il m'était arrivé de trouver des débris de mâchefer au milieu de la rivière.

(A suivre.)


Ce terrain s'appelle bien entendu les Forges. Tournons les yeux de l'autre côté de la Briance. Côté Salas, nous voyons une grande cascade ravagée par les inondations, mais encore très apparente et qui servait à alimenter une retenue d'eau pour actionner les forges; une preuve encore que ces dites forges avaient une certaine importance.
Louis GILLES.


***

Amis lecteurs, vous me reprocherez sans doute de ne pas suivre dans mon récit une chronologie très orthodoxe, de vous faire effectuer une promenade en zigzag dans l'histoire locale et de sortir finalement du cadre de mon titre " Linards en Limousin et ses environs ". Je vous dirai pour ma défense et aussi pour être en règle avec ma conscience, qu'à cette époque Linards n'existait pas. Nous verrons plus tard comment se sont formées les communes.

Il m'a fallu de multiples investigations, l'étude de nombreux dossiers pour pouvoir seulement " effleurer la vérité " sur les origines de notre chère commune. J'ajoute que si mon étude est sinueuse, c'est pour ne pas trop vous lasser avec des détails historiques sans grand intérêt qui vous ennuieraient et j'en serais navré, et s'il est évidemment nécessaire de remonter le fil de l'histoire, je le ferai lentement, préférant écarter ce qui manque d'attrait et y intégrer à la place des études sur le relief et la physionomie géographique, agricole et ethnique de notre région.

DU LIMOUSIN GALLO-ROMAIN A SAINT MARTIAL
 
 
Reprenant cependant le fil conducteur de cet ouvrage qui est la remontée du temps, il convient de souligner que les Romains, après avoir été des durs conquérants, surent adapter les descendants des Celtes et les Gaulois à leur civilisation et, bien que restant ethniquement gaulois, nos ancêtres devinrent peu à peu gallo-romains, La race Limousine était née ainsi que la langue qui devait se transformer peu à peu pour devenir notre langue d'oc.

Certes les conquérants, les " supérieurs " de l'époque parlaient latin, mais la langue celtique a sans doute persisté jusqu'au V° siècle, et c’est peu à peu un latin " de cuisine ", c'est-à-dire populaire qui, mélangé à la langue celte, était devenu le langage populaire de l'époque. Aucune trace précise ne peut cependant permettre à un historien de l'affirmer. Dans ce creuset formé des mélanges de populations celtes, gauloises, romaines et ensuite des Francs et des hordes barbares (Vandales, Wisigoths, Suèves et enfin, en 732, Arabes), s'est fondue et créée la race limousine telle que nous la trouvons actuellement. J'ajouterai sans méchanceté qu'au cours des deux dernières guerres, un peu de sang germanique a pu aussi se mélanger dans de rares exceptions au sang limousin, comme cela s'est aussi sans doute produit en Allemagne pour le sang français. On n'arrête pas la nature et ses fonctions de procréation. Mais la race humaine limousine mérite un éloge : dans tous les domaines, ses enfants ont contribué au développement de la science et des lettres. Les voies romaines sont créées.

Hélas ! aucune ne passe par Linards, mais à proximité le grand axe Paris - Toulouse (R.N. 20) semble avoir été tracé en plusieurs endroits à proximité de nos nationales. Les deux principales étalent celle de Lyon à Saintes et celle de Bordeaux à Bourges.

C'étaient des routes maçonnées, et les ponts romains, les routes pavées comme des murs avec des pierres épaisses; les ponts romains aussi apparaissent parfois sur notre sol limousin. De ces voies partaient des voies secondaires et des chemins ruraux. Des noms comme " La Chaussade " ou " La Chaucherie " (près Linards) semblent en rappeler le souvenir. C’est autour des " Villas lémovices " que naissent les premiers métiers artisanaux : tisserands, menuisiers, forgerons, boulangers, etc. Les cimetières dont j'ai parlé reçoivent les urnes cinéraires, car l'incinération fut le premier mode civilisé de conservation des " cendres ", c'est bien le cas de dire, des morts. Parfois aussi ces urnes de granit étaient mises en terre isolément. Combien, après leur découverte, sont devenues des bénitiers ou des pots de fleurs ! Ce rite d'incinération et d'inhumation a existé jusqu'à la fin du IX°siècle, c'est-à-dire lorsque l'Eglise catholique a pu imposer les rites chrétiens qui se sont maintenus jusqu'à nos jours. Celle du Nouhaud a été transformée en pot, de fleurs. Elle est en Corrèze actuellement.

Que nous reste-t-il en Limousin de cette période de calme ?
 
 
Peu de chose, mais à Linards nous trouvons les vestiges de poteries du Puy-Larousse, témoins d'une civilisation qui devait ensuite disparaître pour renaître bien plus tard, après les invasions.
(A suivre)


Je vous disais donc que peu de choses nous restaient de cette civilisation. Ce serait de ma part un geste d’indifférence envers les travaux de mon regretté maître Franck Delage, et aussi des éminents érudits d'histoire locale que furent M. Allou en 1821 et, plus tard, de 1865 à 1932, MM. Lansade, Chastain, Dr Delhoume, Président Demartial, Reygner et Chabrol, si je ne mentionnais pas pour mémoire les importants travaux qui permirent de mettre au jour des vestiges de la Villa d'Antone, d’origine gallo-romaine, tout près de Pierre-Buffière, sur le plateau des Boissières, entre les vallées de la Briance et du Blanzou. Ces travaux, bénéficiant de substantielles subventions de divers organismes : Automobile-Club, Ministère de l'Instruction publique, Chambre de Commerce, Conseil général, et aussi de mécènes tels que M. Demartial et un architecte américain, Ralph W. Gray, abandonnés en 1866 furent repris en 1930 sur l'initiative de M. le Dr Delboume qu en bon maire de Pierre-Buffière, s’intéressait à tout ce qui touchait à l’histoire de sa commune. D'importantes fouilles permirent d'établir que sur ce plateau bien exposé au soleil, avait été construite à l'époque gallo-romaine une riche et importante " villa " dont les dépendances couvrent plus de 6.000 mètres carrés du sol limousin. Rien n'y manquait : vastes salles aux murs recouverts de peintures; thermes dallés et marbrés, mais dont l'eau était sans doute chauffée sur place; piscines; aqueducs canalisant l'eau à l'arrivée et au départ des bains, étuves (précurseurs des modernes saunas). M. Delage avait supposé qu'un bassin circulaire assez complexe, de 2,10 m de diamètre, entouré d'un couloir de 3 m, permettait de vénérer les nymphes, déesses des eaux.

Les auteurs de ces recherches ont pu établir que l'on se trouvait là en présence d'une typique " villa " gallo-romaine dont la description est classique : " Villa ou maison bourgeoise de l'époque où résidait le seigneur et maître, et centre rustique logeant le personnel. Important devant subvenir à toute la vie de cette petite cité. "

Au cours des grandes invasions, tout cet ensemble fut pillé, brûlé, transformé en ruines. Les ronces et les genêts ne tardèrent pas à recouvrir ce " nid de quelque fier vautour " comme l'a si bien dit Mazabraud. On y découvrit aussi une cascade et je crois, un personnage féminin assis sur un fauteuil, des marbres de toutes couleurs, des monnaies gauloises, romaines, des mosaïques, enfin tous les vestiges d'un centre opulent de vie seigneuriale où rien ne manquait du confort moderne de d'époque.

Si j'ai tenu à mentionner cette " Villa d'Antone ", c'est parce que je soupçonne la présence aux environs de Villechenour " Villa Sénioris " ou dans la vallée linardaise de la Briance de tels vestiges que nos jeunes archéologues bénévoles pourraient bien un jour découvrir. De toutes façons la vie de Linards, proche de Pierre-Buffière, a été certainement liée à son origine à celle des habitants d'Antonne, mais les précisions nous manquent.

Ce qui m'a amené aussi à parler de cette villa d’Antonne et à souligner les importantes découvertes qui y ont été faites, c'est parce qu'une autre opinion sur la véritable destination de cette villa gallo-romaine nous a été donnée et, si elle s'avérait exacte, le problème serait modifié :

UNE STATION THERMALE EN LIMOUSIN
 
 
Dans un intéressant article du Bulletin de la Société d'Etudes scientifiques d'octobre 1936 (p. 314), intitulé " Grâce au pendule ", l'éminent radiesthésiste qu'est M. Henri Bozon après avoir souligné le danger des radiations émises par des courants d'eau souterrains et précisé que ceux-ci pourraient parfois provoquer des réactions néfastes chez les conducteurs (supposition émise à cette époque au sujet de graves accidents survenus sur la route d'Angoulême et à Grossereix, par Beaune-les-Mines), l'éminent savant dit ceci :

" Dans nos prospections songeons aussi aux sources minérales. Le Limousin passe pour en être totalement dépourvu. Réputation imméritée je crois. Déjà en avril 1933 j'ai cru devoir signaler l'existence sur la colline d’Antonne de radiations qui s'apparentent singulièrement à celles d'eaux sulfureuses. D'où la supposition que les vestiges des piscines gallo-romaines trouvées à Antonne sont les restes non d'une villa mais d'une ville d'eau. Au surplus le nombre important de sépultures dont nous avons décelé le rayonnement semble indiquer qu'il ne saurait s'agir d'une Villa. Ces eaux d'Antonne paraissent être radio-actives. Nous devons ajouter qu'en Limousin les sources présentant une certaine radioactivité ne sont pas rares. "

Ces affirmations donnent un autre aspect au problème et confirment que j'ai eu raison de citer la villa d'Antonne. En effet, si les eaux d'Antonne sont radio-actives, nous pouvons rejoindre 1a conclusion, certes très réservée de Mlle Hélène Collin dans son étude sur les bonnes fontaines en Limousin (je reviendrai ultérieurement sur ce problème) : " Les fontaines les plus fréquentées (si l'on en juge par le nombre d'ex-voto) seraient les plus radioactives, mais nous nous refusons à tirer des conclusions de cette corrélation par trop sommaire. "

(A suivre.)


En supposant qu'Antonne ait été une ville d'eau fort active à l'époque gallo-romaine, nous pouvons fort bien imaginer les habitants de notre région se rendant à la bonne saison " prendre les eaux ", c'est-à-dire faire leur cure à Antonne, tout comme l'on va à Evaux-les-Bains où à Vichy actuellement, et Linardais et belles Linardaises dire : " Je reviens de faire ma cure à Antonne. "

LES SAINTS EN LIMOUSIN

Ce long préambule nous amène à parler de saint Martial, puisqu'il apporta dans le calme retrouvé de la paix romaine la parole de Dieu et prêcha l'Evangile. Avant lui, nos ancêtres avaient leurs divinités, ils adoraient des arbres, des animaux, des rivières, des sources et des rochers. Saint Martial, avec beaucoup d'obstination, implante le christianisme, avec ses miracles, baptise les païens, fait des miracles (résurrection de sainte Valérie, décapitée par ordre de son fiancé), crée des églises et évangélise toute la région, puis il meurt, épuisé par les privations, le 30 juin 74.

POURQUOI CE COURS RELIGIEUX, ME DIREZ-VOUS ?

Certes, je me suis un peu éloigné de mon " Linards en Limousin ", mais c'est pour mieux y revenir et pour que nous comprenions mieux certains des sites que j'ai déjà décrits. Je n'ai pris aucune position sur ces questions. Je me contente de relater l'histoire de notre région telle qu'elle nous est transmise, en recherchant dans ses méandres ce qui peut se rattacher à Linards. Or un grand nom apparaît tout au long de nos études, il est sans doute pour nous tous un peu mystérieux et il me fallait partir de saint Martial pour arriver à l' " Histoire abrégée de saint Martin de Tours ", parrain des fontaines et roches à miracles et à légendes de toute notre région, surtout à Linards en Limousin et ses environs, et parrain de l'Église.

L'HISTOIRE ABREGEE DE SAINT MARTIN DE TOURS, PARRAIN DE L'EGLISE DE LINARDS ET DES FONTAINES ET PIERRES A LEGENDES DE CETTE REGION

Mon but est dé mieux faire comprendre pourquoi ce nom domine et s'est imposé tout au long de la vie de notre cité. Plus tard, nous ferons une promenade sur les " traces de saint Martin en Limousin ", et nous pourrons en tirer quelques conclusions.

QUI ETAIT SAINT MARTIN DE TOURS ?

L'abbé Leclerc a indiqué que Linards, ancienne paroisse de l'archiprêtré de Saint-Paul et de l’officialité de Limoges, était placée sous le vocable de saint Martin de Tours, à ce titre aussi, nous ne devons pas ignorer ce saint qui fit beaucoup parler de lui. Certes, ne vous attendez pas à un long exposé, des auteurs mieux qualifiés que moi ont traité ce sujet.

Recueillir des documents sur la vie de ce saint me semblait difficile. Je dois à l'amabilité des services de l'évêché, des dirigeants de l'abbaye de Ligugé, et aussi et surtout à l'amabilité de M. l'abbé Langlade, directeur du journal " Le Sillon ", à Boisseuil des documents précieux qui me permettent d'aborder impartialement cette importante question, et je les en remercie tous.

Saint Martin, vous le connaissez tous, soit par les récits de ses exploits, et aussi des miracles que l’on vous a enseigné à l'église. Peu connaissent ses origines : il était né à Sabarie vers 318. Sabarie était une petite ville de Panonnie qui se situerait actuellement aux conflits de la Hongrie et de la Yougoslavie. Son père était un officier de l'Empereur. Les Romains occupaient la moitié de l'Europe et l'empire romain avait pour capitale Rome. Cependant, à cette époque, d'autres peuplades s’agitaient et venant de l'Europe centrale et commençaient à ébranler l’immense empire romain. C'est donc dans la vie des camps militaires que grandit le jeune Martin, non baptisé mais qui était fort curieux déjà de la vie de Jésus-Christ. Il manifesta à son père l'intention de se faire moine, mais le métier militaire lui fut imposé. A 18 ans il était cavalier et devint sous-officier.

Ayant un esclave, il fut bientôt le serviteur de celui-ci. Pendant trois ans, il parcourut l’Italie, puis la Gaule et sa véritable histoire, la plus connue, commence à Amiens. C’est la scène du manteau rouge que les sculpteurs et les peintres ont rendue célèbre. Devenu lieutenant, il patrouillait dans la campagne lorsque, précédé de son peloton, il aperçut un pauvre hère, mendiant comme il y en avait beaucoup à l'époque. A moitié nu, le malheureux grelottait sur le bord d'un fossé. N'hésitant pas un seul instant, il s’arrêta et se dévêtant de son grand manteau rouge appelé Chlamyde, tira son glaive et fendit le manteau de haut en bas. Donnant aussi une boule de pain et un saucisson (celui d'Arles n'existait sans doute pas et-de toutes façons il ne devait pas être pour les " bidasses ") et il lui dit à peu près ceci " Nourris-toi et réchauffe-toi dans la moitié de mon manteau, mais sois discret car les civils n'ont pas le droit de recevoir des effets militaires. "

(A suivre.)


Ce texte du règlement militaire me rappelle les curieux déguisements que nous pouvions voir à Paris en 1939, lors de la mobilisation, le règlement n'était pas de rigueur et l'on voyait des militaires coiffés d'un chapeau mou et portant pour tout uniforme une vareuse. Nous en reparlerons. Martin se fit baptiser malgré l'opposition paternelle. Puis il décida de se faire moine et demanda à l'empereur Julien César de le libérer de l'armée. Un danger d'attaque des troupes étant imminent, l'empereur lui fit observer que les " barbares " (qui étaient peut-être des résistants à l'occupant romain) allaient les attaquer. Il se présenta au-devant des lignes sans armes pour montrer qu'il n'était pas un lâche. L'ennemi n'ayant pas attaqué, il abandonna son cheval, ses armes, revêtit une robe de bure et partit pieds nus, avec un seul bâton pour arme vers la Gaule. Traversant ces beaux pays qui ont nom Champagne, Ile-de-France, Normandie, il arriva à Poitiers où l'évêque, saint Hilaire, grand apôtre de la Gaule chrétienne, le reçut.

Il voulut revoir ses parents et repartit en Pannonie pour baptiser ses parents. Il convertit sa mère mais non son père. Après diverses péripéties en Italie, il repartit vers Poitiers pour réaliser son grand rêve : se faire ermite.

LES ERMITES

A cette époque, être ermite était un grand sacrifice et lorsqu'un homme, dégoûté des bassesses du monde mais aimant son prochain voulait s'en retirer il se faisait ermite. Réfugiés dans des grottes ou des vulgaires cabanes, les ermites vivaient en solitaires et avaient le respect de tous. Les noms qui nous sont restés : l'Hermitage, l'Hermiterie (Couzeix, n'est-ce pas ami Troutaud ?), ils se nourrissaient des produits naturels du sol. Leur exemple faisant boule de neige, leurs disciples leur aidèrent à construire les bourgs, les églises et les monastères. Chaque commune avait plus ou moins son ermite. Le dernier connu par moi fut celui du Mont Gargan, qui vécut et je crois mourut dans la chapelle du Mont Gargan. Cette chapelle qui fut très jolie en son temps, fut détruite depuis 1920 par les intempéries et les vandales aussi. Mais nous conservons toujours l'espoir de la voir renaître, grâce à la générosité des visiteurs qui montent régulièrement en ce plus haut sommet de la région pour admirer le plus joli paysage du Limousin. A Pierre-Buffière, il y eut aussi plusieurs ermites et c'est sous le nom de l'Ermitage que sont désignés les lieux entre Pierre-Buffière et Saint-Hilaire, près du Pont vieux, qu'ils vécurent et mettant les terres en culture, abattant les forêts, contribuèrent à la civilisation dans notre région. Linards a-t-il eu son ermite ? Rien ne le prouve, même pas un nom de ce genre, je crois. Pourtant, bien plus tard, J'ai connu en une forêt un ermite dans son genre qui, retiré un peu de la civilisation contemporaine vécut dans le " Gourbi " (nous l'appelions l'homme du Gourbi). Mais celui-ci ne devait sans doute pas prier. Il mourut misérablement, mais sans doute heureux dans sa solitude. Les Ermites furent les précurseurs des monastères qui devaient plus tard gouverner notre région et être le berceau de l'art et de la civilisation.

N'oublions pas non plus saint Léonard, le grand ermite de la forêt de Noblat.

***

Mais, me direz-vous, nous sommes bien loin de saint Martin et son histoire n'en est guère abrégée. Il est difficile de trop condenser une étude. Donc, saint Martin devenu ermite se fixa sur les rives du Clain, dans les bois, à quelques milles de Poitiers et commença sa vie monastique.

Sa première œuvre fut la création de l'abbaye de Ligugé, près Poitiers. Etant devenu prêtre, l'histoire de ses miracles commence. Je précise que je ne prends pas position mais relate des faits transmis par l'histoire, cela me permettra beaucoup mieux de dépouiller les origines de toutes nos fontaines et pierres de Saint-Martin, qui font, nous disent les anciens, elles aussi des miracles. Beaucoup en sont convaincus, puisque j'ai appris que depuis mes premières études sur les pierres Saint-Martin de Linards, ces lieux recevaient à nouveau de nombreux visiteurs venant souvent de fort loin.

Je ne citerai que quelques-uns des miracles attribués à saint Martin : résurrection par ses prières du corps sans vie d'un jeune homme non encore baptisé.

Guérison des maladies des yeux, arrêt d'un enterrement païen, extinction d'un incendie, etc... Sa renommée grandissait sans cesse, et la population de Tours le fit sacrer évêque de Tours malgré lui et l'enleva de sa retraite. Mais il n'était pas fait pour la vie statique, et après avoir fondé une nouvelle abbaye Marmoutiers il s'attaque aux cultes païens pour les détruire et convertir les paysans au catholicisme. Il parcourt toute la Gaule, et arrivant à Paris il accomplit, nous disent ses historiens, encore un miracle : la guérison du lépreux. Comme il entrait dans Paris il aperçut un lépreux fort mal en point. Il l'embrassa et le bénit, le mal disparut rapidement et le malade, le lendemain, avait une peau nette et se confondit en actions de grâce

(A suivre)


Tout cela semble bien surnaturel et n'a rien à voir avec Linards.

Eh bien, si ! Ce long exposé va bientôt nous ramener à nos fontaines et à nos sources de la région de Linards.
 
 

LA LUTTE CONTRE LE PAGANISME

Saint Martin s'attaque au paganisme, c'est-à-dire aux croyances dites païennes avec l'intention de les détruire, et c'est la guerre déclarée aux divinités rustiques. Au milieu du IV° siècle seuls les habitants des villes étaient convertis à la religion chrétienne. Dans les campagnes, à Linards comme ailleurs, la misère était grande et les habitants ayant peur de tous ces dieux païens adoraient, comme je vous l'ai dit précédemment, sources, arbres, rochers, rivières et certains animaux, et tentaient d'apaiser leur courroux en faisant des sacrifices. Un exemple d'attaque nous est cité par le journal " Le Sillon ", déjà nommé sous la plume admirable de l'abbé Langlade (numéro de mars 1961) :

" Un jour il traversa un village où les paysans adoraient un sapin. Adorer un arbre, c'en était trop, Martin se saisit d'une hache.

" - Tu es fou, lui dirent les villageois, ne touche pas à cet arbre, malheureux, le ciel va tomber sur notre tête...

" - Ne vous inquiétez pas, dit Martin, c'est le sapin qui va tomber à mes pieds, car il n'est pas un Dieu. Le Dieu que je suis venu vous annoncer est le Dieu unique, le Dieu qui est Esprit, un Dieu qui est amour.

" - Si tu as confiance en ton Dieu nous abattrons l'arbre nous-mêmes à condition que tu sois dessous pour le recevoir.

" Martin accepte, on l'enchaîne à un pieu, et les villageois la force décuplée par la joie se mettent à couper l'arbre. Peu après l'on vit l'arbre vaciller, pencher et tomber. Mais soudain, au moment où l'on s'attendait à voir l'Homme de Dieu mourir dans ce supplice, Martin se redressa, opposa sa main tendue et l'arbre, ramené en arrière comme dans un tourbillon, s'abattit du côté opposé, causant une grande peur aux paysans qui se croyaient en sûreté.

" Acclamé par tous les peuples, trottinant sur sa mule vêtu pauvrement, vénéré comme un saint, il fuyait cependant les acclamations et avait horreur des grandes manifestations. "

A l'âge de 80,ans il se rendit un jour au monastère de Cande, et là il fut terrassé par la fièvre. Sur les bords de la Vienne dont les eaux, venues de notre plateau de Millevaches et ayant traversé notre pays, coulent abondamment, il mourut vers l'an 398 et fut enterré à Tours, où les fidèles vont régulièrement en pèlerinage.

Voici l'histoire de la vie de saint Martin, telle qu'elle nous est transmise par ses biographes et ses historiens. Vous me reprocherez sans doute de m'être trop étendu sur ce sujet.

Personnellement, je suis convaincu que cette mise au point va nous permettre de mieux comprendre comment aussi souvent le nom de saint Martin revient en Limousin, particulièrement dans la région de Linards.
 
 

SAINT MARTIN NE SERAIT JAMAIS VENU EN LIMOUSIN

C'est le remarquable historien Michel Coissac qui l'affirme dans son très intéressant livre, " Histoire du Limousin " (Editions Ch.-Lavauzelle)

" Le rude tribun panonien exerce sur les masses une action prodigieuse par l'ardeur de sa piété, et par le prestige de la vie dangereuse qu'il mène au milieu des paganu, attachés par toutes les fibres de la race aux chênes, qu'il fait abattre, aux pierres qu'il renverse, aux sources qu'il exorcise et qu'il rebaptise; habile à ménager les traditions populaires, et doux pour les idolâtres qu'il amène, par son prosélytisme et ses miracles, à renoncer eux-mêmes à leurs faux Dieux ? Saint Martin, le convertisseur de la Gaule, le plus populaire des saints, dont les églises sont innombrables, n'est pas venu en Limousin, mais ses disciples, comme saint Martin de Brive ont fait la guerre aux idoles. " (Michel Coissac, " Histoire du Limousin ".)

POURQUOI ALORS NOS ROCHES ET NOS FONTAINES DE SAINT-MARTlN ?

Vous avez vu dans mes articles sur Linards, Saint-Bonnet-Briance et autres lieux, saint Martin à Boulandie de Linards, puis, vexé par les bergères, se réfugier " avec sa famille ? " à Salas où il " faisait sa lessive dans un grand trou appelé " Lou Tineu ".

Ici, la légende lui attribue trois filles et un " berceau pour ses enfants ". Puis, quittant les rives de la douce Briance, nous le retrouvons sur les bords de la Roselle, près de St-Bonnet-Briance (étude 137 déjà publiée de l'auteur). Partout; son passage est marqué, et dans un autre ouvrage qui fera peut-être l'objet d'un film, " Sur les pas de saint Martin en Limousin " nous ferons ensemble une promenade au travers des légendes qui s'attachent à ce saint. Mais si saint Martin n’est jamais venu en Limousin pourquoi, encore de nos jours, les habitants des lieux et aussi les nombreux, très nombreux, pèlerins qui, chaque année, se rendent sur ces lieux, viennent-ils implorer ce saint de guérir leurs maux, notamment maux d'yeux, rhumatismes, maladies infantiles ?

(A suivre.)
 
 
En christianisant, lui ou ses apôtres, ces lieux païens, en y attachant sans doute malgré lui, mais par sa réputation, des pouvoirs miraculeux, le nom du grand saint est devenu célèbre. Il est vénéré, et même les plus mécréants vont encore faire leurs dévotions aux roches et fontaines de Saint-Martin.

POURQUOI ?

Puisque en ce qui concerne les rochers j'ai emprunté à mon très regretté ami Albert Goursaud, dont j'ai été le collaborateur vers les années 35 et 40, beaucoup de ce que je lui avais remis et de ce qu'il avait découvert patiemment, c'est à une autre de mes collègues que je vais, avec sa bienveillante autorisation, traiter le problème des fontaines. J'ai nommé la toute charmante et érudite Mlle Hélène Collin, ma collègue à la Société d'ethnographie du Limousin.

Hélène Collin, je ne peux assez vous remercier d’avoir bien voulu me confier la magnifique étude réalisée par vous sur les bonnes fontaines du Limousin. Sous la direction de notre vénéré Président et ami l'érudit Pr Maurice Robert, avec le concours du C.R.P. de Limoges, vous avez accompli (je m'excuse de ce jeu de mots) un travail " de Romain ". Vous avez bien mérité le prix littéraire qui vous a été décerné, et je souhaite vivement qu'un jour très prochain votre ouvrage si précieux soit édité, et connaisse un grand succès. Comme moi vous êtes convaincue qu'il existe encore, en notre siècle où une toute autre littérature se fait jour, des gens sensés qui prennent plaisir à se pencher sur le passé pour lui arracher ses secrets, recueillir " pendant qu'il en est encore temps " comme disait Goursaud, ces souvenirs du passé. Et puis la satisfaction du travail intéressant et sain accompli n'est-elle pas la meilleure récompense ? Depuis le début de la publication de mon récit, mes sondages ont prouvé nettement que " Linards en Limousin " intéresse davantage les lecteurs de " L'Union Agricole ", ce grand journal rural qui a bien voulu accueillir ma modeste prose, que les romans à épisodes et à suspense. En réalisant " Linards en Limousin et ses environs ", tout comme vous en étudiant fontaine par fontaine ces lieux redonnant encore l'espoir aux malades, et qui sont l'objet de processions (Cussac), nous n'avons pas démérité de mon regretté ami Charles Sylvestre qui préfaçait l'un de mes livres avec cette phrase : " Une jeune compagnie de bons Limousins vient de lier une première gerbe, la force et la joie du sol natal illuminent chaque épi. Comme ces excellents esprits, j'ai suivi de bonne heure la plus belle fille du monde que l'on appelle Espérance; elle vous entraîne sans cesse. "

LE MELANGE DES RELIGIONS ANCIENNES ET DU CHRISTIANISME

Sous ce titre (article IIII-I), Hélène Collin nous précise qu'il est difficile de déceler la part respective des religions. Si la religion gauloise et la religion romaine subsistèrent facilement dans la Paix romaine, il n'en sera pas de même lors de la pénétration du christianisme qui " se heurtera à cette croyance qu'il combat dans certains endroits et accepte dans d'autres de les placer sous son égide ".

Pour triompher, l'Eglise dut composer avec le culte indestructible. Elle y plaça des reliques. Mais les fidèles, en se rendant nombreux aux nouveaux sanctuaires, continuaient d'honorer l'eau. Le saint ne se substitua pas à la divinité locale. Dans la plupart des cas, le vocable de l'église la plus proche est le même que celui de la fontaine.

Nous voici revenus à Linards en Limousin dont, je l'ai déjà dit, l'église est placée sous le vocable de saint Martin de Tours.

Sur 193 fontaines recensées par Hélène Collin en Limousin, 117, soit 60,5 %, portent des noms de saints. Sur ces 60,5 %, 28,1 % (soit 33 fontaines en Haute-Vienne) s'appellent " Fontaine de Saint-Martin ", qui, nous dit l'historien, n'est jamais venu en Haute-Vienne. Mais l'étude d'Hélène Collin confirme en tous points ce que j"ai pu écrire jadis et répéter dans l'ensemble de cette étude, comme l'ont fait après et avant moi les érudits qui se sont penchés sur le problème, la lutte des premiers saints contre le paganisme, les efforts de saint Eloi, saint Martin et autres pionniers de l'Eglise catholique, ont essayé de lutter contre des rites très anciens, contre des croyances peut-être bien fondées nous venant du fond des temps; le résultat obtenu est que si les sites ont changé de nom, les vertus attribuées aux eaux restent, et souvent, nous l'avons vu, ces fontaines portent le nom d'un saint qui s'est efforcé d'abolir les vieux cultes. C'est ainsi que, nous signale l'auteur précité, d'après Clancier Gravelat, saint Eloi prêchait : " Ne faites pas de cérémonies diaboliques aux fontaines, aux arbres, etc., mais que celui qui est malade se confie en la seule miséricorde de Dieu. " Maintenant, plusieurs fontaines portent son nom.

COMMENT SE PRATIQUENT LES DEVOTIONS AUX FONTAINES

Je n'ai pas l'intention de m'éterniser sur ce problème, ni de publier avant l'heure la magnifique étude qui m'a été confiée, mais cependant je me permets d'en extraire encore quelques documents curieux :

(A suivre)

Les instruments de dévotion sont variés : les objets thérapeutiques ayant été en contact avec le malade ne sont pas des offrandes mais un moyen de rendre la dévotion plus efficace (Sébillot, " Folklore de France "), les rubans sont parfois achetés sur les lieux, les vêtements sont suspendus aux arbres : c’est le cas à Linards, aussi bien à Boulandie qu’à Salas, les brins de laine aussi. Quant aux épingles, elles sont les agents utilisés en matière de mariage et servent à la lecture du destin dans 1’eau; elles jouent parfois le même rôle que le vêtement, intermédiaire entre le malade et la source. Les offrandes servent à remercier ou à implorer une guérison. Le jet des pièces de monnaie dans l'eau se retrouve un peu partout, et l'on peut voir encore à Salas de nombreuses pièces dans le bassin, aux pieds de la Sainte Vierge.

Sous la référence 112 A, Hélène Collin nous explique " le tirage des saints ". Certaines personnes ont la propriété de " tirer les saints ", c'est-à-dire de diriger le solliciteur sur le saint compétent. Plusieurs procédés sont employés : on fait brûler un morceau de noisetier, on met du charbon ardent dans un verre d'eau. Si le charbon tourne et reste sur l'eau, ce n'est pas le saint invoqué. Des fois le charbon désigne plusieurs saints, il faut leur rendre visite à tous.

La " recommandeuse " est la femme qualifiée pour effectuer ce travail. M. Maurice Robert et Mlle Collin ont pu, le 28 avril 1970, interroger longuement, dans la région d'Aixe, une " recommandeuse " réputée, je ne la nommerai pas, car je veux laisser à cette magnifique étude tout l'intérêt qu’elle comporte et la valeur qu'elle aura lorsqu'elle paraîtra. Je ne veux pas être un plagiaire, ma chère collègue; votre étude, je le répète, mérite l'admiration de tous, et amis lecteurs si un jour vous apprenez que ce livre paraît, achetez-le vite. C'est un monument élevé aux coutumes et traditions de notre passé et à leur prolongation dans le présent. Commune par commune en Limousin, vous pourrez suivre nos " bons saints " et, après avoir " tiré de part ", comme il se doit, trouver la guérison au cœur de notre toujours belle région limousine. Si vous venez dans la région de Linards, c’est à la " Peyro randouilhero ", en pleine fore^t de Châteauneuf, que vous trouverez la guérison de la croûte laiteuse des enfants, des furoncles et de " las rougnas "; à Roziers, la guérison des enfants, des rhumatismes et des maladies du bétail. Enfin, je l'ai déjà expliqué, si vous venez à Linards en Limousin, vous aurez pour vos douleurs " per vous guari de votras paubras doulours ") le choix entre Boulandie et Salas. En même temps, n’oubliez pas votre gaule : la Briance est peuplée de bonnes truites; la population est accueillante, quant aux restaurants, ils sont renommés. Faites une visite à mon ami Gilles; s’il n’est pas occupé avec Antoine B1ondin, à Salas, il vous guidera sûrement et gentiment.

Mais laissant là le problème de l’aspect religieux de ces eaux miraculeuses, je pose la question, après Henri Bozon : " Il y aurait-il un thermalisme et des eaux minérales ou médicinales en Limousin ", c'est-à-dire des eaux possédant des vertus curatives, comme partout ailleurs en France ? (Voir aussi chapitre " Antonne ".)

Les spécialistes, notamment Jardin et Astruc, précisent que ces eaux " tiennent en dissolution des substances susceptibles d'agir sur la santé humaine ". Des prélèvements ont été effectués pour les besoins de l'étude dont je parle. Prélèvements minutieux autant que les analyses et une étude a été faite sur leur teneur en chlorures, sulfates, azote ammoniacal, nitreuses au nitriques, analyses bactériologiques et aussi de radioactivité. Je n'ai rien de spécial sur Linards, mais le dois relever le profil des eaux naturelles de notre région : eaux acides (à Linards, les pièces métalliques des puits rouillent facilement), très faiblement minéralisées mais ne contenant aucun élément particulier susceptible d'une action spéciale. Malgré les moyens mis en œuvre par Mlle Collin et ses collaborateurs, elle se refuse à tirer la conclusion trop sommaire qui pourrait malgré tout être la suivante : " Le seul phénomène qui pourrait être retenu est leur radioactivité par le radon qu'elles contiennent en dissolution, mais pour le Limousin cela est commun, toutes les eaux le sont plus ou moins. La seule remarque que nous pourrions formuler cependant est : " Les plus fréquentées (si l'on en juge par les ex-voto) seraient les plus radioactives. "

(A suivre.)

Linards. Son sol. - Linards est situé sur une région au sous-sol granitique, à l'exception des bords de la Briance et les hauteurs des villages de Salas et de Buffangeas, beaucoup plus accidentés. On rencontre une carrière de beau granit tout près de Mazermaud, en direction du village du Duveix. Celle-ci a été exploitée par plusieurs générations qui en ont extrait des pavés et de très belles pierres de taille de toutes dimensions. La surface représenterait plusieurs hectares si elle était mise en exploitation.

DE L'OR DANS LE SOUS-SOL DE LA REGION DE LINARDS ?

Il semblerait y en avoir effectivement. Dans son étude sur " l'extraction de l'or en Limousin ", M. Neyraud signale l'existence isolée de groupes ayant donné lieu à des recherches aurifères, et notamment celui de Châteauneuf-la-Forêt - Aureil - Eyjeaux (passant donc par Linards). Ces recherches auraient été faites à l'époque gallo-romaine, et M. Neyraud signale " au-dessus de Châteauneuf-la-Forêt " l'existence de quartz aurifère et de deux souterrains, vestiges. d'une ancienne carrière aurifère. Il nous décrit ces morceaux comme " ayant la hauteur d'un homme ", et toujours dans la même étude, il classe aussi la quatrième fissure du globe dans la région ayant pu faire émerger de l'or du centre du globe de la façon suivante : " La quatrième fissure, qui paraît avoir été moins importante, a été presque entièrement recouverte, soit par les porphyres rouges, soit par les granits blanchâtres. Elle part de Limoges, émerge vers Aureil pour atteindre Châteauneuf-la-Forêt et Neuvic-Entier ", et il ajoute " Les Gallo-Romains, grâce à un don d'observation remarquable, surent reconnaître la présence d'or, et les nombreux filons que nous venons de citer sont encore jalonnés de nos jours par les restes d'un nombre considérable de leurs exploitations. " (J. NEYRAUD : Bulletin Société d'Etudes scientifiques, 1939). Voici donc un autre aspect de notre sous-sol, mes amis de Linards, je suis heureux de pouvoir vous le communiquer. Je laisse maintenant la place à l'un de mes meilleurs correspondants dans la région, pour qu'il traite avec beaucoup de compétence le problème du sol à Linards.

LINARDS, SON CLIMAT ET SES EAUX Par Antoine CLUZAUD

Linards se trouve placé au point de conflit d'influences climatiques contraires entre le climat continental et le climat tempéré océanique. Ce dernier, plutôt frais, est coupé par de courtes périodes de climat continental où le froid et la chaleur sont extrêmes; on peut enregistrer des températures allant de moins dix-huit degrés et parfois des maxima de plus trente-cinq degrés; Linards se trouve en général à l'écart des grandes bourrasques, des ouragans qui naissent sur l'Atlantique, mais il serait faux d'écrire que nous sommes à l'abri total de ces ouragans, nous n'y échappons pas complètement.

En effet, le 22 février 1935, une violente tempête emporta de nombreuses toitures, et des dizaines de milliers d'arbres fruitiers et forestiers furent déracinés et anéantis. Tout récemment, le 3 août 1971, et le 13 février 1972, Linards a été éprouvé par deux ouragans qui ont emporté des toitures en totalité et d'autres partiellement; de nombreux arbres fruitiers ont été également déracinés. Les orages qui y éclatent sont des manifestations locales; la même influence doit déterminer la fréquence des chutes de grêle, Linards est parmi les communes du département les moins exposées à cette calamité; la preuve se trouve facilement dans les archives des Sociétés d'Assurances contre la grêle.

Linards a un climat relativement froid, du fait qu'il est situé sur un sol granitique qui n'absorbe pas l'eau, il n'en laisse passer dans sa masse qu'une très faible quantité à la fois; on pourrait dire qu'il est imperméable, on peut observer que dans les terres labourées, la pluie forme aux creux des sillons des flaques qui mettent parfois longtemps à disparaître; l'eau qui s'évapore à la surface produit du froid et de l'humidité, c'est pourquoi notre climat est sensiblement plus froid que dans les réglons calcaires qui boivent cette humidité; en un mot, chaleur et froid extrêmes, tels sont les caractères de notre climat. Il pleut passablement, d'ailleurs, le sol limousin est l'un des mieux arrosés; l'humidité de l'air est suffisamment élevée pendant toute l'année, et très supérieure à la moyenne française et ceci grâce au vent du Sud et du Sud-Ouest venant de 1’océan. L'abondance et la fréquence des pluies doit se situer à un mètre environ par an; la quantité qui tombe, le nombre et la répartition des jours de pluie sont naturellement variables d'une année à l'autre et de saison à saison. De toutes façons, ces pluies persistantes ne pénètrent pas profondément. et donnent naissance à d'innombrables sources qui se transforment en petits ruisseaux, c'est dire que Linards ne périra jamais par la sécheresse. Ces sources apparaissent entre des couches de pierres feuilletées comme une pâtisserie ou entre des couches de sable et de tuf.

(A suivre)


Cela explique la dispersion des villages par cette abondance de sources près desquelles l'homme primitif a toujours aimé à placer sa demeure; ces villages occupent en général les hauteurs ou le penchant des collines exposées au soleil levant ou au midi; les maisons y sont groupées ou dispersées, sans ordre de rue, parfois isolées. Les " charrières " sont irrégulières, et souvent mal entretenues, bien que chacune d'elles ait reçu un accès goudronné.

La campagne linardaise ne peut pas être triste, puisqu'elle est parée d'une végétation plantureuse, elle présente tous les tons du vert, depuis le vert léger des prairies jusqu'au vert vigoureux du chêne; formée de plateaux irréguliers plus ou moins accidentés et d'altitude peu variable, elle a une. physionomie particulière qui l'oppose à certaines communes voisines.

Il y a quelques années, étant donné cette multitude de sources, ruisselets et ruisseaux, les agriculteurs de Linards avalent multiplié les captations, créé des réservoirs d'eau sur les hauteurs, dans le but d'obtenir le plus possible de surface en prairies naturelles. C'étaient les " pêcheries " d'où l'eau était dirigée sur tous les points, à l'aide d'un réseau de rigoles très complet. Partant de la pêcherie, les rigoles de distribution portaient l’eau sur les points les plus élevés qu'elles pouvaient atteindre; sur ces grandes rigoles de distribution s'amorçaient des petites sections qui assuraient le ruissellement de l'eau sur le gazon à arroser, celles-ci n'avalent que la pente juste suffisante pour que l'eau les remplisse et y coule " sans courir ", le déversement était provoqué par des mottes de gazon placées en travers de la rigole ; lorsqu'une partie de la prairie était suffisamment humectée, on dirigeait l'eau sur une autre partie qui devait être copieusement arrosée à son tour. Si l'irrigation était rationnellement pratiquée, il n'en est pas de même actuellement; la main-d'œuvre manque, et d'autre part les bovins soumis au pacage continuellement ne peuvent s'alimenter sur une prairie arrosée et ne peuvent que faire des dégâts avec leur piétinement. De ce fait, toute l'eau est déversée dans les points les plus bas vers les ruisseaux; les droits d'eau disparaissent, et les procès aussi. Pour compenser, Linards a des prairies artificielles réputées, il le doit au travail acharné de nos jeunes agriculteurs qui, avec des engrais et de la chaux, ont transformé presque toutes les terres labourables en prairies artificielles.

Grâce au remembrement, ces parcelles sont devenues rentables, faciles à clôturer; tout favorise l'élevage en plein air de nos bovins, de même que la race ovine est de plus en plus représentée, et elle se conservera tant que les conditions d'existence lui seront favorables. Les clôtures, soigneusement entretenues, remplacent nos jolies bergères, et privent peut-être certains jeunes amoureux qui autrefois, en leur compagnie chantaient des petits refrains " Lou cœur de mo mïo " ou encore " In jour di l'eïtoulia, gardavo l'oveilla ", etc...

Ma jeunesse d'autrefois dévie un peu mon propos, car cet exposé est relatif aux eaux de Linards; celles-ci se déversent dans trois rivières différentes, la plus grande partie se dirige vers la gracieuse Briance qui draine un vaste bassin, et dont le poisson est l'objet d'une pêche sans merci, il s'agit de la truite qui est d'un goût exquis et le meilleur des poissons d'eau douce. Je ne citerai pas tous les villages dont les eaux se dirigent vers la Briance, de Boulandie au Buisson, par Buffengeas, Linards, etc...

Là existe une multitude de sources, ruisselets, ruisseaux et étangs qui drainent les pluies; ces derniers existent dans des cuvettes naturelles sur le cours des ruisseaux. Le plus important est l'étang de Crorieux, bordé de plusieurs rangées de chênes et de hêtres, dont la silhouette verte et gigantesque reflète dans une eau claire, en même temps une belle allée du côté Est, avec pelouse idéale pour le repos et où l'on peut s'égarer dans les solitudes peuplées d'arbrisseaux et en subir le charme viril. C'est l'étang par excellence pour les nombreux pêcheurs, mais aussi pour les touristes avisés qui restent fidèles en goûtant vraiment l'ombre et le frais avec l'attrait de ses clairière où le soleil joue si joliment sur le gazon et la fougère. Ensuite, nous avons l'étang du château de Linards, celui de la Croix de Mazermaud près du cimetière; celui de Chantegris, celui de La Galie-Montibus, celui de La Galie-Philippe, celui de Buffengeas, celui de Montaigut et l’agréable ruisseau de La Maillerie avec ses trois ponts ; La Maillerie, route de Buffengeas ; les Pueix, route de La Croisille, et l'Etang, chemin d'exploitation.

La deuxième partie des eaux se dirige dans la Combade, qui descend du Mont-Gargan ; il s'agit des villages de Le Sus, Limaginas, Grand’Bueix avec son étang, Villechenour, Comailhac et Le Mazaud, avec chacun leur étang.

La troisième partie se situe sur plusieurs villages, il s’agit de multiples départs de la Roselle. L'un vers Lajaumont se déversant dans le grand étang d’Aigueperse (dix-huit hectares) qui borde les prairies du Vieux-Mont et du Duveix ; en aval, à quelques centaines de mètres, se trouve l'étang de Sivergnas qui frôle plusieurs parcelles de prairies du village de Ribière-Gagnoux, et dont la chaussée est soutenue par le chemin départemental de Limoges à Mauriac,

(A suivre.)

Un autre petit affluent part du village du Châtaignaud avec son étang bordé de magnifiques chênes. Ce ruisseau se jette dans l'étang d'Aigueperse, de même que celui de Bonnefond, avec son petit étang. Autrefois, Bonnefond avait un étang plus important, lequel a été transformé en prairie.

Deux autres petits ruisseaux prennent leur source au village de Mazermaud, l'un alimente l'étang de Mazermaud et ensuite les deux se rejoignent pour approvisionner l'étang de Blanzat, duquel je parlerai plus loin.

Tout près de là, nous avons le ruisseau de Blanzat et la source de Garenne où est édifiée la station de pompage alimentant le bourg et des villages. A la jonction de ces deux ruisselets, se trouve la rivière anglaise de Mme Guary, ayant pour décor une belle plantation de peupliers.

Tous ces ruisseaux et étangs que je viens de citer, se rejoignent et forment la Roselle, affluent de la Briance, et qui en a pas moins de charme, car elle aussi a droit à sa petite chanson : " Chantan lo Rouzello, tout lou louong lé bien bèllo, bien bèllo ", etc...

Je reviens donc à l'étang de Blanzat, propriété de Paul Dumazaud, fils de l'auteur du livre " Linards en Limousin ". Situé dans un cadre magnifique où M. Paul Dumazaud a fait construire, sous une tonnelle de chênes, un beau petit chalet avec une cheminée, meublé d'une table, de fauteuils et d'ustensiles ménagers, il y passe ses moments de loisirs, de lecture, dans ce lieu de repos sans aucun bruit, que le gazouillement des petits oiseaux.

Dans la même enceinte existe une carrière de granit qui fut exploitée autrefois, et dont les moellons servirent (paraît-il) à la construction de l'église de Linards.

De chaque côté de cet étang, M. Paul Dumazaud fils a planté plusieurs rangées de Douglas argentés qui, dans quelques années, se mireront dans l'eau en harmonie avec une dizaine de gros blocs de granit grisâtre, décoré de beau mica blanc qui se présente en paillettes hexagonales; ces blocs, d'un poids de plusieurs tonnes, émergent par-ci par-là, au milieu de l'eau.

En amont de ce lieu d'agrément, tout près de Mazermaud, on rencontre une plaine de prairies délimitées par quelques haies qui ont survécu au remembrement; le sous-sol est gorgé d'eau d'où apparaissent des " mollards " de tourbe, on croirait marcher sur un bateau qui menace de sombrer.

Autrefois, l'homme exploitait ces tourbières, dont le produit desséché servait de combustible.

Nos ancêtres disaient que dans l'une de ces tourbières était tombée une cloche d'airain, portée par saint Martin et destinée à une église.

Ce milieu est renommé pour la chasse, on y rencontre toujours du lièvre, du lapin, le beau faisan, mais aussi dans ses terriers, le fameux blaireau et le renard. On y admire aussi la bécassine qui, le soir, y fait entendre sa voix plaintive et chevrotante en décrivant des vols pleins de fantaisie.

Grâce à la diversité de son relief légèrement vallonné, Linards se prête à l'élevage du gibier et grâce à ses eaux capricieuses mais incomparables, Linards peut produire un poisson varié de qualité supérieure à beaucoup d'autres régions.

(A suivre.)


On peut diviser la surface cultivable en trois points différents : le type classique " terre franche " se trouve dans les villages de Mazermaud et Oradour. La " terre forte " est située sur les villages du Buisson et de Salas. Le type " terre légère " ou très légère est fréquent mais se trouve surtout dans les villages de Montaigut et de Buffangeas. Entre ces trois points principaux, le sol varie dans tous les villages, se rapprochant plus ou moins de l'un de ceux-ci. Dans l'ensemble la terre végétale est extrêmement pauvre en calcaire d'où résulte souvent une acidité qui peut se réduire par des apports de chaux. Elle est pauvre aussi en potasse, en phosphore et en azote. Nos jeunes agriculteurs de Linards qui vraiment aiment leur métier arrivent, avec la quantité, à améliorer cet état de choses et sont récompensés par un rendement bien supérieur et meilleur par rapport aux années ayant précédé l'an 1950. A cette époque je me souviens d'un entretien avec un cultivateur qui me dit un jour : " On recommande de mettre des scories, j'en ai acheté un sac de 100 kg et l'ai bien répandu sur mon pré, je n'ai pas obtenu d'amélioration, par conséquent, J'en conclus que ce n'est pas la peine de dépenser son argent et de remplir ses yeux de poussière. "

Merci, Antoine Cluzaud, votre étude rejoint en tous points les indications de Perpillou et de Schmidt et Timbal. J'ajouterai que depuis ma tendre jeunesse j'ai vu beaucoup de chaux arriver à Linards soit par le tramway départemental soit par camions directs de Saint-Astier, preuve des besoins que vous signalez. Nos jeunes ont étudié, fréquenté les écoles d'agriculture, et si j'en juge par le nombre important de distributeurs d'engrais que mes collègues et moi-même avons vendus, ce sol, comme tous les sols d'ailleurs, a besoin d'être amendé, modifié dans sa nature, si l'on veut en obtenir un rendement optima. Ajoutons que les conseillers techniques agricoles ont, entre autres, pour rôle de veiller à cela, et leur compétence et leur dévouement sont indiscutables. Je reprendrai, au fur et à mesure des besoins, les excellents textes d'Antoine Cluzaud, il y a mis tout son cœur, et ces textes ont pour moi une grande valeur.

LE CLIMAT EN LIMOUSIN

C'est tout d'abord aux compétences de MM. Schmidt et Timbal et de M. Perpillou que je vais tout d'abord faire appel : Ils nous disent " C'est un climat humide avec un régime dominant de vents sud-ouest, les plateaux dominants forment un premier obstacle pour les nuées qui ont traversé les plaines du Poitou et des Charentes. "

M. Perpillou constate dans " Le Limousin, étude géographique et physique " que " les quatre cinquièmes du territoire limousin reçoivent au moins 900 millimètres d'eau, les deux tiers plus de 1.000 millimètres, et un sixième environ plus de 1.300 millimètres ".

" La Haute-Vienne, nous disent Schmidt et Timbal, a deux maxima de pluviosité, en février et juillet, et deux minima, en mai - juin, mais aucune saison n'est vraiment sèche. "

C'est donc, surtout dans la région de Linards, un climat très variable que nous rencontrons, avec des hivers très différents les uns des autres; nous avons connu des hivers très doux et d'autres très rigoureux, comme celui de 1956 je crois, où le thermomètre descendit très bas. Mais il y a lieu de signaler qu'entre Limoges et Linards il existe une ligne très nette de démarcation en ce qui concerne par exemple les chutes de neige. Il arrive fréquemment qu'à Limoges et jusqu'à l'endroit appelé La Violette, près de Saint-Paul-d'Eyjeaux, on ne trouve pas de neige, alors qu'elle épaissit en progressant dans la direction de Linards et du Mont Gargan. Climat capricieux certes pour reprendre le terme de Schmidt et Timbal, humide et frais par périodes, continental et froid ou chaud avec de grandes variations à d'autres périodes. Cependant, rassurons les futurs ou actuels vacanciers qui, à la recherche d'un endroit idéal pour le repos voudraient choisir Linards : au mois de juillet et au mois d'août il y fait généralement très beau, et comme les hôtels sont confortables, les cuisinières sont renommées, ils ne seront pas déçus.

En présentant en 1972, sur les chaînes de radiodiffusion française et sur une grande chaîne périphérique le Critérium des Gentlemen, j'avais rappelé l'étude qui m'avait été confiée par l'un des plus grands savants français, un homme qui honore le Limousin, la France et surtout la région qui fait l'objet de notre étude : J'ai nommé le Pr D’arsonval. Celui-ci avait bien voulu rédiger, en 1939, spécialement pour le journal Jeunesse Limousine, et j'en fus très heureux et très fier à l'époque, un article intitulé " La Provence Limousine ", où il définissait nettement et en technicien notre climat. Je suis heureux de vous communiquer le texte intégral paru dans le numéro de mars 1939 (n°5) de mon journal " Jeunesse Limousine ". Mais auparavant, je dois vous rappeler que dans la présentation dans la presse de ce grand Critérium, organisé par notre gloire locale Antoine Blondin, j'avais écrit ceci :

(A suivre.)

" Si le grand savant Marmontel revenait à Linards, où il vécut quatre ans, il ne retrouverait plus son magnifique château projetant l'ombre de ses quatre tours sur le joli petit étang au bord duquel il était construit, mais par contre il pourrait, en allant se promener sur les bords de la Briance, rencontrer un écrivain contemporain célèbre : Antoine Blondin. Blondin pourrait l'entretenir de ce climat d'euphorie qui incite l'étranger à rester dans ce beau pays, et l'enfant du pays qui l'a quitté à y revenir lorsque sonne pour lui l'heure de la retraite. "

Voici donc :
LA PROVENCE LIMOUSINE

Par M. le Pr D’ARSONVAL

Professeur au Collège de France, Membre de l'Institut

(Inédit de " Jeunesse Limousine ".)

LA PROVENCE LIMOUSINE

par M. le Pr D'ARSONVAL, de l'Académie des Sciences.

Le charme incomparable du Limousin, et j'entends du Haut et du Bas-Limousin qui forment un tout harmonieux, tient à la variété infinie de ses paysages, tout en nuances délicates, à leur simplicité, à leur foncière honnêteté. Leur aspect n'a rien d'artificiel; on sent que la nature seule fait tous les frais de cet admirable décor. En le contemplant, on éprouve ce sentiment de bien-être à la fois physique et moral, que donnent le vrai, le beau, la sincérité absolue. Ce sentiment ne m'est point personnel, à moi enfant du Limousin; nombre d'amis parisiens qui m'accompagnaient m'ont dit : " Que votre campagne est reposante et nous change du scepticisme et du snobisme de nos boulevards. "

Dans le Haut-Limousin ils admiraient nos sous-bois de châtaigniers, la verdure de nos prairies, la limpidité de nos ruisseaux, mais surtout la beauté de nos horizons circulaires et le bleu profond de notre ciel de montagne.

Un autre sujet d'étonnement, au printemps surtout, consiste dans le contraste saisissant qui existe quand on passe subitement du Haut au Bas-Limousin au niveau de la chute que fait la Vézère au Saut du Saumon. On peut y arriver par deux routes différentes en partant d'Uzerche. La première suit la rive droite de la rivière et aboutit aux hauteurs de Voutezac; la seconde passe sur la rive gauche de Perpezac pour aboutir toutes deux au Saillant.

Au point culminant de cette dernières vers la chute de la Vézère dont on domine le cours de quelques centaines de mètres, apparaît subitement la plaine de Brive; au printemps le spectacle est féerique.

Derrière soi on a le Haut-Limousin, revêtu encore de son manteau d'hiver, et devant soi, à droite les coteaux verdoyants de Vertougis et l'immense plaine parée d'arbres en fleurs, de frais gazons, de champs de lin d'un bleu tendre ou de trèfles dont l'incarnat est complémentaire.

On a peine à s'arracher à ce contraste, et je suis persuadé que le plus farouche chauffard pressera plus volontiers la pédale du frein que celle de l'accélérateur en découvrant notre petite Provence limousine, Je dis avec intention notre Provence car j'ai éprouvé une sensation analogue, quoique moins subite, en descendant, par temps de neige, des contreforts des Cévennes sur la vallée d'Andancette et de Valence où m'accueillaient les amandiers en fleurs. On ne peut s'étonner que notre Limousin ait donné naissance à tant de troubadours célèbres, de poètes et de littérateurs.

Mais le contraste harmonieux entre nos deux Limousins, le Haut et le Bas, se poursuit également au point de vue de la climatologie médicale. Notre pays offre à l'art de guérir, et sur un espace limité du centre de la France d'immenses ressources non encore exploitées par les hygiénistes et les médecins de la capitale. Comme directeur de l'Institut d'hydrologie et de climatologie médicales, avec plus d'espoir d'être écouté qu'en tant que Limousin, je tiens à le proclamer bien haut aux intéressés.

Le Haut-Limousin peut être le siège de nombreuses stations climatiques de premier ordre.

Son altitude moyenne variant de 400 à 700 mètres, les nombreuses forêts qu'on y trouve, son sol granitique, ses vertes prairies, la faible densité de sa population, la pureté de l'air et des eaux, son ensoleillement constituent le climat tonique idéal. Il convient spécialement aux anémiques, aux surmenés, aux convalescents. Il réussit merveilleusement à la majorité des tuberculeux déprimés qui ne peuvent supporter les grandes altitudes ou l'atmosphère déprimante de Pau, d'Arcachon, de Cambo et de certaines stations de la Côte d'Azur. La preuve clinique en est fournie par les résultats obtenus depuis plus d'un quart de siècle au sanatorium de Sainte-Feyre, près de Guéret, qui reçoit des malades venus de tous les coins de France. Certaines régions du Haut-Limousin qui appartiennent à la fois à la Haute-Vienne, à la Corrèze et à la Creuse sont éminemment favorables à ces multiples points de vue.

(A suivre.)


Le sanatorium de Bellegarde-les-Fleurs, que vient d'installer la commune de Châteauneuf, au voisinage du Mont Gargan, répond à ces conditions.

L'air de nos montagnes donne à tous, malades ou bien portants, une sensation de légèreté tout à fait spéciale et caractéristique. Cette sensation n'est pas due à l'altitude mais à l'état électrique particulier de notre atmosphère. J'ai pu constater, depuis de longues années, dans ma région, à 510 mètres d'altitude, que l'air y est presque toujours chargé d'électricité négative, d'où le sentiment d'euphorie quand on le respire semblable à celui qu'on ressent sur le tabouret isolant, électrisé négativement par une machine statique.

Le pôle positif produit l'effet inverse, ainsi que l'avaient, constaté les vieux électro-thérapeutes du siècle dernier.

L'état électrique de l'atmosphère joue un grand rôle en climatologie médicale et explique seul, par exemple, le malaise qui précède l'orage. Notre Institut étudie cette question scientifiquement.

Aux ressources climatiques du Haut-Limousin, le Bas-Limousin peut ajouter toute une gamme de températures où les plus exigeants peuvent trouver, comme en Provence, celle qui leur convient le mieux.

Ainsi se complètent, au point de vue médical, nos deux Limousins.

LES EAUX A LINARDS

Après cette étude magnifique de M. le Pr d'Arsonval, il convient de parler des eaux. Tout d'abord des rivières :

La Briance, dont nous a beaucoup parlé Louis Gilles, cette douce Briance, chantée par Mazabraud, dont la chanson retentit dans toutes les noces, dans tous les banquets limousins, cette chanson immortalisée par mon ancien professeur François Sarre et par notre excellent chanteur limousin Bariant, reçoit près de Linards les autres ruisseaux et constitue la limite sud de notre commune; son eau est limpide, ses rives charmantes et elles constituent un lieu idéal de repos. Mais il est d'autres ruisseaux qui, eux aussi, abondent en truites, et étaient jadis renommés par leurs écrevisses; ils ont nom : Planche-Ferrée, ruisseau de La Maillerie, ruisseau de Blanzat. Deux étangs aussi : celui du Château et celui de Crorieux ; d'autres se sont créés depuis, puisque la mode est de " faire des étangs ". Celui de Paul Dumazaud (mon fils) est traversé par le ruisseau de Blanzat. Il est situé dans un cadre magnifique, au pied d'une colline que surplombait jadis un très joli moulin à vent. dont Antoine Cluzaud nous parle en ces termes :

" Tout près de là, sur un beau plateau un peu élevé, en limite des villages de Mazermaud et Ribière-Gagnoux, il y avait un moulin à vent. D'ailleurs ce plateau en conserve le nom au cadastre. On y faisait moudre le seigle et le blé noir; la farine de seigle tamisée était destinée à faire le pain et celle de blé noir (sarrazin) à faire les délicieux galetous. Les dernières démolitions furent faites en 1900 et la maison du meunier en 1920. On imagine certes ce moulin à vent, réplique des moulins d'Alphonse Daudet, dans ce paysage clair les beaux jours d'été, projetant ses ailes au sommet du coteau, et les paysans amenant avec leurs " bourricouts " leurs sacs de grain, et faisant, pendant la mouture, sans doute la cour à quelque belle meunière, car à Linards les filles sont toujours belles. "

Et Antoine Cluzaud continue : " Là, nous allons rejoindre bientôt le problème des eaux. De ce plateau on découvre, situé à deux kilomètres environ, le vieux château d'Aigueperse, qui fut la résidence du comte de Mirabeau, député de Provence, qui, par sa grande voix, domina tous les partis et fut le tribun de la Révolution de 1789."

Mais revenons aux eaux, je parlerai longuement de la famille Mirabeau en même temps que des mines de Glanges.

Aigueperse ne signifierait-il pas, ce nom, " l'eau qui perce " ? en effet, Cluzaud continue : " Tout près de là fut construit le grand étang d'Aigueperse, en 1851, d'une surface de 18 hectares environ, empruntant par endroits les prairies du village du Duveix. Cet étang est alimenté par deux ruisseaux, l'un venant de La Gane (commune de Linards) et l'autre descendant de Lajaumont (toujours commune de Linards). C'est donc les eaux jaillissant à Linards qui alimentent ce bel étang. " Mais l'eau est abondante à Linards; avant les adductions d'eau, le bourg était alimenté : au milieu par une fontaine dont l'eau limpide coulait presque au milieu du carrefour, déviée ensuite elle fut adossée au mur de l'immeuble Mariaud. Lorsque la question fut posée pour la première fois, par la municipalité Fraisseix, d'une adduction d'eau dans le bourg de Linards, un conseiller fort intelligent, Louis Reilhac, proposa une station de pompage dans le haut du bourg, car il y avait décelé une nappe d'eau importante. Ensuite d'autres études furent faites par des géologues, sous la municipalité Mariaud, et c'est la nappe des bois de Boulandie qui fut retenue.

(A suivre.)


La réalisation de cette adduction apporta un grand confort à la population du bourg et fut étendue aux villages proches. Le débit étant devenu ensuite insuffisant, je crois que le premier projet Reilhac a été repris récemment pour suppléer à l'insuffisance de l'eau de Boulandie, et c'est grâce à la découverte inopinée, tout près de là, par M. Ladurantie, maire, d'une importante source à Garrenne que la station de pompage moderne a pu suppléer à l'adduction d'eau de Boulandie, devenue insuffisante.

Avec l'adduction d'eau, la vieille pompe en cuivre qui faisait la joie des écoliers et la fontaine de " Chez-Mariaud " ont été mises hors de service. Mais le " fond du bourg est entièrement construit sur un marécage ". Lors de la construction de la vieille école et mairie, il fut nécessaire de réaliser des pilotis. Mais l'importance de cette nappe souterraine est indéniable. Les immeubles Jacquet possèdent un puits à l'entrée de la cave de ma maison natale et l'eau y est sans cesse renouvelée.

M. le Dr Marius Couty, fils de l'excellent instituteur dont j'ai déjà parlé, qui a habité cette vieille maison, me signale le fait suivant :

" Il y a lieu de noter l'étonnement de l'entrepreneur et des ouvriers chargés de construire le monument aux morts de la guerre de 1914-1918 (face à l'école): Ils ne purent arriver à trouver " le solide " (terme désignant le terrain dur pouvant supporter le poids de l'édifice), et c'est sur des pilotis que fut posé ce monument. "

Ceci confirme encore ma supposition, d'autant plus que les marécages derrière la gare témoignent encore de la présence de cette nappe souterraine Cela m'amène à une autre supposition :

Me référant toujours à l'excellente Société d'études scientifiques du Limousin (tome XIX), je relève l'étude du grand radiesthésiste que fut Henri Bozon :

" Ayant été frappé par le fait que la plupart des églises anciennes sont extrêmement humides, j'ai pu, à l'aide du pendule, trouver l'explication de ce phénomène : en général, l'humidité vient tout simplement de ce que, dans l'axe même du chœur, se trouve en sous-sol un "griffon", c'est-à-dire un courant d'eau provenant de grandes profondeurs et montant plus ou moins verticalement du sol. Le choix pour une église d'un emplacement avec griffon avait jadis sa raison d'être : au début du christianisme, le baptême avait lieu par immersion dans une cuve baptismale. Il était donc indiqué de placer dans cette église cette cuve à un endroit où l'on pouvait trouver une source d'eau extrêmement pure. Il se peut d'ailleurs que dans certaines églises la présence d'un griffon dans l'axe même du chœur vienne de ce que les temples chrétiens aient été bâtis sur l'emplacement même d'un temple païen. Comme on le sait, les peuples primitifs de la Gaule avaient adopté comme lieu de sacrifice les endroits où en sous-sol se trouvaient des courants d'eau au-dessus desquels ils élevaient des mégalithes. Toujours au sujet des griffons, nous rappellerons ce que nous avons déjà eu l'occasion de signaler, c'est au-dessus des griffons que prennent naissance les tourbillons d'une tornade. " (Henri Bozon )

Ce précieux document, émanant d'un savant radiesthésiste, m'amène à penser que peut-être un griffon existe sous l'église de Linards. Ce sous-sol de l'église de Linards m'intrigue d'ailleurs beaucoup, car, vous le verrez plus tard, je poserai la question : n'y a-t-il pas sous cette église, en plus du supposé griffon, une vaste crypte où seraient enterrés les seigneurs qui pendant des siècles ont régné sur Linards en Limousin. De toutes façons, ce griffon est, je crois, sauf erreur, symbolisé sur une clé de voûte de l'église et s'il existe c'est lui qui alimente ce marécage et entretient cette humidité indéniable du fond du bourg.

Maintenant, si vous le voulez bien, amis lecteurs, nous allons à nouveau nous embarquer sur ce que j'appellerai " la gondole à remonter le temps ", puisque toute histoire ou monographie se doit de reprendre une région à son origine et traiter tout ce qui, de près ou de loin, touche la vie, et rechercher comment la commune s'est créée. Toutefois, comme cela est pour certains d'une lecture un peu fastidieuse, à partir de cette publication j'encadrerai par des études " hors-textes " la partie légende, coutumes et-traditions de la région, où j'essaierai de faire revivre ces croyances, ces coutumes qui nous viennent d'une époque non définie mais certainement très lointaine, car certaines croyances, certaines coutumes, je l'ai prouvé avec les fontaines, nous viennent de nos ancêtres les Celtes, les Gaulois et les Romains. Repartons donc dans l'histoire locale et régionale. Je ne vous fatiguerai que très peu avec les noms des roitelets portant des numéros, des seigneurs faisant en certains endroits figure eux aussi de rois, car avant Louis XI qui, lui, forgea l'unité de la France, chaque seigneur était bien maître chez lui et faisait ce que son bon plaisir lui dictait.

(A suivre.)


NOUS VOICI DONC EN L’AN 259

Un petit Empire dont faisait sans doute partie le Limousin s'est constitué à Bordeaux, mais les historiens ne peuvent affirmer ni que les hordes germaniques, ni que les Francs, destructeurs de la Gaule, ravagèrent le Limousin, mais peut-être quelques bandes non identifiées firent-elles des incursions dans notre pays.

Les historiens nous affirment que le Limousin vécut tranquille pendant la paix romaine, mais au fur et à mesure que s’implantait le christianisme, qu'il s'enracinait même, la puissance romaine s'affaiblissait. N'en est-il pas ainsi de tout Empire qui devient trop grand, comme de tout domaine qui s'agrandit et prend de 1’importance avec trois générations ou quatre, se dilue à la quatrième ou cinquième. C'est une loi de la nature, m'expliquait jadis mon père, sans cela deux ou trois groupes familiaux possèderaient toute une région. Cet Empire immense fut sérieusement secoué par les invasions, mais notre région ne fut pas trop touchée au début par ce mouvement pendant le III° siècle, mais vers la fin du IV°s, c'est-à-dire au moment où les disciples de Saint-Martin-de-Tours engagèrent sérieusement la lutte contre les idoles païennes, mais sans que cela soit une cause, les grandes cités se fortifiaient, prévoyant sans doute les grandes invasions proches.

Dans les villes, la fiscalité devenait lourde, les citadins cherchaient à fuir vers la campagne. Ce fut la continuation de la contestation, ce qui prouve que le contribuable n'a pas toujours été satisfait de son sort. Qu'en pensez-vous mes chers amis de Linards et autres lieux ? Petit à petit, les paysans devinrent les vassaux des grands propriétaires et nous assistons à la naissance de la noblesse, des assujettis et des seigneurs. Nous verrons ultérieurement comment, au travers du peu de documents existant, Linards s'organisa. Mais la fin du IV° siècle voit l'écroulement de l'Empire et l'arrivée des Barbares. D'origine inconnue, les premières bandes saccagent notre région, puis c'est la grande invasion de l'an 406. Les Huns arrivent et détruisent tout sur leur passage, les villes disparaissent, les villas sont détruites, les belles villas (sans doute aussi la villa d'Antonne, qui semblait régner sur la région de Linards, disparaît-elle à cette époque). Les paysans se réfugient dans les grottes, les cavernes, creusent des abris. Ne serait-ce pas là l'origine de nos souterrains refuges de Linards, Manzeix, Puy-Larousse et autres lieux de Linards et ses environs?

C'est dans un pays jonché de ruines que s'installent les Wisigoths, en 419. Ils nous viennent d'Italie. Ils n’ont rien de commun avec les destructeurs barbares que furent les Huns. Contrairement aux hordes d'outre-Rhin, ils commencent à apprendre la civilisation. Ils sont humains et possèdent certaines notions artistiques.

Ils sont calmes, voire même aimables. Aussi, aucune résistance ne leur fut, je crois, opposée. Seule la question religieuse les opposera plus tard aux Limousins. Privés d'évêques catholiques, les Limousins à la fin se révoltèrent, Limoges fut attaquée, et en 488 la cité est saccagée par les troupes du roi Wisigoth Alaric.

LES FRANCS ET CLOVIS

Voici la bataille de Vouillé (Vienne). - Les historiens nous ont amplement dépeint les soldats de ce roi. Sidoine Appollinaire, évêque de Clermont (V° siècle), nous dit quels étaient roux, grands, les cheveux ramenés du sommet de la tête vers le front, les yeux verdâtres, le visage rasé mettant en évidence des maigres moustaches. Leur arme était la francisque !!! Pauvre francisque, quels tristes souvenirs nous rappelles-tu à nous, contemporains, puisqu'à une autre époque on jugea bon de te choisir comme symbole de ralliement sous une autre invasion.

La bataille de Vouillé donc, gagnée par Clovis, met en déroute les Wisigoths et l'esprit romain renaît. Les maisons se rebâtissent, mais notre région est ballottée au gré des successions et des partages entre les héritiers de Clovis. Je glisserai sur cette partie de l'histoire limousine bien trop compliquée, car je sortirais de mon sujet et de mon but.

Mais les mérovingiens nous introduisent la première autorité régionale, " Le Comte ". Ce personnage, diplômé, fait appliquer les lois et aussi la fiscalité qui suit de très près toutes les institutions. Après la dispute entre les héritiers de Clovis, en 580, une révolte en Limousin aboutit à la destruction des registres de recensement; toujours à cause des impôts. Cette révolte est matée et l'autorité royale envoie des inspecteurs qui, nous dit Grégoire de Tours, ruine le peuple par des amendes, l'effraie par des supplices et punit de mort les plus réfractaires. Les impôts sont devenus encore plus lourds et seule l'intervention de St Yrieix amène sur décision de la reine Frédégonde la destruction des rôles trop durs, et tout rentre dans l'ordre. Il faut bien constater que dans tous les régimes, le grand problème de l'impôt amène depuis les temps les plus reculés la contestation et les contestataires.

(A suivre.)


PREMIERES TRACES DE NOBLESSE A LINARDS

Pour la première fois les documents historiques font apparaître à Linards le nom d'une noblesse qui règnera sur la région de Linards, Saint-Bonnet-Briance et Roziers. Il est question des seigneurs de Agia-Monte, devenu ensuite L'Age-au-Mont, pour ensuite s'appeler, d'une façon définitive je pense, Lajaumont. Est-ce à cette époque que fut construit le château, je ne peux le préciser. Il est impossible aussi de le décrire, mais dans le peu de vestiges que nous avons découvert sur les lieux, nous retrouvons encastrées dans les murs deux curieuses têtes sculptées dans le granit. D'après certains spécialistes, elles pourraient être elles-mêmes des vestiges de quelque monument gaulois ou celtique même, et s'apparentent aux statues de l'île de Pâques qui sont remarquables par leur taille, par leur cachet et dont on n'a pu je pense préciser exactement l'origine. Cela tient, m'a dit un ami, au fait que des artistes itinérants effectuaient de longs voyages et essaimaient leur art sur le globe. Donc, nous concluons sur ce point, avec toute l'incertitude et toute l'imprécision qui s'attachent à de telles époques, que l'autorité des nobles de l'époque s'institua à Linards entre l'an 456 et l'an 571.

Grégoire de Tours nous présente en 575 un Limousin ensanglanté, les églises incendiées, les monastères ruinés, les nonnes " souillées " et Limoges à nouveau saccagé. Puis voici le bon roi Dagobert, vous connaissez la chanson qui l'a immortalisé, et aussi son orfèvre et conseiller saint Eloi qui répand le bien autour de lui. C'est la naissance du monastère de Solignac, durable et magnifique souvenir de cette époque. La douce Briance, venant de Linards, baigne les pieds de ce remarquable édifice, regorgeant de richesses. Notre pays est rattaché au royaume d'Aquitaine avec Dagobert. C'est l'époque des ermites dont je parlais précédemment, celle de tous les saints dont nos communes portent les noms : Saint-Léonard, Saint-Junien, Saint-Victurnien, les vallées limousines en abritent de très nombreux.

LES SARRAZINS EN LIMOUSIN

Là nous retrouvons notre Linards en Limousin : battus à Poitiers en 732, par Charles Martel (à Vouillé exactement), les Arabes et leurs hordes sarrazines traversent notre région. C'est sûrement de cette époque que datent les " Châteaux-Sarrazins " dont j'ai déjà parlé. L'un est situé communal de Linards, et l'autre sur le bord de la route actuelle de Linards à La Croisille, un peu avant d'arriver aux quatre routes. L'abbé Leclerc nous les décrit ainsi :

" Linards : motte de forme carrée de 15 m x 17 m; celui de Saint-Méard est bien plus important. "

On a dit beaucoup de choses sur ce passage des Sarrazins. On leur attribue notamment le croisement des chevaux arabes avec les chevaux limousins de l'époque, et de la tapisserie d'Aubusson, mais ce fait est contesté. Par contre, tous les historiens soulignent le type " arabe " de certains sujets de la population limousine : peau au teint mat, cheveux crépus, yeux noirs. Peut-être avons-nous du sang arabe dans les veines. Notre race s'en est-elle améliorée? nul ne sait; par contre, les spécialistes sont d'accord sur la similitude des qualités du cheval limousin avec le cheval arabe : rapidité, légèreté, souplesse. Il me semble incontestable que, venant de Poitiers, circulant en bandes isolées, pourchassées par les autorités ecclésiastiques de Limoges, ces bandes qui allaient assiéger Uzerche et l'encercler pendant sept ans aient séjourné à Linards, ou y aient peut-être établi une base solide.

Puis ce fut la guérilla farouche, la destruction par les Francs de la cité de Limoges, et les invasions normandes en remontant la vallée de la Vienne: ces nouvelles hordes sèment la terreur, tuent les populations, détruisent en trois fois, au cours du III°' siècle, les chefs-d'œuvre déjà édifiés ou les mutilent (Solignac notamment).

NAISSANCE DU NOUVEAU LIMOUSIN

Mais dans cet ensemble dramatique de guérillas et invasions, c'est un autre Limousin qui naît. Il est impossible de bien le définir. La race s'est modifiée. Les comtes, fidèles représentants de l'autorité royale, sont assistés par les " viguiers " et les " centeniers ". De nouveau le peuple se révolte contre la fiscalité. Lorsqu'il est question de nouvelles taxes, les registres sont brûlés. Les révoltes sont réprimées, et si la prison de Bonneville n'est pas encore construite, les amendes, la torture existent déjà et les " révoltés " (que l'on appellerait contestataires de nos jours) y sont durement soumis.

(A suivre.)


L'EMPEREUR A LA BARBE FLEURIE

Souvenir assez sympathique que celui du règne de Charlemagne en Limousin, ses capitulaires jettent les bases d'une précoce Constitution et d'institutions en faveur du peuple. Il vient au Palais en 830. Il y réside et y convoque une assemblée des grands. C'est le Limousin féodal qui naît et la vie y est paisible jusqu'en 856, date de l'arrivée des Normands.

LA VISITE DE CHARLEMAGNE EN LIMOUSIN

Plusieurs auteurs nous ont décrit les visiteurs célèbres en Limousin. Joseph Nouailhac notamment, dans l'Histoire du Limousin et de la Marche, et aussi André Rouger, d'une façon très précise et très documentée, dans Au pays des Lémovices. Comme moi et avec beaucoup plus de talent, ces historiens se sont penchés sur le passé de notre pays. Il faut les en féliciter.

De tous ces visiteurs, je ne retiendrai que les plus célèbres que je citerai au passage. Mais parmi eux, il est une figure qui nous a été présentée dès notre plus tendre jeune âge sous un jour fort sympathique. Je veux parler de Charlemagne, l'Empereur à la Barbe Fleurie. Je veux bien qu'au cours des siècles l'imagination des historiens ou des auteurs écrivant pour des jeunes enfants aient quelque peu modifié le véritable visage de ce grand Empereur, mais comme il a été l'un des constructeurs de la France, comme il s'est intéressé au Limousin parmi ses nombreux Etats, je ne veux pas l'oublier.

CHARLEMAGNE, PROTECTEUR ET BIENFAITEUR DU LIMOUSIN

Lorsque l'empire carolingien devint propriétaire du Limousin après la soumission de l'Aquitaine, ses chefs trouvèrent un pays en ruines, Limoges était une ville démantelée et la misère régnait une fois de plus. Le règne de Charlemagne nous apporta une nouvelle période de paix, comme jadis la fut la paix de Rome.

Les lois de ce grand Empereur, " les capitulaires ", furent appliquées, les comtes et le clergé administrent la région. Ils collaborent entre eux. Cette période commence vraisemblablement vers 775, Charlemagne étant devenu empereur et seul maître à la mort de son frère Carloman, en 771.

Il fut le protecteur des arts et de l'instruction et le roi qui refoula en Espagne les Sarrazins, dévastateurs de notre Limousin.

LA VISITE DE CHARLEMAGNE EN LIMOUSIN

Son père Pépin ayant détruit notre région, ruiné Limoges, puis pris de remords doté richement les abbayes et églises de la ville, Charlemagne fit édifier une Villa richement ornée et regorgeant de vivres, de mobilier et de tout le confort moderne de l'époque à Jocondiac, près du Palais-sur-Vienne. C'est au début de l'an 800 qu'il fit sa première visite à Jocondiac. Peut-être la Villa d'Antonne dont j'ai parlé dépendait-elle aussi de ce grand roi, mais je pense plutôt qu’elle était déjà rasée à l'époque. Sa femme Hildegarde étant malade, il avait fait un vœu et avait été se recueillir sur la tombe de saint Martin de Tours. Peut-être aussi (mais la supposition est toute gratuite) venait-il en Limousin rechercher dans les fontaines de cette région la guérison de la reine. Il fut reçu à Limoges en grande pompe, et un important cortège, après avoir défilé dans les rues de Limoges, conduisit le monarque sur le parvis de l'église Saint-Pierre-du-Sépulcre. Après avoir visité la basilique Saint-Etienne, s'être incliné sur le tombeau de saint Martial, participé à un grand festin au palais épiscopal, il revint coucher à Jocondiac et repartit vers Tours le lendemain. Là, le 4 juin 800, il eut la douleur de perdre son épouse qui est enterrée dans la basilique Saint-Martin de Tours.

Chers lecteurs, pardonnez-moi si une fois de plus j’ai quitté " Linards en Limousin " dans mes textes. C'est parce que je pense qu'isoler Linards de l'ensemble de ce grand contexte qu'est l'histoire du Limousin serait une hérésie, une erreur. Tout d'abord parce que, je le répète, dans l'histoire antique, celte, gauloise, gallo-romaine " Linards n’existait pas ". C'est aussi parce que l'ai voulu situer dans son vrai cadre la naissance de notre Linards, c'est-à-dire au cœur du " LIMOUSIN, PAYS DES LEMOVICES "

(A suivre.)


Pays des Lémovices, oui, vous l'avez vu par l'histoire de tous mélanges de races qui, jusqu'à l'apparition de la féodalité, s'est créé et fondé dans un mélange de races venues de tous les points du globe. Tous les points du globe direz-vous ? Je ne peux être affirmatif, mais ce que je trouve troublant, c'est au château de Lajaumont cette similitude signalée entre les deux magnifiques têtes sculptées et les statues de l'île de Pâques. Je demande à un spécialiste de bien vouloir me donner son point de vue à ce sujet. Je précise également, pour répondre par avance à certaines critiques, que si, comme l'on dit, je " saute du coq à l'âne ", c'est-à-dire de saint Martin à la description d'un village, c'est pour mieux mettre en parallèle ce que je suppose avoir été la vie à Linards dans ses débuts avec celle que mes aînés encore vivants et moi-même connaissons et avons connue. Je prie le lecteur de m'en excuser. Il est assez difficile de réaliser une monographie orthodoxe, je sais que les critiques ne manqueront pas, mais là aussi je répondrai : dans combien de communes en Limousin des enfants du pays se sont-ils penchés sur leur histoire, sur l'histoire de leur pays natal pour en publier une monographie ? J’en connais peu : Cousseyroux, à Peyrat-le-Château, avait donné l'exemple, il n'a été que peu suivi; j'essaierai de dresser la liste des monographies communales, elle sera courte. Je dois dire même qu'au cours de l'enquête que j'ai lancée, si des bonnes volontés se sont jointes à moi, certains détenteurs d'archives qui n'auraient jamais dû quitter Linards n'en n'ont pas fait de même et n'ont pas daigné répondre à mes demandes.

De tout cela je ferai le point en fin de publication. Malgré tout, je remercie tous les habitants de Linards, sa municipalité et mes fidèles collaborateurs qui ont compris l'intérêt de cette étude que je poursuis, sans ambition littéraire - je l'ai déjà dit - mais pour que se perpétue dans l'avenir le souvenir de cette riante cité, de mon pays natal que j'aime plus que tout, ce qui- me permettra de reprendre en bon félibre que j'ai été dans ma jeunesse et que je suis toujours de cœur, ces beaux vers de Frédéric Mistral :

J'aime mieux mon village que ton village,

J'aime mieux ma province que ta province,

J'aime la France par-dessus tout.
 
 

Je le ferai parce que j'ai été marqué par la réponse que me fit un jour un guide devant les cages en fer de Plessis-lès-Tours où Louis XI enferma les cardinaux ou seigneurs terribles qui divisaient le pays. Soulignant la cruauté de ce traitement, je m'indignais un peu de ce genre de traitement. Le guide me répondit simplement : " Oui, Monsieur, mais il a fallu un homme comme Louis XI pour faire cesser les guerres terribles et créer la France unie. " La France unie. Oui. Mais dans la France unie le Limousin uni. Uni par sa langue, par sa race caractérisé malgré tout, par son amour subconscient de nos vertes vallées, de nos bois, de notre air pur comme l'a défini D’Arsonval. N'est-ce pas tout cela qui pousse de plus en plus le citadin à " prendre la route " le dimanche, et à aller respirer cet air pur, tout en pêchant sur la Briance, la Roselle ou autres de nos beaux ruisseaux de beaux poissons, de belles truites, des " gardèches ", comme l’on dit à Linards, et à faire provision pour la semaine d'oxygène et de santé. Venez à Linards, il n'y a pas là de problèmes concernant la pollution des rivières ou de l'air. Je ne le dirai jamais assez, mais, Antoine Blondin, ne pourriez-vous pas nous dire ce que vous ressentez, ce que vous avez ressenti dans le calme de votre village de Salas si adroitement et habilement décrit par votre ami Gilles ?

FAMILLES ET CHATEAUX DE LA REGION DE LINARDS EN LIMOUSIN.

En ce qui concerne la commune même, mon étude portera sur les seigneurs et grandes familles bourgeoises qui ont contribué à l'unification de notre commune. Au premier rang, nous trouverons les familles De l'Age au Mont et De Gain. On ne peut pas dire que ces seigneurs, renommés comme très puissants, n'aient pas contribué à l’unification de notre commune, puisque c'est par un mariage entre les deux familles que se consomma la fusion des deux plus grands domaines. Que sont devenus leurs restes? J'ai déjà posé la question. Je demande à tous les chercheurs qui pourraient m'y aider de le faire. Je traiterai aussi le problème de la famille Mirabeau, dont le nom est malgré tout associé à la vie de notre commune, puisque son château d'Aigueperse est sur la limite de notre commune, enfin aussi je rechercherai les documents qui pourraient exister sur les familles De Brettes, Vaux de Vallibus, dont une chapelle porte le nom, et aussi des continuateurs de l’œuvre de ces grands seigneurs, car d'eux je veux surtout retenir leurs réalisations et les pierres apportées à cet édifice qu'est ma chère commune.

(A suivre.)


FAITS ET PERSONNAGES APPARTENANT A L'HISTOIRE

Mon Linards est aussi chargé d'un lourd passé historique. Je n'en dis pas plus long pour le moment, trois au moins importants problèmes seront traités impartialement, puisqu'ils appartiennent non seulement à l'histoire du Limousin mais aussi à l'Histoire de la France. Je m'efforcerai de faire en sorte qu'aucune critique ne puisse s'élever à ce sujet et que je ne puisse ni froisser une susceptibilité quelconque, ni être taxé de partisan en quoi que ce soi.

LA FORMATION DU VRAI LINARDS

Par des documents historiques dépassant fort souvent le cadre de mon étude, je vous ai conduits aux premières traces de noblesses. Nous verrons plus tard comment se sont formées les communes, et puisque nous en sommes arrivés au " morcellement féodal " qui a jeté les fondements des collectivités, il convient de préciser que Linards se trouvait au X° siècle dans la Vicomté de Limoges, l'un des huit grands domaines constituant le Comté du Limousin. Au XI° siècle, la Vicomté de Limoges est l'un des plus grands domaines des quatre qui se partagent la région. La vie féodale est commencée, elle est faite de luttes que l'on pourrait qualifier de tribales, ou plutôt de seigneuriales, de querelles ou d'alliances par mariages. Limoges est divisé en deux parties très nettes, la Cité et le Château, qui sont nettement séparées, n'appartiennent pas toujours aux mêmes dirigeants ou rois, et sont très souvent en lutte en attendant que des étrangers viennent les piller ou les raser.

C'est en 1095 qu’apparaît la notion des " Croisades " et des Croisés. Voici les quelques documents que nous laissent les historiens sur les deux familles seigneuriales qui se partagèrent la commune à l’époque.

FAMILLE DE LAJAUMONT, PRECEDEMMENT DE L’AGE AU MONT ET AGIA MONTÉ.

Si ce nom (Agia Monté) apparaît dans l'histoire vers l'an 456 ce n'est doute que la dénomination d'une terre, et il nous faudra attendre bien plus tard pour voir apparaître d'une façon précise le nom de ces seigneurs dans les études sur notre commune. Il faut dire tout d'abord que les armoiries ou armes des seigneurs de Lajeaumont sont définies comme suit (" Nobiliaire Nadaud ") :

D'azur à bande or, accompagnées de trois étoiles de même en chef et trois pointes mises en bandes. L'abbé Leclerc, auquel toute personne étudiant l'histoire d'une commune est obligée de se référer, précise que pour lui le terme : d'azur à la bande d'or accostée de six étoiles du même, posées trois et trois. Il certifie également que ce sont ces armoiries qui ornent la clef de voûte ainsi que la porte de la chapelle de Linards dite de Lajeaumont.

Linards donc possédait deux terres seigneuriales : celle de Lajaumont dont l'influence débordait sur la paroisse de Combret aujourd'hui disparue, et celle de Linards appartenant à la famille de Gain de Linards, propriétaire de la terre de Linards qui porta tout d’abord le titre de Baronnie puis celui de Marquisat. Les seigneurs de Gain de Linards (dont la particule " de Linards " paraît avoir été offerte en hommage au roi Louis XV (ce qui n'est pas confirmé) semblent avoir été très puissants et avoir régné très longtemps sur cette " terre de Linards ". Mais avant de parler des seigneurs de Linards et des environs, il nous faudrait parler, je pense, du monument, de l'édifice autour duquel toute la vie de la commune a gravité et gravite encore depuis des siècles. Cette église, vous la connaissez tous puisque j'ai eu le soin de la mettre en d'honneur depuis le début de mon livre. Oh ! certes il y en a de plus belles dans notre département. niais pour nous, habitants de Linards, c'est celle dont les cloches ont retenti dans nos oreilles depuis notre naissance, pour les moment heureux comme pour les moments malheureux, pour les naissances comme pour les enterrements et, entre-temps, pour les mariages, pour sonner le tocsin aux déclarations de guerre, et aussi - je vous dirai plus tard combien cette sonnerie m’est restée chère - pour annoncer l'armistice de 1918 car, pour nous petits enfants, c'était le retour du papa presque inconnu, mais j'en reparlerai en son temps. Eglise simple donc, mais combien je la vénère. Elle m'a toujours intrigué, avec son clocher qui semble avoir été posé rapidement dessus ou, avoir remplacé un clocher d'un meilleur style mais détruit par une catastrophe quelconque. De toutes façons, telle qu'elle est, que nous soyons ou non croyants, nous l'aimons, nous Linardais, cette église, et voici son origine et ce que nous en disent les historiens : L’église est de style gothique du XIII° siècle, elle a trois travées plus un porche, le tout voûté, en pierres. La clé de voûte du sanctuaire de l’église porte les armes des seigneurs de Linards (donc de Gain de Linards) qui sont d'azur à trois bandes d'or. La chapelle qui était celle des seigneurs du lieu a son ouverture sur le sanctuaire.

(A suivre.)


(Suite.)

(Cette chapelle a aussi une histoire dont je parlerai bien plus tard.) Une seconde chapelle, dite de Lajaumont, s'ouvre dans la seconde travée, elle est de la moitié du XV° siècle. C'est dans cette chapelle que Jacques de Lajaumont, à son retour de la guerre voulut, par son testament du 9 novembre 1465, être enterré. J'ai déjà parlé des armoiries de cette chapelle qui est ornée d'un magnifique vitrail offert, je ne sais à quelle époque, m'a-t-on dit jadis, par la famille de La Lande, de Saint-Bonnet-Briance, mais le fait n'est nullement confirmé, au moment où j'écris ces lignes. Une troisième chapelle, qui n'a aucun style, est dédiée à la Sainte Vierge. Elle est placée en face de celle de Lajaumont. Elle portait le nom de chapelle de Vaulx, famille depuis longtemps disparue.

D'après certains, cette église aurait, à son origine, été surmontée par un clocher fléché, et le prêtre aurait habité à l'intérieur de ce clocher, mais aucun document précis ne nous permet de l'affirmer.

Mais avant de continuer la description - la seule valable, celle de l'abbé Leclerc - de notre église, je me permettrai quelques commentaires complémentaires :

La clé de voûte de la première travée est constituée par une gravure d'un poisson qui se mord la queue. C'était, m'avait dit jadis un brave curé de Linards, une allégorie qui signifiait " que le monde n'avait pas eu de commencement, et n'aurait jamais de fin ". Mais cette définition ne semble guère conforme à l'histoire de la création du monde, ni aux vers du poète :

" Dieu fit la terre toute nue il se mit à sourire et les fleurs ont paru. "
 
 
Enfin, n’entrons pas trop dans ces détails de théologie, des spécialistes plus éminents et mieux qualifiés que moi me donneront peut être la signification véritable de cette allégorie-là.

J'ai noté aussi qu'il existait derrière la porte d’entrée un grand trou carré dans le mur d'un côté, à gauche en entrant, et à droite une excavation moins profonde, ceci à mi-hauteur de cette porte. C'était là que logeait la " barre ", robuste et volumineuse poutre qui permettait, le soir, aux prêtres de " barrer la porte " ; là, l'expression " barre la porte " (barro lo porto) trouve toute sa signification. Le soir, tout comme dans les châteaux forts on relevait le pont-levis, à l'église on " barrait la porte ". Je regrette que cette excavation ait été bouchée, et que la poutre en question ait disparu. C'est un peu, aussi, là, de l'originalité de notre église qui a disparu.

On accède à cette église par un escalier en granit. Désireuse d'en faciliter l'accès, la municipalité a fait mettre de chaque côté une rampe en fer, qui aide aux personnes âgées à gravir les marches de l'église. A droite de cet escalier se trouve une pierre de notre beau granit linardais. Antoine Cluzaud m'a rappelé que cette pierre formant socle ou autel, surmontée d'une croix, était destinée jadis à supporter les cercueils des personnes mortes par suicide, car la religion était sévère avec ceux qui volontairement supprimaient cette vie que Dieu leur avait donnée et que lui seul avait le droit de retirer. Mon informateur précise aussi que les suicidés, après avoir malgré tout reçu une bénédiction du prêtre qui demandait le pardon de cet acte impie, étaient introduits au cimetière par-dessus le mur et n'en franchissaient pas non plus la porte. Cette coutume n'est pas très ancienne puisque je me souviens d'avoir assisté à de telles inhumations dans ma jeunesse.

L'abbé Leclerc nous a donc situé la construction de notre église au début du XIII° siècle, En admirant cette église, dont la façade est simple comme vous pouvez le constater. A gauche de l'escalier central un autre petit escalier permet d'accéder rapidement au pied du tilleul de Sully dont je parlerai plus tard. Le porche est constitué par trois rangées de belle pierre de taille, et l'on accède à cette église par une robuste porte ferrée, mais qui ne me semble pas d'époque. Un ravalement de la façade, rendu nécessaire par l'érosion du temps, a modifié l'ancien aspect extérieur de ce beau bâtiment, et il existait, dans ma jeunesse, une " tribune ", c'est à dire un étage éclairé par la " lucarne " ronde située au-dessus du porche. Dans cette tribune se trouvait la corde qui servait à actionner la cloche principale. Celle-ci est maintenant sonnée électriquement, et la pittoresque corde a été supprimée. Par les volets ajourés situés tout près du toit s'échappe le son fort harmonieux de cette cloche. Le toit à quatre pans est surmonté par une bande transversale à piques et deux croix.

(A suivre.)

(Suite.)

LES CLOCHES DE L'EGLISE.

C'est sans doute par les inscriptions portées sur ces cloches que nous pourrons apprendre un peu de l'histoire de Linards à certaines époques. L'abbé Leclerc nous dit ceci : Une cloche de l'église de Linards, fondue le 18 septembre 1774 et bénite le 20, portait l’inscription suivante : " Parrain : Messire Isaac de Gain, chevalier, haut et puissant seigneur de Linards. Marraine : Dame Marie de Livennes, marquise de Linards. En leur absence Louis-Jean Chaussade, notaire royal, contrôleur des actes, juge du Marquisat de Linards, et Léonarde Chaussade, épouse du sieur Bargez, ont fait les fonctions de parrain et de marraine. " Cette cloche n'existe plus ; la seconde phrase de l'inscription donnée ici n'existait peut-être pas sur la cloche elle-même mais seulement sur les registres de la Fabrique de Linards.

Une seconde cloche, qui n'existe plus, fut bénite le 11 mal 1783. On y voyait cette inscription : " Parrain : M. Jean-Louis Chaussade, seigneur de Trasrieux, juge de Linards. Marraine : Valérie Gargeaud de Gay de Vernon ". Je relève en passant que chacune des inscriptions données. par l'abbé Leclerc est précédée d'une croix du type appelé jadis croix pattée, c'est-à-dire à extrémités évasées. Il est bon de préciser aussi qu'à l'époque ces croix étaient, comme les croix mortuaires ou celles qui se trouvaient aux croisées des chemins et sur le parcours des processions, le symbole catholique de la croix sur laquelle Jésus-Christ fut mis à mort.

Il convient de signaler la disparition de ces deux premières cloches. Aucune explication sur leur disparition ne nous est donnée. Les dates peuvent faire supposer qu’elles ont été peut-être fondues à l'époque troublée de la Révolution, pour faire des canons, mais c'est une supposition toute gratuite. De toutes façons, pour les deux cloches existant encore, les inscriptions relevées sont les suivantes :

- La petite cloche, celle placée au-dessus du sanctuaire et qui ne sert plus, je pense, depuis longtemps, porte cette inscription :

M. Jean-Baptiste Fougère, curé de Linards. Parrain : M. Faucher Jean-Baptiste, notaire ; Marraine : Mme Fougères, née Cne Ete Bargez ; M Aimé-Guillaume Rougier, maire ; Syndics fabriciens : M. Jean-Baptiste Fougère, médecin et adjoint; M. Bastier, Roux Jn, Duris. 1837. M J.-Marie Lavialle, curé. J.-B. Causard

RENSEIGNEMENTS QUE NOUS FOURNISSENT CES CLOCHES

J'ai émis une supposition quant au motif de la disparition des deux premières cloches, mais une autre, toute gratuite celle-là, et toute hypothétique aussi, me vient à l'idée : Antoine Cluzaud nous a signalé qu'une légende prétendait qu'une cloche était enfoncée dans la tourbière située non loin de Mazermaud. Ne serait-ce pas, qu'en pensez-vous petits enfants de Linards, 1’une de ces deux disparues qui, au cours d'un voyage à Rome, aurait été victime d'un incident de trajet ? De toutes façons, nous relevons sur les inscriptions de ces cloches les faits suivants :

La première des cloches disparues avait été fondue en septembre 1774. C'était j'époque où le grand Turgot, qui avait modernisé le Limousin, venait d'être appelé par le roi Louis XVI au poste de contrôleur général des finances. Ce grand administrateur avait le désir de faire en grand pour la France ce qu’i1 avait fait en petit dans le Limousin. Le 13 septembre, il avait obtenu sa première réforme, qui rendait la liberté au commerce des grains et donnait aux paysans une possibilité accrue de cultiver, avec l'espoir de le vendre ce précieux produit de notre pays. Peut-être Turgot avait-il en sa qualité de " ministre des Finances ", subventionné l'achat de cette cloche. Nous lui trouvons comme parrain le encore tout-puissant seigneur de Linards : Isaac de Gain. Quelques années plus tard. cette famille devait vendre les terres de Linards et quitter la commune pour céder la place à M. Bourdeau de Lajudie (20 septembre 1786); nous en reparlerons, ainsi que des autres familles citées et dont ces cloches devaient perpétuer le nom (Chaussade, Bargez, De Livennes, De Gay de Vernon, De Chauvannes).

La deuxième des cloches disparues a été mise en place en 1783. C'était l'époque où Turgot, ayant été mis en disgrâce sur les instances de Marie-Antoinette pour avoir voulu prêcher l'économie, Necker également disgracié pour avoir voulu publier un bilan trop objectif de l'état des finances, Calonne nommé contrôleur général sur les instances de Marie-Antoinette devait, de 1783 à 1786, organiser le pillage des finances et être par cela même l'un des responsables de la Révolution qui devait éclater six ans plus tard.

(A suivre.)


(Suite.)

Sous l'impulsion de Nicolas d'Aine, successeur et continuateur de Turgot, achevaient de s'exécuter les projets de ce grand intendant en Limousin, et les routes, ponts, chemins ruraux, plantations recevaient à cette époque une impulsion toute particulière, sans doute surtout aussi dans notre région.

Quant aux cloches existant actuellement, voici les renseignements qu'elles nous transmettent :

Cloche placée au-dessus du sanctuaire, dite " petite cloche ". Il y aurait eu un chirurgien à Linards ou originaire de Linards. Cela semblerait confirmer l'existence jadis d'un hôpital dans notre commune, précisément dans le bâtiment qui servit ensuite de maison commune et d'école. Les familles Chaussade (du Mazet) et Chaussade (de Trasrieux) ont laissé comme souvenir une maison fort ancienne au Puy-Larousse; je reviendrai sur cette question.

Au sujet de cette cloche, dont dans ma jeunesse l'on disait qu'elle était fêlée et qui, en tout cas, n'était pas utilisée, je ne l'ai entendue sonner que deux fois : la première fois, c'était en 1918, le 11 novembre ; j'étais tout jeune mais je me souviens fort bien de cette mémorable journée. J'en reparlerai en son temps, ainsi d'ailleurs que de la date de la libération de Strasbourg, jour où, en ma qualité d'administrateur de la commune, je décidai, d'un commun accord avec le sympathique et regretté curé Dautriat, d'offrir aux repliés lorrains et alsaciens présents à Linards un carillon exceptionnel à l'aide des deux cloches pendant que se déroulait au monument aux morts une cérémonie fêtant la libération du territoire.

La seconde cloche, - La principale, celle qui a marqué toutes les étapes de la vie des Linardais et Linardaises depuis 1837, nous indique que déjà la famille Faucher (notaire) existait à Linards. Je parlerai ultérieurement de cette grande famille Faucher lorsque je traiterai le sujet de la bataille de Linards, le 5 décembre 1851. C'est en 1837 qu’elle a été mise en place, sous la monarchie de Juillet, c'est-à-dire sous Louis-Philippe. Michel Coissac nous dit qu'à cette époque " le gouvernement appuyé sur la bourgeoisie travailla mieux encore que sous la Restauration au développement de la prospérité matérielle sans alourdir les charges pécuniaires. " La vie de province continuait tranquille et monotone. Sans doute à Linards le son puissant de cette cloche rompit-il cette monotonie. Il semblerait y avoir à cette époque deux curés, à moins que n'ait été mis comme second un prêtre des environs, puisque le curé en titre était M. Jean-Baptiste Fougères et le maire, M. Aimé-Guillaume Rougier. Il est à noter que l'adjoint au maire était médecin et s'appelait lui aussi Jean-Baptiste Fougère (sans s), donc il y avait à cette époque un médecin à Linards.

C'est à la suite de ces renseignements que l'abbé Leclerc nous parle d'une chapelle Sainte-Marguerite existant dans le cimetière, J'ai traité par ailleurs de ce sujet et cette chapelle était dans le cimetière qui a été remplacé par le champ de foire actuel et désaffectée et démolie comme l'a indiqué Antoine Cluzaud, sous la République de 1848.

Le tilleul. - " Sur la place de l'Eglise, on admire, nous dit l'abbé Leclerc, un magnifique tilleul qui fut, croit-on, planté sur ordre de Sully. "

J'ai recherché les origines, étudié plusieurs suppositions au sujet de ce magnifique tilleul, et je crois que la plus plausible est celle que j'ai fournie l'an dernier au cours d'une émission de l'O.R.T.F. : de 1562 à 1593, les guerres de religion avaient terriblement secoué le royaume de France, devenu à nouveau chancelant. Les massacres de la Saint-Barthélemy (24 août 1572) succédant à celui de Vassy (20 octobre 1561), sept guerres de religion, des assassinats de ducs et d'un roi, la Ligue et les journées de barricades avaient ensanglanté la France. Vainqueur à Arques et Ivry, ayant abjuré sa religion et s'étant converti au catholicisme, le grand roi Henri IV pacifia le pays et fit taire ces luttes ayant pour prétexte une divergence de religion, et l'Edit de Nantes apporta une paix nouvelle dans toute la France. Dernier vicomte de Limoges, ce roi Henri IV, après avoir apaisé encore une contestation fiscale appelée 1’ " émeute de la pancarte ", due à l'augmentation de la taille surélevée par Sully d'un vingtième et bouleversé la constitution de notre chef-lieu, vint à Limoges tout d'abord comme vicomte, le 14 octobre 1605, et comme roi le 20 du même mois. Il y fut reçu avec enthousiasme dans ce pays encore agité par les conspirations du sieur de Turenne, mais fidèle à son vicomte et roi Henri IV. Les Compagnies de la ville défilèrent devant lui au Montjovis et il repartit satisfait le 23 octobre, après avoir prononcé ces paroles : " Ce peuple m'aime. "

(A suivre.)


(Suite.)

Son fidèle ministre et financier Sully avait à cette époque donné ordre de planter, en signe d'apaisement, dans toutes les communes de France, un tilleul, symbole d'apaisement étant donné les propriétés sédatives de ses fleurs. C'est donc cette année (1972), le 568° anniversaire de la plantation de ce magnifique arbre, témoin de la vie de notre commune. Il a conservé de la vivacité; mais inquiet par le dessèchement de quelques branches, j'ai saisi la Société d'ethnographie du Limousin d'une demande de préservation de ce magnifique tilleul et, après enquête, ma demande s'étant avérée justifiée, le service des Monuments de France a, par l'intermédiaire de la préfecture, recommandé à M. le Maire des mesures de conservation. Je veux espérer que la municipalité actuelle, consciente du devoir qui lui incombe de préserver ces vestiges du passé, va faire de bon cœur le nécessaire à cet effet, car il est inadmissible de voir des ridelles de camions appuyées sur son écorce, certes rude, mais vieille et fragile, et les enfants détériorer les racines.

Quel était le seigneur de Linards à cette époque ? Je manque de précisions, mais je suppose que c'était Elie de Gain, baron de Linards, gentilhomme de la Cour du roi. et le prêtre pouvait être Léonard Peyraud, qui avait pris possession de cette cure en 1587.

De toutes façons, nous pouvons préciser qu'à cette époque, le pays que trente années de troubles avaient plongé dans la misère se relevait ; les églises pillées, les cloches fondues reprenaient leur place comme les bourgs; goût à la vie, les Impôts, objets encore de contestation, avaient été remis, et les épidémies graves qui avaient aussi été l'apanage de cette triste période s'étant atténuées, nous pouvons supposer que c'est dans la joie et la liesse générale qu'une fête eut lieu le jour de la plantation de ce plus bel ornement de la place de l'Eglise, situé entre l'église elle-même et le grand portail qui donnait accès au grand château féodal de l'époque

NOTE DE L'AUTEUR : - La commune de Linards ayant accepté, je crois, le principe de donner à une de ses rues le nom de " rue des Patriotes du 5 décembre 1851 ", afin que tous ceux qui suivent mon ouvrage soient informés de cette page héroïque de l'Histoire de France, je me permets de publier mon étude sur ce sujet dès maintenant, en " hors-texte " afin que lorsque cette rue sera inaugurée, tous ceux qui s'intéressent à Linards sachent ce qui se passa dans notre charmante localité du 2 au 5 décembre 1851, car la bataille de Linards joua un rôle décisif dans l'histoire de France.

A la suite, nous reprendrons " La vie à Linards " à l'époque des châteaux féodaux.

LE COUP D'ETAT DU 2 DECEMBRE 1851

Dans ma jeunesse j'avais beaucoup entendu parler des événements qui secouèrent Linards à cette époque-là. Mon instituteur, M. Couty, qui était secrétaire de mairie, M. Mounier, son prédécesseur, et aussi beaucoup de vieux amis (car j'aimais beaucoup m'entretenir avec ces braves vieux qui vivaient sur leur passé et aimaient à évoquer leurs souvenirs) m'avaient parlé de la " Bataille de Linards ". Je savais qu'il était question d'un combattant qui s'était caché dans un tas de plumes, et aussi d'un autre qui, voyant l'armée de répression arriver, avait repris ses habits de paysan et s’était mis à " biner " les raves du champ le plus près, ce qui lui avait valu le surnom de " Las Rabas ". Je savais que les deux maîtres susnommés, qui étaient secrétaires de mairie, établissaient régulièrement des mandats de pensions aux survivants de cette bataille de Linards. J'avais entendu parler d'une plaque commémorative de cette page de l'Histoire de France, et mon ami Gabriel Sauteur me l'a confirmé encore récemment, en m'expliquant que cette plaque en porcelaine avait été apposée sur une pierre tombale aujourd'hui disparue dans le cimetière de Linards. Je crois pouvoir affirmer qu'il ne pouvait s’agir que du nouveau cimetière situé sur la route de Roziers puisque l'autre, l'ancien, qui était sur l'emplacement de l'actuel champ de foire a été détruit et recouvert, en 1848, d'après les renseignements recueillis par Antoine Cluzaud. J'avais souvent entendu prononcer surtout les noms de Castenot et de Faucher, mais tout cela était assez vague, et il m'eût fallu de longues recherches pour situer les faits dont Linards fut à cette époque le théâtre. Fort heureusement, l'excellent historien, le remarquable écrivain qu'est M. le Dr Auguste Piallou avait pensé bien avant moi à rechercher l'histoire de ces événements et, dans une étude fort poussée il nous en a donné la chronologie avec une précision remarquable. Lorsque l'on sait combien il faut compulser, de documents pour arriver plus d'un siècle après à retracer quelques pages de l'histoire locale, on ne peut qu'admirer l'œuvre et en féliciter l'auteur malgré sa modestie. M Auguste Piallou a bien mérité du Limousin. Sa thèse récente sur les Apothicaires en Limousin, d'autres ouvrages parus ou à paraître feront

(A suivre.)

(Suite)

bien voulu m'autoriser à retracer sur les bases de son étude les faits qui, dans son livre " Le coup d'Etat du 2 décembre 1851 ", touchent directement " Linards en Limousin et ses environs ", titre de mon modeste ouvrage. Avant de relater ces faits je vous dirai aussi qu'un nom est revenu souvent sur la bouche des descendants des personnes que je vais citer, c'est celui d'Ernest Leblois. C'est la raison pour laquelle j'en parlerai aussi. Ces pages d'histoire, comme d'ailleurs les courants d'opinion qui depuis l'époque ont toujours orienté la politique municipale de la commune prouvent bien qu'à Linards l'esprit républicain n'est pas un vain mot et que la notion de l'idée républicaine a toujours été l'idéal de toute la population. Je vous dirai aussi, mes amis, que si vous apprenez que l'intéressant étude de M. Piallou est prochainement, comme je le souhaite, remise en vente, achetez-la, mieux que ce que je vais y puiser avec la bienveillante autorisation verbale de l'auteur et y ajouter, elle vous permettra de transmettre à vos enfants le souvenir d'une glorieuse page de l'histoire de Linards en Limousin et ses environs, et aussi de l'histoire de France tout court.

Voici donc ce qui se passa à Linards en 1851 :

A cette époque notre bourg avait déjà pris une partie de son visage actuel, la maison commune, aujourd'hui très vieillie, et désaffectée comme édifice public, servait déjà d'école et de secrétariat de mairie. Le champ de foire actuel était sur le point d'être terminé. Le nouveau cimetière, récemment agrandi, allait être inauguré, et la route de Roziers était en cours d'aménagement. La vie se déroulait, calme et paisible, dans notre localité groupée autour de son clocher. Un immeuble neuf avait remplacé l'ancien château fort dont je parlerai, et qui fut démoli pendant la révolution. Le tilleul de Sully, plus vigoureux qu'aujourd'hui, abritait de son ombre, les beaux jours d'été, les " femmes du fond du bourg " qui tricotaient ou, à la belle saison, préparaient le tilleul, plante sédative que chaque maison conservait précieusement. La pharmacie n'était pas encore construite et il fallait aller très loin chercher le docteur ou le vétérinaire, et les médicaments. Le " courrier " partant de La Croisille-sur-Briance faisait régulièrement et à une vitesse moyenne de 5 ou 7 Km à l'heure, sans doute, et embarquait à Linards le " commissionnaire " car les gens se déplaçaient peu, ou avaient déjà leurs moyens hippomobiles propres, pour voyageurs se rendant à Limoges. Ce pittoresque " courrier " fera l'objet d'une étude spéciale par ailleurs. Mais dans le département de la Haute-Vienne, la Seconde République suscitait bien des enthousiasmes et l'idéal républicain était celui des " Linardais " de l'époque. A Limoges, des " associations " d'ouvriers, ébauches des modernes syndicats, s'étaient formées. Les conservateurs eux-mêmes se faisaient républicains pour les besoins de la cause, et cette République qui avait remplacé la Monarchie constitutionnelle était acceptée favorablement par l'opinion publique. A Limoges, un avocat, Théodore Bac était devenu célèbre en défendant des accusés politiques, on parlait aussi de cet ancien maçon de la Creuse, Martin Nadaud, qui était devenu député.

Si sa statue a disparu du socle placé devant le Tribunal de Bourganeuf, la chanson " Les maçons de la Creuse " a perpétué le souvenir de ces vaillants ouvriers qui ont, en partie, construit le Paris de la " Belle Epoque "

A Linards, la municipalité avait pour maire Faucher Gabriel, et pour adjoint Villette Jean-Pierre-Hippolyte.

La vie devait être paisible et les habitants vaquaient tranquillement à leurs occupations lorsque - et je cite le texte de M. Auguste Piallou - éclata l'événement que Victor Hugo a stigmatisé durement. " Coup de foudre dans un ciel serein ", ainsi débute le récit de M. Piallou. En effet, les Républicains, qui attendaient avec espoir les élections de 1852 furent surpris par cet événement. Le prince Louis-Napoléon Bonaparte avait été élu Président de cette République, par 5 millions et demi de voix contre 1 million et demi à Cavaignac, 400.000 à Ledru Rollin et 8.000 à Lamartine qui avait pourtant fait adopter le drapeau tricolore à Paris le 25 février 1848. Sur la place de l'Eglise, à Linards, à cette époque, dans la liesse publique, un arbre de la liberté, un chêne avait été planté, il disparut sous l'Empire, je suppose.

En mai 1849 l'Assemblée Constituante avait cédé la place à une Assemblée législative. Oh ! certes, cette Assemblée n'était pas cent pour cent républicaine, puisqu'elle ne comprenait que 250 républicains sur 750 députés. Parmi ceux-ci il y avait 180 radicaux et Socialistes, groupés derrière leur chef Ledru Rollin. Ils reprirent le nom de " Montagnards ", déjà porté par les 200 députés qui, derrière Danton, Robespierre et Marat avaient siégé à la Convention, en 1792. En 1848, cette Assemblée législative était profondément divisée, et à la suite d'une émeute 33 députés républicains avaient été arrêtés et Ledru Rollin s'était enfui à Londres.

(A suivre)


(Suite.)

Le Prince-Président, auquel la Constitution interdisait de se représenter aux élections de 1852, songeait à conserver son poste et à affermir son autorité à tout prix. Il sentait le peuple divisé, la droite espérant la restauration du pouvoir royal et la gauche pensant au maintien et à la défense de la République. L'Assemblée législative devenait, grâce aux manœuvre s de Louis-Napoléon, presque impopulaire, et le peuple appelait les députés " Les 25 Francs ".

C'est dans cet état d'esprit général qu'éclata l'événement que Victor Hugo appela " le Crime du 2 décembre 1851 ", dans les circonstances suivantes :

Dans la nuit du l° au 2 décembre 1851 une grande fête se déroulait dans le Palais de l'Elysée. Elle était destinée à tromper l'adversaire. Dans la même nuit, le duc de Morny, demi-frère de Louis-Napoléon, devenu ministre de l'intérieur faisait arrêter tous ceux qui auraient pu organiser et diriger la résistance à Paris, et notamment Thiers (alors Orléaniste, mais qui, bien plus tard, devint républicain), Changarnier et Cavaignac. Un appel au peuple et deux décrets furent publiés. L'un dissolvait l'Assemblée nationale, l'autre instituait un plébiscite ayant pour but de déléguer au " Prince-Président " les pleins pouvoirs pour réformer la Constitution. Le 3 décembre, quelques barricades s'élevèrent à Parts; Baudin, député de l'Ain, tomba sur l'une d'elles alors qu'il appelait le peuple à défendre la République. Mais cette résistance ne fut pas suffisamment soutenue à Paris. Quatre-vingts députés, parmi lesquels Thiers et Victor Hugo, furent expulsés de France.

C'est au cours de son exil que Victor Hugo écrivit, en 1855, ses plus belles œuvre s, entre autres " Les Châtiments ". Dans cet ouvrage, Victor Hugo, appelait Napoléon III " l'affreux bandit à la moustache épaisse " et disait de lui :

" Il tient sous clé l'essaim fidèle

des fermes penseurs, des héros.

Mais l'Idée avec un coup d'aile

écartera les durs barreaux. "
 
 

Ecarter les durs barreaux, c'est bien ce que vous avez tenté de faire vous, nos chers ancêtres républicains, et voici comment les événements se déroulèrent dans la région de Linards, plus particulièrement à ce moment-là :

LA BATAILLE DE LINARDS (4-5 décembre 1851)

C'est cependant au milieu d'une agitation larvée qui avait succédé, à Limoges, à des troubles consécutifs aux résultats des élections du 27 avril 1848 que la nouvelle arriva, le 2 décembre 1851, portée par estafette depuis Châteauroux, faisant l'effet d'une bombe.

Le Préfet, baron de Mentque, décréta un véritable état de siège, faisant afficher l'appel du Prince-Président et demandant aide et assistance pour celui qui venait de risquer sa vie pour sauver la France de la guerre civile et de l'anarchie. La Garde nationale appliqua un plan d'occupation et la garnison, composée de hussards et d'un régiment de ligne, fut tenue prêtre à intervenir.

A Limoges, l'agitation ne fut pas importante malgré quelques rassemblements d'ouvriers devant une usine de porcelaine, mais rapidement dispersés par les forces de police. Mais tout comme pendant la dernière occupation la flamme républicaine brûlait dans le cœur des meilleurs Limousins, et il fut décidé d'organiser la résistance dans la campagne limousine. Comme en l'an 50 pour la défense de Vercingétorix, et surtout aussi en 1941 contre le régime de Vichy, les patriotes tentèrent de défendre leur idéal et les émissaires partis de Limoges s'efforcèrent de regrouper les énergies républicaines. Pour notre région, l'avocat Goursolas fut nommé responsable du mouvement pour le canton de Châteauneuf ; il fut secondé par Bouneix, cabaretier à Limoges, et Delassis, conseiller général de Châteauneuf-la-Forêt. D'autres émissaires partirent dans d'autres directions sur tout le territoire du département Mais, nous dit M. Piallou :

" Ce fut l'échec presque total, sauf dans la région de Châteauneuf et de Linards où le mot d'ordre fut suivi ".

Et l'auteur relève l'article de Tenot dans le journal de, l'époque, " La Province " :

" Dans la nuit du 4 au 5 décembre 1851 plusieurs démocrates de Limoges, au nombre de 150 essayèrent de soulever les campagnes. Ils firent sonner le tocsin dans plusieurs localités, (Saint-Paul, Saint-Bonnet-Briance et Linards) et arrivèrent armés de haches, de fourches et de faux. Cinquante hussards du 5° hussards et 16 gendarmes envoyés de Limoges rencontrèrent le détachement à Linards et le mirent en déroute. Sept insurgés furent blessés, dont deux grièvement. "

(A suivre.)

(Suite.)

L'échauffourée avait eu lieu à la croisée des chemins, sur la route de Limoges, actuellement devant chez MM. Dutreix et Faucher. En réalité il y avait seulement quelques émissaires de Limoges, entre autres le cabaretier Bouneix, qui fut condamné à huit ans de déportation en Guyane.

" Armé de coutelas et de pistolets, menace le maire de Saint-Paul, fait sonner le tocsin, homme sanguinaire ", dit de Bouneix un rapport de police. Il y avait aussi le porcelainier Châtenet Antoine. Mais la presque totalité du rassemblement était composé d'habitants de la région. Il en venait de Saint-Paul, avec Boury Martial (famille très honorable qui existe toujours dans la région).

" Emeutier par nature, a fondu des balles. Etait armé d'un fusil. Est entré en tête des insurgés à Saint-Bonnet en déclarant : nous sommes venus ici pour venger nos frères assassinés à Rome ", dit un autre rapport de police. Sarre Pierre, dit Micaud, accusé plus tard " d'avoir porté un coup de canon de fusil qui pouvait être mortel ", avec Lhermitte Léonard, sabotier, armé d'un fusil double, a fondu des balles avec Boury. Bouilhaguet " a sonné le tocsin, a marché sur Linards, fut un des plus violents dans la lutte. A reçu un coup de plat de sabre. Etait armé d'un pistolet ". Il y avait Brondeau Pierre, de Saint-Germain-les-Belles, beaucoup de gens de Linards, tels Tourniérou Léonard, Castenot Jacques, Rivet Antoine, Rivet Blaise.

Ringuet Guillaume, Tourniérou Léonard, Penot Jacques, Peyrat Léonard, Jouhaud, tous cultivateurs à Linards.

Devaud Jacques est ainsi épinglé au rapport de police " Lors de la déroute déterminée par la charge des soldats du 5° hussards, s'est emparé d'un fusil jeté par un des fuyards et ajustant à bout portant le hussard Bondeau déclara : " Militaire, si tu avances, je te brûle la cervelle." Il fit feu en même temps, mais la capsule seule fit explosion. "

Et voici la scène dont le souvenir nous a été transmis de génération en génération, mais dont le rapport de police confirme l’authenticité :

Arnaud Léonard, clerc de notaire, est ainsi épinglé au rapport : " A reconnu s’être servi d'un fusil double. Etait nanti de 22 balles de fort calibre, 4 chevrotines, une boite de capsules et une collection de "feuilles démagogiques". A été trouvé caché sous un amas de plumes d'où cinq coups d'épée ont été nécessaires pour le faire sortir. "

Et, poursuit M. Piallou :
 
 
" La résistance, en cette région, avait été organisée par Faucher, notaire à Linards, frère de Faucher Joseph qui la veille avait reçu l'avocat Goursolas, de Limoges. Il s'entremit avec le conseiller général de Châteauneuf-la-Forêt, " homme très estimé (toujours d'après un rapport de police pour une fois impartial), ancien juge de paix, républicain fougueux. Il prit part aux délibérations chez Patapy, conseilla l'insurrection, la dirigea avec audace, souleva la commune de Châteauneuf, se mit à cheval à la tête d'une bande. Qui ? Et Linards va marcher sur Limoges. S'est soustrait par la fuite au châtiment qui le menaçait ". La défaite presque sans combat des Républicains de Linards marqua la fin de toute résistance en Haute-Vienne.

" Il faut noter aussi que Brondeau, dit Barbès, à St-Germain-les-Belles, ameutait les paysans, en réunit quelques-uns et marchait sur Linards. Arrêté il se refusa à toute déclaration. "

LA REPRESSION :

La répression s’organisa aussitôt et s'abattit sur tout le pays pour supprimer à tout jamais, pensait-on, les idées et les mouvements républicains.

Le grand historien Albert Mallet nous dit dans sa Nouvelle Histoire de France " qu'elle fut telle qu'elle mit pour longtemps le parti républicain hors de combat et engendra des haines inexpiables. Le gouvernement présenta ces tentatives de résistance comme des tentatives de jacquerie ". Tout comme nous étions, en 1942, et aussi en 1944, des " terroristes " (c'est ainsi que, dans sa lettre du 7 avril 1944 au Cabinet de Vichy, M. le Secrétaire au maintien de l'ordre de Limoges qualifiait ceux qui retardèrent l'avance allemande vers le front, nous en reparlerons), ceux qui participèrent à la tentative de défense de la Loi et de la République furent qualifiés d'anarchistes, émeutiers professionnels, vagabonds, individus très dangereux, lie de la population, détritus de la populace, émeutiers avinés, hommes sanguinaires. Pensons a posteriori que parmi les hommes ainsi qualifiés figuraient Victor Hugo, Jules Favre, Baudin, Schoeler, les frères Dussoubs, et tous les magistrats ou membres des professions libérales, parfois même des préfets unis dans la résistance républicaine. Albert Mallet nous dit aussi :

(A suivre.)

(Suite.)

" Il y eut en France des arrestations en masse comme il ne s'en était pas produit depuis la terreur, en 93 (environ 27.000, chiffre sans doute minimisé). La déportation en Guyane, souvent provoquée par la délation ou les haines personnelles, fut l'apanage de cette triste période de l’histoire. La deuxième République était morte, les rapports de police allaient bon train. " Parmi tous ceux cités par M. A. Piallou je n’en citerai que deux :

Bac Théodore, avocat, ex-représentant à l'Assemblée nationale, " a acquis une réputation dans le barreau en plaidant toutes les causes les plus hostiles aux principes d'autorité. Les mœurs populacières et les principes anarchiques qu'il n'a cessé de défendre lui ont acquis une grande autorité sur le peuple. "

Rousset, 42 ans, pâtissier rue Ferrerie. " Ce démagogue, au lieu de faire des petits pâtés se livre trop fréquemment à faire des tartines socialistes contre le gouvernement. Quelques-unes de ces brioches pourraient bien le compromettre. "

On voit que les zélés policiers de l'époque ne manquaient pas d'esprit dans leurs rapports. Mais je ne veux retenir, en général, de la magnifique étude de M. Piallou que ce qui touche ma région et je relève aussi :

" Linards fut la commune où il y eut le plus d'arrestations : quatorze, parmi lesquelles Faucher, notaire; Arnaud Léonard, son clerc; Devaud Jacques, adjoint au maire.

Saint-Bonnet-Briance : Huit arrestations, Faure François, Durrousseau Antoine, Degerald Léonard, Texier Martial, Picard, Mayaud et Mazeau.

Roziers-Saint-Georges : Dufaure, Dupeyrat, Lebloys père.

Masléon : Chassaing, marchand de vin.

La Croisille : Depeyrat.

Châteauneuf-la-Forêt : Six arrestations, Delassis, Peyrat, Marsaly, Vergne, Caillaud, Larue. "

**

Ces noms existent encore presque tous dans notre région, j'ai pu m'entretenir avec le descendant de l'un de ces résistants : mon ami Castenot, ancien maire de Saint-Denis. Il vit au pont de Masléon, et a évoqué avec émotion le souvenir de son ancêtre, qu'il a bien connu, et il en est fier.

Les tribunaux d'exception qui prononcèrent ces condamnations avalent jugé à huis clos, sans témoins et aussi sans appel. Celui de la Haute-Vienne appliqua de dures peines : Devaux. de Linards par exemple, fut condamné à 5 ans de déportation à Cayenne, et Delassis, de Châteauneuf, fut, avec de nombreux autres républicains, " transporté " à Lambessa, en Algérie. Mais trente ans plus tard les magistrats encore vivants qui avaient ainsi sanctionné ce grand mouvement furent à leur tour l'objet d'une répression bien méritée. Les survivants aussi de cette épopée furent pensionnés, et c'est de cette pension que j'ai voulu parler au début de mon exposé. De cet exposé je ne revendique aucun mérite, car, je le répète, c'est à ce brillant historien limousin qu'est M. Piallou, et à sa bienveillante autorisation de reproduction, qu'en revient tout le mérite. Je suis d'accord avec sa conclusion : " La résistance de ces républicains du 2 décembre n'aura pas été vaine, car c'est, dit-on, en évoquant cette résistance que le maréchal Mac-Mahon renonça définitivement au coup d'Etat qu'il projetait en 1877. "

LA FAMILLE FAUCHER.

Linards, je viens de le prouver, a toujours été un berceau de familles républicaines attachées à leur sol, prêtes à le défendre, prêtes aussi à s'unir lorsqu'une dictature apparaît à l'horizon, et à placer au-dessus de tout esprit partisan l'idéal de justice républicaine qui anime les habitants de cette région. Nous avons vu que le notaire Faucher avait joué un rôle important dans le soulèvement contre le coup d'Etat de Napoléon III. La grande presse nous à appris récemment que ce notaire Faucher était un ancêtre de l'un de nos leaders politiques actuels, François Mitterrand. Je pense que ce grand leader ne sera pas fâché de constater ses attaches ancestrales à Linards en Limousin. L'histoire nous apprend que Louis Faucher (cousin du notaire), responsable de la Société républicaine sous la II° République (Société secrète dirigée par Delescluzes) vint, au lendemain de la bataille de Linards, se réfugier avec les conjurés dans une carrière de Linards et qu'ils y restèrent sept ans.

Un autre Faucher, Léon, avait été ministre du Travail et ministre de l'Intérieur pendant la II° République. Ce Léon Faucher cessa toutes relations avec Napoléon III le lendemain de la bataille de Linards, et il devait mourir plusieurs années plus tard près des Pyrénées. Quant au notaire de Linards, Faucher, il fut exilé en Algérie, comme le l'ai indiqué, à la suite de sa comparution en Cour d'assises. Il y fonda une famille, et peut-être les nombreux Faucher de la région sont-ils des descendants de ces républicains énergiques qui ne se courbèrent pas devant le despote Napoléon III.

(A suivre.)

(Suite.)

Un journaliste contemporain, ayant aussi des attaches dans notre région, Jean-André Faucher, a publié une étude fort intéressante sur " les Carnets d'un Fédéré ", notes recueillies dans les notes d’un compagnon maçon de Sussac, Martial Senisse.

Ce Limousin " limousinant " parti, nous apprend l’étude, le 8 février 1871 travailler à Paris et y rechercher sa cousine Elise dont il était amoureux, se trouva pris dans le mouvement de révolte du peuple parisien de la " Commune ", qui dura du 18 mars au 28 mai 1871. Il en fut l'un des derniers combattants, et participa à la Commission des barricades et à la Commission du travail. Ce martial Sénisse, dans ses carnets, parle à plusieurs reprises de Linards. Il raconte qu’avant son départ, le 9 févier, il se rendait souvent à Champs de Sussac pour y retrouver son oncle, Pierre Faucher, qui l’avait élevé. " L’Oncle Pierre, nous dit Sénisse, a vécu sept ans caché dans une carrière des environs de Linards avec ses camarades que la gendarmerie impériale recherchait. " " L’oncle Pierre " lui avait donné 20 sous lorsqu’il partit pour la fois à la découverte de Paris, en avril 1863, " le baluchon sur l’épaule ". belle époque où l’on pouvait, avec le cœur gonflé de courage et d'espoir, parcourir, en compagnon du tour de France, les routes, s'instruire, tout en gagnant de quoi vivre et démarrer avec un viatique de 20 sous. Mais je ne citerai, dans les intéressantes notes de Sénisse, que ce qui concerne Linards en Limousin.

A la page 16 de, cet ouvrage, Sénisse nous dit également (nous sommes en 1870 et la bataille fait rage dans la région de Sedan, Bazaine vient de trahir en faisant replier ses troupes, le 17 août 1870, sur Metz où il sera encerclé, mettant en jeu la vie de 137.000 hommes) : " Ici, tout le monde est pour la paix. On a appris la capitulation de Bazaine à Metz. Dans toute la région, à Châteauneuf-la-Forêt, à Eymoutiers, à Linards, on commence à connaître le nom de ceux des hameaux qui servaient dans les Mobiles et qui ont été tués. Beaucoup sont prisonniers. "

Comme vous le voyez, il a été souvent question de cette fameuse carrière qui a servi pendant sept ans, de refuge aux patriotes. Où était-elle ? Je l'ai recherchée longuement. Hélas ! ce n'est qu'avec une certaine indécision que je peux avancer qu'il s'agissait de la carrière des Gallis, près de la route de Linards à Châteauneuf, sérieusement entamée par le remembrement, mais je ne crois pas me tromper. Linards, terre des patriotes, leur avait, tout comme en 1940, servi de refuge, son sol est hospitalier, ses habitants aussi, car il n'eût pas été possible de vivre sept ans dans un refuge sans la complicité des habitants. Depuis, tout comme à Antone, tout comme sur l'emplacement de l'ancien maquis d'Aigueperse, la nature a repris ses droits, et nulle trace ne subsiste. Les genets et les ronces ont tout recouvert, mais je tenais à signaler ce haut lieu de la résistance patriotique et rendre hommage à ces républicains qui, peut-être, s'ils avaient gagné, auraient évité au pays la guerre de 1870 et de ce fait celle de 1914-1918, qui était une prise de revanche sur la première.

Je n'ai voulu citer de cet intéressant ouvrage que les passages qui concernent Linards, mais s'il vous intéresse en voici le titre : Martial Bénisse : Les carnets d'un Fédéré, 1871, recueillis et présentés par Jean-André Faucher. (Collection Action.)

Pauvres Mobiles limousins ! Votre souvenir est perpétué par un très joli monument à proximité de la place Jourdan. J'ai eu la surprise d'y relever le nom d'un L. Dumazaud, sans doute un déjà lointain de mes ancêtres. Mais combien d'enfants de Linards et de la région ont-ils laissé leur vie pour repousser l'envahisseur Teuton ? Ils étaient sûrement nombreux, et ils avaient dû partir résignés en direction de Berlin, car Napoléon III avait su manœuvre r de telle façon que les historiens nous disent :

" Ce sont les masses rurales qui firent l'empire. "

Si cela fut vrai en d'autres lieux, ce ne fut certainement pas le cas dans la région de Linards et les environs, puisque le drapeau de la résistance s'y leva encore une fois et que Napoléon III fut toujours minoritaire, notamment à Roziers. Voici donc encore une preuve du patriotisme des habitants de ce joli coin de Linards en Limousin et ses environs. Nous y reviendrons, mais reprenons maintenant le fil de l'histoire et rejoignons notre jeune tilleul qui, il y a 568 ans, commençait à projeter son ombre sur le centre de l'agglomération, et à abriter les dévotes faisant un brin de causette en sortant de la messe.

C'est donc à Linards que prit fin cette résistance. J'ajouterai que c'est aussi de Châteauneuf que tu étais parti, mon cher et regretté ami Jean Durand, avec les groupes de " légaux ", pour venir aider tes frères de Linards assiégés par la milice et les hordes nazies un jour de mai 1944, et c'est sur le territoire de Linards que tu trouvas la mort, tout comme mon aussi regretté ami Pierre Reméniéras la trouva dans les mêmes circonstances sur la route de Châteauneuf à Saint-Germain, au carrefour de Jumeau. Héros obscurs dont les monuments disparaissent, hélas ! parfois sous les herbes, mais dont le souvenir reste vivace dans nos cœurs.

(A suivre.)


(Suite.)

C'est donc ainsi que mourut la II° République, celle de Lamartine et de Victor Hugo, celle de Baudin et de Denis Dussoubs. Dans son étude, M. Piallou précise qu'à Linards - ce Linards républicain - il avait manqué un chef dynamique pour organiser et armer cette résistance sporadique, et il précise :

" Cet homme, nous dit-il, aurait pu être Ernest Lebloys, dont le père était médecin très estimé à Roziers-Saint-Georges, commune qui fut l'une des seules en Haute-Vienne où l'Empire fut constamment minoritaire. Ernest, Lebloys, que les rapports de police dépeignent assez impartialement comme idéaliste, intelligent, mais ayant tout sacrifié à ses rêves socialistes. Cet homme devait plus tard se révéler homme de guerre. En 1870, il avait organisé à ses frais une compagnie de francs-tireurs, " les Amis de Paris ", avec comme devise : " La République ou la mort. " Il participa aux combats de Patay et Le Mans, entre autres. Il est probable qu'avec un tel chef la résistance républicaine eut été plus sérieuse dans la région, mais il était à l'époque exilé en Belgique, d'où il ne rentra qu'en 1860. "

(A. PIALLOU : Le coup d'Etat du 2 décembre 1851.)
 
 
Ernest Lebloys repose maintenant dans le petit cimetière de Roziers-Saint-Georges. Derrière la pierre montante, une inscription commémore son souvenir. Petits enfants et habitants de Roziers qui passez devant ce caveau patiné par le temps, sachez que cet homme, tout comme les héros du 2 décembre 1851, a bien. mérité de la République. Sa famille est partie du Fraisseix de Roziers, mais dans cette commune le souvenir reste et à Saint-Léonard je pense que le souvenir de Lebloys est associé à celui de Denis Dussoubs, tué à Paris le 4 décembre 1851, Jeanty Sarre, et Charpentier de Bellecour.

Comme je l'ai indiqué, la répression fut terrible, mais finalement, hélas !, l'Empire devait l'emporter au référendum du 8 mai 1870 par 7.350.000 " oui ", contre 1.538.600 " non ".

La guerre de 1870 devait suivre trois mois après et, en 1875, le 30 Janvier, notre III° République ne devait être acceptée qu'à une voix de majorité.

CHATEAUX ET FAMILLES NOBLES DE LA RÉGION DE LIMARDS

Maintenant que vous savez comment les patriotes de la région limousine tentèrent à Linards de résister au coup d’état qui assassina la II° République, nous allons revenir au 20 octobre 1605. Le bon roi Henri avait donc été acclamé au Mont Jovis à Limoges et avait dit : " Ce peuple m'aime ! " Les paysans mettaient-ils la poule au pot, je ne le sais, mais notre commune qui se formait peu à peu, vivait " à l'ombre de son tilleul " et les familles de Lajaumont et de Gain se partageaient les terres : celle de la famille de Gain avait eu titre de baronnie et ensuite elle devait devenir un " marquisat ". La deuxième était la propriété des seigneurs de Lajeaumont.

CHATEAU DE LAJEAUMONT

Comment était ce château ? Il est très difficile de le savoir, mais nous pouvons constater que, placé sur un sommet il dominait l'ensemble de ce qui fut son domaine. L'on peut admirer, par les fenêtres de la maison bourgeoise qui l'a remplacé, un paysage magnifique. Sans doute la domination des seigneurs de Lajeaumont, dont je vous rappelle les armoiries : d'azur, à la bande d'or accompagnée de trois étoiles du même en chef, et de trois en pointes mises en bande, remontait, elle, à une période très ancienne. Vous pourriez admirer la magnifique tête sculptée qui est resté encastrée dans le mur de cette maison. Un ami érudit prétend qu’elle est d'époque celtique à moins que ce ne soit une imitation; de toutes façons elle rappelle les statues de l’Ile de Pâques et c'est là un précieux souvenir. Une deuxième, identique, a la même couronne de granit. Signalons l'allure altière de ces statues qui ont peut-être permis d'immobiliser dans notre bon granit la face de l’un des fondateurs de Linards, certainement un seigneur de Lajaumont.

Une cave voûtée reste l'un des seuls témoins aussi de ce lointain passé dont, je vous l'ai dit, le premier nom de Agia-Monte est apparu en l'an 456.

(A suivre.)



(Suite.)

Ces seigneurs de Lajeaumont étaient des pieux et fidèles serviteurs de leur roi et de leur religion. Ils semblent avoir beaucoup régné aussi sur Roziers et sur une paroisse actuellement disparue, celle de Combret, puisque nous trouvons, en 1410, " Pierre de Agia Monté ", sieur de Betgonde, paroisse de Roziers, son fils Jean " de Lajomont " " Damoiseau ", c'est-à-dire " jeune gentilhomme qui n'est pas encore chevalier ". Le plus remarqué fut sans doute " Jacques ", celui dont le corps repose, nous dit une tradition qui nous vient d'aussi loin, dans son armure sous une dalle de la chapelle qu'il avait fondée dans l'église de Linards en même temps qu'une vicairie, le 9 novembre 1466, et dont la porte est surmontée par les armoiries déjà décrites. En 1450, son frère Pierre avait épousé Marguerite de Gain et l'union de ces deux puissantes familles devait faire l'unité des propriétés à Linards en Limousin. Nous retrouvons d'autres Lajeaumont ou Agia Monté : l'un d'eux, Jean, épousa Marguerite de Pierrebuffière, noble et aussi puissante famille de la région.

François, " écuyer de Soumagnas et de Begonnie " (actuellement Begogne, certainement), épouse Anne de Meilhards, en 1583. Gui, sieur de Combret, épouse, le 28 février 1599, Jeanne de La Saigne; Jean s'unit à Louise Romanet, et, le 11 mai 1655, François convole en justes noces avec Anne Chenaud. Le manque de titre de noblesse de ces deux dernières épouses pourrait nous amener à supposer que c'était l'époque où les seigneurs épousaient des bergères, mas je ne veux pas en prendre la responsabilité.

Qu’est devenue cette puissante famille de Lajeaumont après 1665 ? Il m'a été impossible de la retrouver malgré des recherches précises. Sans doute, par son union avec la famille de Gain ces tout-puissants se regroupèrent-ils en une seule et unique noblesse qui fit régner son autorité pendant très longtemps sur la région de Roziers, Masléon, Combret et Linards. Laissons donc le noble seigneur Jacques dormir en paix dans son armure de croisé dans la belle église de Linards, sous une dalle de sa chapelle, et ses parents peut-être sous le magnifique tertre qui domine encore la grande plaine dont j'ai parlé, et d'où l'on peut apercevoir un autre château dont je reparlerai, celui d'Aigueperse Mirabeau.

FAMILLE DE GAIN ET CHATEAU DE LINARDS

Comment était-il ce château de Linards, où était-il situé ? Je m'étais longtemps posé cette question, et l'actuel propriétaire de ces lieux a bien voulu effectuer des recherches qui ont abouti à la découverte d'un document, de grande, valeur, et unique en son genre dans notre région, une magnifique carte entièrement tracée à la plume par un très habile architecte de l'époque de 1789, et dont le titre est : " Plan du château de Linards et parties donnant plécautres. Sont figurées sur un plan que j'al levé en 1789 :

" 2° de trois domaines formant les fiefs nobles de Crosrieux lesquels domaines sont exploités par les nommés Loyaud, Roudier et Francicout.

" 3° d'une partie du domaine de 'Chez Marentou ' surplus du dit domaine et aussi figuré au dit plan de 1789.

" 4° du bois appelé les 'Borderies' de Boulandie, fermé par une ligne jaune.

" 5° d'un autre bois appelé de 'Combe Nègre' fermé par une ligne rouge. Le tout situé sur la commune de Linards joui et noblement possédé par Monsieur Bourdeau de Lajudie, seigneur de Linards, les Salles, Fleurat et autres lieux, résidant en la ville de Limoges, rue Cruche-d'Or. "

Ce plan est dressé à l’échelle de " 200 toises " (longueur de 6 pieds, soit près de 2 mètres). Grâce à l'amabilité de son heureux possesseur, le souvenir en restera, pour la postérité, aux archives départementales. Mais parlons de ce château :

En examinant le plan du château que vous trouverez dans mon modeste ouvrage, vous constaterez qu'il était situé à proximité de l'église, dans une enceinte où l'on accédait par le portail dit encore du château, derrière l'église, et que l'étang figurant à la cote 84 était lui aussi situé à proximité. Il avait quatre tours et il était fortifié. Dans une vaste cour, un rond indique qu'il y avait un bassin, et seuls les grands bâtiments servant d'écuries et de granges existent encore, ainsi qu'une petite cave voûtée. Des jardins dits, je ne sais trop pourquoi, " des Villevialle ", devaient aussi exister tout près de l'emplacement marécageux où se trouve le déversoir du trop-plein de cet étang, à côté de l'ancienne école. L'église, elle, se situe très bien, et la saillie arrière doit être la " chapelle de Lajeaumont ". La chapelle du château, adossée à l'église, communiquait avec la cour. Les bâtiments de MM. Barget " et autres ", sont parallèles aux écuries, et ils ont dû être remplacés par les bâtiments, qui abritent aujourd'hui le gracieux " Jadis Bar " (n'est-ce pas, mon amie Yvette ? ), et autres commerces, ainsi que l'immeuble appartenant à mon ami Antoine Cluzaud. A la cote 83 se trouve un vaste pré et sans doute la source qui alimente cet étang. Nous voyons deux fois le mot " chemin ", celui qui longe le parc est aujourd’hui le commencement de la route de Roziers-Saint- Georges. Voici, mes amis, ce qu’était le château féodal et fortifié de la famille " de Gain de Linards ", pôle principal de la vie de Linards en Limousin avant la Révolution.

(A suivre.)


(Suite.)

DANS LE CHATEAU FORT DE LINARDS

Il est difficile de le préciser. Nous supposons seulement qu’il fut construit vers 1056, par Guy de Gaing, bienfaiteur de la cathédrale, qui y vécut de 1056 à 1100 donc il y a près de 870 ans.

Que d'heures fastes, telles le mariage :
 
 
Son parrain était François de Gaing, comte de Linards, maréchal aux armées du roi .

Qu'est devenue cette famille de Gaing, après avoir abandonné son titre " Linards " en hommage au roi Louis XV ? Il nous en reste quelques traces. Louis de Gaing habitait, en 1872, près de Nevers. Un des descendants réside actuellement tout près de Valence (Espagne), et je crois un autre en Amérique, mais sans doute ne savent-ils que peu de choses de leurs ancêtres et sans doute ont-ils une vie active et plus moderne.

Citons aussi pour l’histoire que l'autel de la petite église de Paulhac (près de Saint-Etienne-de-Fursac) est ornée de l’écusson d'azur à trois bandes au fond d'azur qui lui fut offert par un seigneur de Gaing, et qu'enfin à l'assemblée des Etats Généraux, le 5 mai 1789 un sire N. de Gaing et le vicomte de Gaing y représentait la noblesse limousine.

Mais nous laisserons là cette fastidieuse énumération de tous ces noms de " hauts et puissants seigneurs " qui sans doute trouvaient dans la chasse, la guerre tribale ou à leur époque les croisades, une occupation dite " noble " et faisaient peut-être travailler dur et pour peu d'argent leurs serfs et les vassaux qui avaient juré " de leur rester fidèle ", pour relater un des épisodes dramatiques assez curieux que nous transmet 1'histoire. En 1937, je crois, je l'avais exposé le Courrier du Centre, sous le titre : " Un siège au château de Linards ".

Ce château fort de Linards fut, en 1575, l'objet d’un siège en règle. Le baron de Châteauneuf, Charles de Pierrebuffière, devait épouser Marguerite de Pierrebuffière, et un contrat de mariage avait été passé devant le notaire royal le 14 juillet 1575. Ce jour-là, la mère de la fiancée, la noble Anne de Pons, Dame de Plessac, refusa de signer et demanda à parler à sa fille, qui demeurait au château de Châteauneuf. La charmante et docile fiancée fut transférée au château de Linards. sans doute sans que l’on prenne le soin de lui demander son consentement. Le sieur de Châteauneuf entreprit de convaincre sa future belle-mère, et il s'y employait de son mieux lorsqu’il vit sortir brusquement d’une chambre un gentilhomme nomme Puymareis, tenant une hallebarde entre les mains. Celui-ci lui dit, d'un ton qui n'admettait nulle réplique : " Vous avez assez gardé la baronne de Pierre-Buffière. Il est requis que Mme de Chamberêt la garde autant que vous l’avez gardée. " La future belle-mère Anne de Pons, ajouta : " Monsieur, il vous faut boire ce calice ". Le futur gendre voulut répliquer, mais le sire Puymareis, qui n’admettait nulle plaisanterie, le lui interdit et le menaça de lui " bailler sa hallebarde à travers le corps. " Déjà le cocher de Mme la Belle-Mère avait " porté l’escoupet au cou du sire de Châteauneuf le chien couché. " L’affaire devenait sérieuse, le pauvre soupirant comprit à quel genre de belle-mère il avait affaire, et il se sauva. Il sortit en diligence du château de Linards et partit avertir ses amis de Châteauneuf et leur demanda main-forte. Trois heures après, le château était environné de toutes parts, nous dit l'abbé Leclerc, de soldats et de paysans, et le dimanche 23 juillet 1595, les assaillants commencèrent à le saper. Sans l’intervention du sieur de Beaussire et autres médiateurs, le magnifique édifice eût été mis en ruines, car quatre à cinq mil hommes lui donnaient l’assaut. La noblesse avait pris le parti de la famille de Châteauneuf. L’autoritaire matrone, comprenant qu’elle avait perdu la partie, rendit la liberté à la baronne et restitua ainsi sans doute la belle fiancée. M. de Châteauneuf, père du futur époux et tuteur de la douce Marguerite de Pierrebuffière, la prit d'autorité et sans autrement parlementer l’emmena à Châteauneuf, à l'abri derrière les murs épais du château du même nom.

(A suivre.)

(Suite.)

Pauvre noble Marguerite, je suis persuadé que l'on vous mariait contre votre gré et sans votre consentement. Je me permets de rapprocher cet incident qui faillit tourner au tragique le fait que l'on découvrit lors de la démolition du château de Châteauneuf, un placard muré. Dans ce placard, l'on trouva, nous disent les historiens, le squelette d'une jeune fille qui portait autour de son cou un collier avec, gravée sur une médaille en or, l'inscription suivante : " A l'amour et pour l'amour. " Peut-être était-ce vous qui aviez payé de votre vie les suites de ce drame, mais je ne peux l'affirmer, rien ne m'y autorise.

Que sont devenus les châteaux de Châteauneuf et de Linards Après avoir été. les témoins de la féodalité, des guerres vicomtales et privées, des Croisades, de la période de civilisation médiévale, ils furent aussi les témoins de la Révolution de 1789. La tradition indique que Marmontel, célèbre écrivain né à Bort (Corrèze), devenu académicien en 1763, résida un certain temps à Linards et y écrivit ses célèbres " Contes moraux ". Ce château de Linards, sans doute parce que les seigneurs de Gaing voyaient arriver la Révolution, fut mis en vente en 1786. Le 20.septembre, c'est M. Bourdeau de Lajudie qui acheta, à Bordeaux, le château et ses terres en ayant offert 4.000 livres de plus que Naurissart, puissant administrateur de la région.

MARMONTEL. Ce grand académicien et auteur d'opéras, historiographe, perdit 'à la Révolution ses honneurs et ses titres, et fut dispersé comme tous les académiciens, mais le doux moraliste qu'il était mourut le 31 décembre 1799, pauvre mais heureux d'avoir vu naître une ère nouvelle et la fin de la Révolution.

La terre de Linards, dont le nouvel acquéreur, M. Bourdeau de LaJudie, fit dresser les plans trois ans après son acquisition, devint plus tard la propriété de M. Paul Noualhier, et Mme de Landrevie en hérita.

Quant au château de Linards, tout comme celui de Châteauneuf, il fut détruit à la Révolution, en application d'une loi du 17 pluviôse qui ordonnait " la destruction de toutes les marques de féodalité ". Je pense que l'architecte chargé de l'application de cette loi trouva plus simple de raser purement et simplement ces deux châteaux. Il a été transmis par la tradition que seule une tour du château demeura debout, et que, lorsque Paul Nouailher devint propriétaire de ce domaine en 1830, il eut la surprise - nous disent certains - de retrouver à son retour d'un voyage cette tour endommagée, démolie par ses trop zélés serviteurs. D’autres affirment qu'il en avait donné l'ordre. Regrettons seulement la disparition de ces vestiges d'un lointain passé.

AUTRES CHATEAUX ET AUTRES FAMILLES BOURGEOISES DE LA REGION DE LINARDS

Si la famille Vaulx de Vallibus a laissé accolée à notre église la chapelle sans aucun style dite chapelle de la Sainte-Vierge, cette famille, dont le nobiliaire ne semble pas faire mention, doit avoir disparu sans laisser un souvenir marquant, hormis le village de Vaux, près de Châteauneuf.

Par contre les seigneurs qui ont régné sur notre commune ont laissé dans les villages quelques souvenirs dont l'abbé Leclerc s'est fait l'écho :

Blanzat, la veuve d'Etienne Fulcherius donnait à Sainte-Marie-de-Deveix quatre deniers de rente sur ce lieu.

Le Grand-Bueix (ou le grand bois), que l'abbé Leclerc confond je crois avec les Pueys, propriété communale.

Le Deveix, devenu Le Duveix, était un prieuré placé sous le vocable de sainte Marie-Madeleine de Deveix. Il fut fondé en 1100, et le sire Ugo Fulcherius lui donnait quatre setiers (ancienne mesure comprise entre 150 et 300 litres, suivant les localités) de seigle sur ses terres de Meyrat. Il fut dévasté par les Anglais au XV° siècle et était presque en ruines au XVII° siècle. Plusieurs ordres le possédèrent, les Jésuites en 1610, le prieuré d'Aureil en 1652. Le dernier prieur fut Jean Roatin, en 1652.

Mazermaud, appelé en latin Manso-Hermaudo, avait été légué, par Pétronille de Murs, au prieuré d'Aureil et lui rapportait deux sous de rente.

Meyrat, dont Joseph de La Pomélie devint seigneur et épousa Antoinette de La Breuille, fille de François et de Jeanne de Lajeaumont. Ses armes étaient " d'azur à la tour d'or, surmontée de deux tours d’argent maçonnées de sable ".

Le Mazeau et son mystérieux squelette : tout près de la route de Linards à Roziers-Saint-Georges, après le chantier d'exploitation forestière de notre ami Jean Faye, un petit chemin conduit au village du Mazeau, composé de deux vieilles maisons. La première de ces bâtisses recèle un secret qu'il serait curieux de percer. Cette propriété achetée après la guerre de 1914-1918 par la très honorable famille Laucournet dont le père fut un conseiller municipal intelligent et avisé de Linards, comporte trois bâtiments : l'actuelle maison d'habitation, une deuxième servant d'abri et un autre bâtiment en partie restauré (tout au moins en ce qui concerne le toit), plus long et situé à droite dans la cour. A l’intérieur de la grande porte de la grange on trouve l’inscription : 1789.

(A suivre.)

(Suite.)

C'était l'année de la Révolution, et, nous a dit le propriétaire actuel, il y avait dans le jardin, situé à son extrémité, une chapelle. Tout près est le village d'Oradour, dont le nom semble évoquer l'oratorium de Jadis. Résidence seigneuriale ? Peut-être ces lieux ont-ils été la résidence d'un seigneur qui n'a pas laissé de traces dans 1'histoire locale. Mais ce qui est certain, c'est que vers les années 1927 les occupants d'une chambre de ce grand bâtiment entendaient toutes les nuits des bruits sinistres de craquements. Ils crurent même à des revenants " de las tornas " comme l'on dit en Limousin. Intrigués, ils entreprirent des fouilles sous le plancher de la chambre et eurent la surprise de découvrir un squelette sans tête, vraisemblablement du sexe masculin. Quel était-il, ce mystérieux défunt dont la tête avait disparu ? Un homme décapité à la Révolution et placé là lors de la construction du bâtiment ? Un vieil habitant de Linards dont la mémoire n'a jamais été défaillante m'a affirmé qu'il avait entendu dire par les anciens qu'il s'agissait d'un colporteur (marchand ambulant) estourbi dans les parages il y a fort longtemps.

Au cours d'une longue conversation avec Antoine Cluzaud et Louis Gilles nous avons été amenés à évoquer le souvenir de l'époque où certains individus allaient " au Pau " ou au Pal. L'opération consistait à se cacher en un endroit désert armé d'un énorme pieu et d'étendre le passant isolé et présumé porteur d'objets précieux. Or, et c'est une affirmation toute gratuite, il y avait par hasard sur la route de Linards à Roziers, un peu plus loin que Le Mazeau, un grand hêtre, aujourd'hui je crois disparu, qui marquait la limite entre Roziers et Linards et qui s'appelait " Lou grand fau ". C'est là que les porteurs de " Pau " attendaient leurs victimes; d'autres endroits dans la commune sont désignés comme ayant été des lieux de guet fort bien choisis. Mais cela remonte à une époque tellement lointaine qu'il est impossible d'avoir des précisions, et je crois que l'enquête qui fut, pour la forme, ouverte lors de la découverte de ce squelette sans tête ne donna aucun résultat. Vos cendres, mystérieux inconnu, reposent maintenant dans cette terre de Linards en Limousin, loin de votre tête, et le craquement de vos os ne réveille plus les occupants de cette petite chambre, car depuis, nous a dit le propriétaire, personne n'a voulu y coucher.

Sautour-le-Petit : Le Mas de Sautour fut donné, en 1120, au prieuré d’Aureil.

Villechenour (villa sénioris) était un rendez-vous de chasse des seigneurs de Linards, de Châteauneuf et des environs.

Il faut noter que ces seigneurs ne se battaient pas toujours entre eux, mais se livraient à divers plaisirs dans les bois et à l'abri des murs épais de ces lieux discrets.

Tous les noms de nos villages chantent et rappellent le passé. Ils sont curieux, portent souvent le nom des premiers habitants : Chez-Bréchoux, ou Chez-Bréchony, Chez-Jartaud, Chez-David, et aussi de leur topographie : " Le Buisson ", Le Grand-Bueix (sans doute le grand bois), Les Mouillères, Le Moulin-à-Vent, Le Pont-du-Piquet, Oradour, Le Vieux-Mont. Tout cela est pittoresque et témoigne d'un passé très ancien.

Je vous ai déjà parlé des autres villages, je n'y reviens pas.

Désireux de rendre à César ce qui lui appartient, ou plutôt de laisser à mon ami et collaborateur Antoine Cluzaud l'honneur de son travail, je vais lui confier le soin de décrire un vieux castel qui m’a émerveillé.

LE VILLAGE DU GRAND-BUEIX ET SON CHATEAU

Le village du Grand-Bueix est situé à quatre kilomètres environ du bourg de Linards. A présent, six exploitants agricoles s'ingénient à suivre l'évolution des méthodes de culture.

Autrefois, ce village appartenait presque en totalité à certain seigneur, duquel on peut trouver certainement l’origine dans les vieilles archives. En 1800, il fut la propriété du Dr Fournier, ordonnateur en pharmacie duquel je parlerai plus loin; ensuite, il appartint à son gendre, M. André Bigaud, avoué près le tribunal civil. Cette famille habitait le château seigneurial qui existe encore et que j'ai tenu à visiter. De forme rectangulaire, construit en pierre brune provenant des carrières du village, en mortier de terre, les murs ont une épaisseur variant de 85 à 90 cm, avec des arêtes de coins en pierre de taille (granit gris, bruni par les années). La toiture en tuiles plates a la forme d'un prisme quadrangulaire avec une forte pente; au sommet et à chaque coin de ce prisme, il y avait une décoration, en terre de grès sculptée, de 70 cm environ de haut. Celle du côté sud existe encore. Adossées au mur, du côté sud également, il reste les empreintes d'une tour qui dominait tout le village, certaines pierres sculptées, retirées de la démolition de cette tour, ont servi à la construction des entrées d'une étable existant à proximité. Ces pierres moulées habilement intéressent beaucoup certains amateurs de vieilleries artistiques qui désirent faire des constructions modernes avec la manie de faire un mélange avec l'ancienneté. L'ouverture de ce vieux château est en granit sculpté en forme de caveçon et d'arc. Sur le linteau, on peut lire " 1000 " gravé.

(A suivre.)

(Suite.)

L'âtre de la cheminée est en pierre, de même que le dessus mesurant 3 m de long, le tout en granit sculpté. Dans un coin, on trouve la bouche d'un four.

Une partie du château appartient à la famille Martin; la deuxième partie est propriété de la famille Demars, notre dévoué conseiller municipal; là, existait une vaste salle à manger au rez-de-chaussée, avec débarras et une grande pièce au premier étage, toutes les pièces que J'ai visitées ont chacune une cheminée en pierre de taille sculptée et un plafond avec poutres semblables à la première cuisine.

L'ensemble du château, au-dessus du premier étage est un grenier sans charpente, très haut et pointu, une vraie curiosité; il s'agit d'un ensemble de chevrons enchevêtrés les uns sur les autres, chacun ayant une base qui retombe au niveau du plancher, il s'agit d'un beau chef-d'œuvre .

Dans l'enclos appartenant à la famille Demars, il existait une chapelle et tout près de là, on

a trouvé une sépulture, construite en briques et couverte de larges pierres. Il paraîtrait que là, le Dr Fournier avait mis le cœur de son épouse, à son décès. Ne retrouvant aucun antécédent à la famille Fournier qui quitta le Grand-Bueix vers 1820, on m'a exposé que ce docteur, qui était ordonnateur en pharmacie, avait fait créer des mares où il faisait l'élevage de crapauds ; ceux-ci étaient destinés à être cuits dans le petit four précité, cuits et desséchés jusqu'à l'obtention d'une poudre fine qui avait la vertu de guérir le mal aux yeux. Les lecteurs et moi-même trouveront cette phrase un peu ridicule; mais il est certain qu'un habitant de ce village a voulu tenter l'expérience en cuisant un gros crapaud jusqu'à concurrence d'obtenir la poudre renommée; il en soigna une vache qui allait perdre un oeil, dès les premiers traitements, il observa de l'amélioration et l'animal guérit radicalement.

LE CHATEAU AIGUEPERSE-MIRABEAU ET LES DEUX FRERES

GABRIEL-HONORE DE MIRABEAU

Ce fils Mirabeau était né au château de Bignon, en Provence, en 1749. Il était d'une laideur repoussante, la petite vérole l'ayant défiguré à l'âge de 3 ans; certains de ses proches le disaient aussi laid au moral qu'au physique. Mais une grande intelligence habitait ce corps, et il fit de sérieuses études. Le grand député Louis Blanc disait de lui :

" Aucun des membres de l'Assemblée Constituante, par l'universalité de ses connaissances, par l'activité de ses travaux, par l'empire de son talent et la puissance de sa parole n'a comme lui mêlé et confondu sa vie avec ce grand corps constitué et ne représente aussi fidèlement les sentiments, les Idées et la gloire, les faiblesses et les passions de notre pays."

G.-H. Mirabeau fut un grand tribun, il eut aussi une vie très agitée. Jeune, il donne de graves soucis à ses parents, puis a des déboires dans l'armée. Il se marie en Provence, en 1772; il est criblé de dettes. Prisonnier pour voies de fait au château d'If, puis dans un autre fort, il est condamné " à avoir la tête tranchée" pour avoir enlevé la femme d'un grand magistrat (on ne badinait pas avec ces questions-là à l'époque, et il faut penser que si les méthodes de cette époque revenaient, la guillotine aurait du travail maintenant dans la région et un peu partout en France). Il s'évade et entre dans la vie politique. Il s'intéresse aux finances royales, mais se heurte au pouvoir et se retrouve à nouveau en prison. Réfugié en Belgique, il prépare la révolution aux côtés de Talleyrand et La Fayette.

Hostile à la Reine, celle-ci cherche à l'amadouer. Il touche de solides subsides malgré tout de la Cour et mène une vie que l'on appellerait aujourd'hui " de Patachon ". La Reine paye ses dettes. Il devient membre de l'Assemblée Royale, et c'est à ce moment que le grand tribun se révèle. Le Roi Louis XVI ayant décidé à la séance historique du 23 juin 1789, d'annuler les décisions prises le 17 juin par les députés, il resta avec les députés du Tiers état, dans la salle, aux côtés du président Bailly, en sa qualité de représentant de cet ordre pour la région d'Aixe-en-Provence (la noblesse l'avait rejeté, il était passé au Tiers état) et c'est lui qui interpella le marquis de Dreux-Brézé, grand-maître des cérémonies, qui prétendait au nom du Roi son maître, faire évacuer la salle. Il lui lança cette phrase que tous les petits écoliers ont apprises et qui fut une des grandes phrases historiques : " Allez dire à votre maître que nous sommes ici par la volonté du peuple et que l'on ne nous en arrachera que par la force des baïonnettes. "

Le Tiers état venait de gagner une grande victoire contre la royauté et la noblesse; quelques jours après, le 14 juillet, la Bastille capitulait, le Roi aussi, et le 17 Louis XVI recevait à titre symbolique une cocarde tricolore. C’est à cette date-là que se produisit ce que l'on appela " La Grande Peur ", dont je vous parlerai au cours de cette étude.

(A suivre.)


(Suite.)

Après une vie d’homme politique très agitée qui lui valut plusieurs incarcérations, notamment au château d’If, au fort de Joux et d'être aussi condamné à "avoir la tête tranchée", celui qui fut l’égal des La Fayette, Talleyrand, et certainement le plus grand orateur de l’époque, mourut le 2 avril 1791. Ses dernières paroles furent : " J'emporte avec moi le deuil de la monarchie, les factieux s'en disputeront les lambeaux. " Il fut enterré au Panthéon. Les historiens que plus de 300.000 personnes suivirent son cercueil de l'église St-Eustache au Panthéon d'où il devait plus tard être expulsé pour céder sa place à Marat. Nous rappelons aussi que Marat en fut à son tour expulsé, son corps jeté dans une bouche d'égout par une foule qui criait : " Tiens ! le voilà, ton Panthéon." Ainsi va l'histoire : les grands d'un jour risquent souvent de devenir les petits du lendemain.

***

Comme cette famille de Mirabeau a joué un grand rôle dans l'histoire il me semble important de donner davantage de détails sur les ascendants des deux frères Mirabeau avant de parler plus longuement d'eux.

Plusieurs historiens s'y sont intéressés (1), mais leur œuvre est peu connue, et il m’appartenait de compléter ce travail puisque la seigneurie d'Aigueperse Mirabeau a régné sur une partie du territoire de l’actuel Linards en Limousin.

Je voudrais tout d'abord parler de celui qui se baptisa " l’Ami des hommes ". Il s’appelait Victor de Riquety, marquis de Mirabeau, et il avait épousé, le 21 avril 1743, Marie-Geneviève de Vassan, riche, mais peu attrayante, tant par son physique que par son éducation mondaine. Ses origines et sa fortune palliaient à ce léger inconvénient. A 17 ans, c'était déjà une veuve qui s'était mariée à 12 ans avec le marquis de Ferrières. Victor de Mirabeau, bel homme, agréable, était né au Perthuis, en Provence, le 5 octobre 1715, fait chevalier de Malte le 11 septembre 1718, il fit une belle carrière militaire, guerroya en Pologne, en Autriche, et obtint l'ordre de Saint-Louis. Toutefois, il n'avait pas une vocation militaire, et vivant avec une épouse dure, égoïste, dont son frère disait " qu'elle n'avait pas les agréments de son sexe, mais avait les vices des deux ". Mais aussi sans doute cette marquise, mariée très jeune ne connut-elle pas l'affection et l’amour, ce qui ne l'empêcha pas de mettre au monde onze enfants, dont Gabriel-Honoré de Mirabeau dont nous allons parler, ainsi que de André-Boniface de Mirabeau. Curieux personnage que cette marquise de Vassan, résidant tantôt à Aigueperse, tantôt à Pierre-Buffière ou bien au Treuil de Saint-Hilaire à Chéronnac, et ensuite à l’abbaye des Allois. Elle se compromit avec un garde du corps et fut l'objet dune lettre de cachet lui fixant résidence forcée aux Allois, où elle se vengea sur tout ce qui lui tombait sous la main : religieuses, fruits, arbres fruitiers et luttant surtout contre. son époux qui lui versait 500 livres de pension, puis 400. C'était une " forte femme ", digne descendante de sa mère, la marquise de Vassan.

Plus intéressant fut, je crois, Victor de Mirabeau, son époux, père du comte de PierreBuffière, futur grand tribun, qui arriva à Aigueperse le 21 septembre 1770 et fut autorisé par son père à abandonner le nom de Pierre-Buffière pour le remplacer par celui de comte Gabriel-Honoré de Mirabeau. Sa grand-mère, la terrible Anne de Ferrières-Sauveboeuf, marquise de Vassan, mourut au château du Saillant, mais fut, selon son désir, inhumée dans l'église de Saint-Bonnet-Briance. Les funérailles furent organisées par Gabriel-Honoré, chargé par son père de préparer également le repas pour " la famille et le clergé ". Elle dort aujourd'hui dans cette église auprès de son époux mort le 17 août 1756. Je profite de ce passage pour citer une autre famille très respectable, celle de Lavaux de Neuvillars (ensuite de Lalande), du château de Neuvillars dont les descendants résident toujours en ces lieux.

AIGUEPERSE.

C'était alors une petite commune de deux cents habitants. Le seigneur était le chevalier Charles-Joseph de Ferrières, dont les armes étaient : " d'argent au pal de gueule accompagnées de dix billettes de même rangée en orle ". C’est le mariage de Vassan-Mirabeau, en 1743, qui fit passer aux mains des Mirabeau-Aigueperse cette petite commune qui avait malgré tout son église et ses foires.

Mais nous étions en 1770, et la situation des paysans était très misérable.

Le Limousin était terrassé par la disette et le jeune Gabriel-Honoré en fut sans doute très impressionné puisqu’il vécu avec les ouvriers, les nourrit, les soutint et les anima. Il ne faut pas s’étonner que, dans ces conditions, il devint représentant du " Tiers Etat " plutôt que de la Noblesse, par la suite. Nous trouvons parmi

(A suivre.)

(Suite.)

.Je ne m’étendrai pas trop sur les ancêtres de Gabriel-Honoré de Mirabeau; je parlerai seulement pour mémoire du tuteur, le comte Jean de Lalande, seigneur de Lavaud-Saint-Etienne, propriétaire de la terre de Neuvillars, le souvenir et le renom de cette famille s'étant transmis très honorablement jusqu'à nos jours. Je dirai aussi que les communes et paroisses de Combret, Aigueperse et St-Bonnet dont des parcelles empiétaient sur la commune de Linards furent réunies en une seule commune, Saint-Bonnet-la-Rivière, lorsque les deux premières églises tombèrent en ruines.

Quant à l'ancien château de Neuvillars (Villaribus), dont il ne reste plus rien, il était bâti sur les ruines des villas gallo-romaines " Castrum de Novis Villaribus ". C'est le 17 décembre 1734 que François de Lalande, seigneur de Lavaud et de Saint-Etienne, en devint héritier. Mais mon propos n'est pas de faire la généalogie de cette honorable famille, d'autres historiens s'en sont chargé. Brémont d'Ars nous indique que le propriétaire, le marquis Jean-Baptiste de Lavaux de Saint-Etienne fut inquiété pendant la Révolution et que le château fut mis sous séquestre.

Mais si j'ai voulu parler de celui qui fut un grand philanthrope, Victor de Mirabeau, père de Gabriel-Honoré et de dix autres enfants dont André-Boniface (Mirabeau-Tonneau), c'est parce que, dans cette région de Linards-Saint-Bonnet, il fut un " bon seigneur ". Nous lui devons, sous Turgot, le fait d'avoir amélioré, pour l'époque, le sort des cultivateurs, métayers et autres qui par ailleurs étaient oppressés, beaucoup plus souvent traités comme des bêtes, exploités, et de ce fait peu encouragés. Ce fut donc un disciple du grand Turgot vis-à-vis de ce peuple qui commençait à s'intéresser à la pomme de terre et où, nous dit Taine, l'argent gagné à Paris ou ailleurs par les maçons servait à payer les impôts de la famille (gabelle et taille et impôts indirects). Encore un exemple de la contestation fiscale à travers les âges.

Turgot avait créé 160 lieues (660 kilomètres) de routes, supprimé la corvée royale, et en 1770 la région avait retrouvé une amélioration de son sort, et l'élevage, les châtaignes, les raves (macho-rabas) complétaient la pomme de terre dans le commerce et l'alimentation. Mais c'est à la justice que s'intéressa Victor de Mirabeau, fondateur des premiers " Conseils de prud'hommes ",, autrement dit le Conseil des Sages. Ces tribunaux populaires, qui existent encore en Espagne pour la répartition des eaux, étaient efficaces et le jeune comte Gabriel-Honoré fut chargé de l'organisation de ces tribunaux, et son précepteur, un certain M. Poisson, lui aida beaucoup.

Il ne fallait pas offenser les curés, qui rendaient eux aussi la justice au nom de Dieu, et ceux-ci composèrent avec ces tribunaux. Dès 1771, les élections des juges (vieillards pères de famille) avalent lieu au château d'Aigueperse, et le château servit de tribunal. Aigueperse devint donc un Centre agricole important et rayonnait aussi sur la région de Linards.

Après une vie politique très agitée, celui qui fut l'égal de Lafayette et de Talleyrand, a été certainement le plus grand orateur de l'histoire. Sa vie amoureuse avait été intense. On suspecta même ses relations avec sa sœur, Mlle de Cabris; on le disait endetté, emprunteur, mais Dauphin Meunier dit aussi de lui : " Sa laideur n'ajoutait-elle pas à son charme ? Quel visage, à le bien voir, était plus touchant que le sien ? Derrière les coutures de la petite vérole il y avait du fin, du plaisant, du gracieux même, et les agitations feintes ou sincères le transfiguraient. "

De toutes façons, ce grand tribun, qui mourut le 2 avril 1791, prononça ces dernières paroles significatives : " J'emporte avec moi le deuil de la monarchie. "

Les historiens disent, que 30.000 personnes suivirent ses obsèques au Panthéon. Hélas ! grandeur et décadence des puissants de ce monde, il en fut expulsé plus tard pour céder la place à Marat Rappelons qu'à son tour le corps de Marat fut extrait du Panthéon par une foule en furie et jeté dans une bouche d'égout aux cris de " Tiens, le voilà ton Panthéon. " Ainsi va l'histoire, de même pour les grands chefs.

ANDRE-BONIFACE DE MIRABEAU (Mirabeau-Tonneau)

Né en 1754, ce frère du tribun mena lui aussi la " grande vie ". Il ne nous a pas laissé un aussi bon souvenir que Gabriel-Honoré. Parti en guerre contre l'indépendance américaine il en revint non couvert de dettes mais suivi d’une peu enviable renommée. Il adorait la dive bouteille, et son mariage ne le guérit guère de ce vice. Défenseur de l'ancien régime, réactionnaire à tous crins, il tenta d'organiser une armée contre-révolutionnaire. Il mourut subitement le 15 décembre 1792 d'une congestion résultant d'une violente dispute avec l'un de ses collègues de l'armée. Son surnom lui venait d'un embonpoint excessif qui le faisait ressembler à un tonneau. A sa mort, les médisants dirent : " Mirabeau-Tonneau est mort, quelle perte pour les marchands de vin. " Fort heureusement sa descendante avait recueilli de lui ses qualités : une vive intelligence héréditaire chez les Mirabeau. Il eut comme descendant un très grand chirurgien qui, bon patriote, disparut tragiquement lors de l'entrée des troupes allemandes à Paris, en 1940.

****

Free Web Hosting